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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 47, septembre-octobre 2006

Tribune : CPE : leçons d’une mobilisation

Mis en ligne le 26 septembre 2006 Convergences Politique

Comme nos lecteurs le savent Convergences Révolutionnaires ouvrent ses colonnes aux groupes et militants révolutionnaires appartenant à d’autres courants se réclamant du communisme ou du socialisme. Ci-dessous une contribution que nous a faite parvenir un militant de la LCR.


Le mouvement contre le CPE représente une étape importante dans la reconstruction de la conscience de classe. Depuis 95 c’est la première défaite d’un gouvernement et donc cela représente un point d’appui, cela permet de montrer que la lutte paie.

La jeunesse a remis au goût du jour des méthodes de lutte qui permettent de gagner

Elles tiennent en quatre points : l’unité pour construire un mouvement de masse, la grève avec piquets, l’auto-organisation, la grève générale.

Pour une fois, l’unité n’a pas été le prétexte pour les directions syndicales pour ne rien faire, elle a permis une mobilisation de masse : les appels intersyndicaux ont été un signal pour les militants combatifs pour construire la mobilisation avec confiance, notamment ceux de l’Unef et de la CGT. La grève avec piquets de grève (qu’on a appelé blocages) a permis une mobilisation de masse et durable. L’auto-organisation, même si elle a connu des limites, a permis aux jeunes de prendre en charge la lutte par eux-mêmes. C’est ce type d’activité qui, au-delà des objectifs de la lutte, rend crédible de se passer de cette société et de ses institutions, donne confiance aux jeunes et, indirectement, aux travailleurs, dans leur propre force. D’autant plus quand la mobilisation continue malgré le vote de la loi. Enfin, si le gouvernement a reculé, c’est face à un danger d’extension et aux difficultés des directions syndicales à contenir des appels à la gréve générale, ce qui aurait instantanément remis en cause l’autorité de l’État.

Ces quatre points sont une contribution importante pour la reconstruction de la conscience de classe dans la jeunesse et le monde du travail. Ce sont ces méthodes de luttes qui permettent de donner une cohésion et des perspectives, notamment aux jeunes des quartiers populaires, qui se sont mobilisés 3 fois depuis un an (mouvement lycéen de 2005, mouvement des banlieues de 2005 et mouvement sur le CPE).

Ces quatre points sont ceux qui ont permis que le gouvernement soit déstabilisé, qu’il ait failli tomber.

Trois leçons pour les révolutionnaires

La première est la place des réformistes, la deuxième celle de la jeunesse, en particulier scolarisée, dans la lutte des classes aujourd’hui, la troisième est le rôle des révolutionnaires eux-mêmes.

Le mouvement contre le CPE a permis de jauger le rapport de force actuel entre les directions réformistes et l’orientation des révolutionnaires. En dernière instance, les directions réformistes ont gardé la main sur le mouvement, sur sa direction, par le biais de l’intersyndicale : celle-ci a décidé des dates de manifestations, du début comme de la fin du mouvement, elle a réussi à limiter les mots d’ordre au retrait du CPE... Elles se sont y compris servies dès le début du besoin d’unité pour que l’intersyndicale soit un cadre de décisions incontestable. Mais elles ont été forcées à une série de choix : elle ne souhaitaient pas une grève de masse, elle ne souhaitaient un rythme soutenu mais il a été imposé fin mars (avec les manifestations des 28 mars et 4 avril, obtenues sous la pression du nombre de manifestants les semaines précédentes et des interpellations de la coordination étudiante)... Cela fait bien longtemps qu’on avait pas obligé leurs directions à des choix si combatifs. Dans la jeunesse, le rapport de forces a été particulièrement favorable : la coordination étudiante a rapidement échappé au contrôle pourtant strict de la direction de l’Unef pour se faire le reflet des débats réels existant dans le mouvement. Cela ne se traduit pas automatiquement par une orientation claire, mais cela donne plus d’espace aux militants combatifs et sincères.

La jeunesse joue un rôle moteur dans la lutte des classes depuis quelques années. Cela est dû notamment au fait que la jeunesse a moins d’obstacles matériels à l’engagement, par le plus faible encadrement par les réformistes et le moindre poids des défaites. Ce rôle moteur était visible dans le mouvement contre la guerre, dans le mouvement lycéen de 2005 (qui a contribué à la grande manifestation du 10 mars et à la victoire contre la Constitution européenne), mais aussi du côté des jeunes travailleurs (dans des boites, en mai-juin 2003...). La jeunesse, dans cette phase que nous vivons de reconstruction de la conscience de classe, peut jouer un rôle déterminant, un rôle catalyseur, en redonnant confiance aux générations usées par les défaites. Cela valide aussi l’importance pour les révolutionnaires d’intervenir auprès des jeunes et dans les luttes de la jeunesse, en particulier pour encourager et favoriser ses liens avec la classe ouvrière.

Enfin, la mobilisation sur le CPE confirme le rôle nouveau des révolutionnaires. Notre audience, acquise dans les élections mais aussi par des années de présence dans les mobilisations, nous permet aujourd’hui d’être entendus dans les luttes. Nous rompons et devons rompre avec les complexes minoritaires : nous ne pouvons plus pas nous contenter de critiquer les directions réformistes et de constater notre impuissance. Au contraire, nous pouvons et devons proposer notre politique aux jeunes et aux travailleurs. C’est ce que les militants des JCR et de la fraction de LO ont tenté dans le mouvement contre le CPE : en travaillant ensemble à partir de traditions différentes, c’est une démonstration des possibilités des révolutionnaires qui a été effectuée. Organiser la grève sur les universités (ou leur lieu de travail), écrire les appels des coordinations, organiser leur diffusion en direction des travailleurs, rencontrer la direction de la CGT pour voir ce sur quoi il était possible de s’accorder (c’est-à-dire peu de choses...), se battre pour que soient décidées les manifestations du 28 mars et du 4 avril, voilà le type d’actions que peuvent se permettre les révolutionnaires aujourd’hui. C’est cela, contester l’hégémonie des directions réformistes et proposer notre politique à des millions de personnes.

Des leçons faites pour servir

Nous devons en conclure la possibilité pour les révolutionnaires d’intervenir ensemble pour construire des mobilisations dès maintenant. C’est le cas en particulier sur la guerre en Palestine et au Liban et sur les mobilisations pour les droits des immigrés (contre la réforme Sarkozy, pour la régularisation des sans-papiers et la liberté de circulation). Nous devons prendre des initiatives pour construire une mobilisation de masse, avec des comités locaux, une coordination des comités, contre la guerre en Palestine et au Liban, en rejetant, au passage, une intervention de l’ONU et de la France. Pour ce qui concerne les droits des immigrés, la loi Sarkozy et l’approche des élections ont redonné courage à des milliers d’immigrés pour se mobiliser. C’est l’occasion, et nous devons l’encourager de toutes nos forces, de reconstruire une mobilisation de masse contre le racisme et pour l’égalité.

En plus de ces mobilisations, nous devons tout faire pour que cette année d’élections ne soit pas une année socialement calme : la situation des travailleurs est loin de s’améliorer, en particulier pour ce qui concerne les salaires et les conditions de travail. Les révolutionnaires devront là aussi faire tout leur possible pour construire, encourager, coordonner ces luttes.

Pour finir, pour ce qui concerne les élections, si l’on s’accorde sur les enjeux de la période (reconstruction de la conscience de classe, contestation des directions réformistes, affirmation de la possibilité d’une rupture révolutionnaire avec l’ordre existant) et sur la place des révolutionnaires, on ne peut se réjouir que les révolutionnaires abordent ces échéances séparément. Si nous considérons que les divergences entre LO et la LCR dans la dernière période sont le résultat d’approches tactiques différentes, si importantes qu’elles soient, cela ne devrait pas justifier des candidatures séparées. En particulier, la présentation unilatérale d’Arlette Laguiller par LO et l’absence de réponse aux quelques propositions de débats de la LCR (« bouffe à quatre », proposition de débat à l’université d’été de la LCR) ont coupé toute possibilité de rapprochement.

Face aux responsabilités des révolutionnaires, il s’agit de tirer ensemble les bilans de nos interventions communes afin d’aborder les prochaines échéances de la lutte de classe dans la position la plus forte.

Antoine LARACHE, militant à la LCR et membre de la direction des JCR

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Réactions à cet article

  • Bouffe à quatre ou regroupement des révolutionnaires, n’est-ce pas contradictoire ? La LCR a fait son choix, qui n’est pas le nôtre. Pour l’analyse du mouvement anti-CPE, il faut se garder de tout triomphalisme. L’essentiel, les licenciements , le chômage et la précarité, se poursuivent, et l’occasion de transformer des manifestations étudiantes en grèves de masse sur la revendication d’un emploi pour tous, trop rarement formulée, est passée. C’est en mesurant les échecs, Juin 1936 ou Mai 1968, qu’on peut les dépasser, et pas seulement en retenant les leçons positives (occupations d’usines notamment). Il faut pour cela une perspective internationaliste et critique vis-à-vis de partis renégats : le PS avec l’Union sacrée en 1914, le PCF avec le stalinisme, etc. Un second tour réduit à Sarkozy et Ségolène devra être boycotté... Pas question d’offrir un chèque en blanc à Chirac-le-petit comme en 2002. Un vote reste un mandat impératif !

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