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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 43, janvier-février 2006 > DOSSIER : La crise permanente du logement

DOSSIER : La crise permanente du logement

Tous propriétaires ?

Mis en ligne le 13 janvier 2006 Convergences Société

Que nous dit le gouvernement, depuis des années, face à la crise du logement ? Devenez propriétaires !

Inviter à la propriété ceux qui n’arrivent pas à payer leur loyer, voilà une riche idée, qui n’est pas sans rappeler le cri du cœur de Marie-Antoinette aux femmes de Paris venues, affamées, demander du pain aux portes de Versailles : « Vous n’avez point de pain ? Mangez donc de la brioche ! ».

Mais il ne s’agit pas seulement d’une provocation. D’un pied de nez cynique d’un gouvernement qui ne veut ni bloquer les loyers ni construire lui-même des logements. Cette proposition d’accès à la propriété est aussi un piège redoutable tendu aux travailleurs. Toute une propagande l’accompagne, incarnée par la dernière trouvaille en date : la « maison à 100 000 € ». L’achat de son logement semble une solution à bien des personnes, étant donnée la folle envolée des loyers : pourquoi pas emprunter pour acheter plutôt que dépenser de toute façon des centaines de milliers d’euros sur 20 ans dans un loyer, à fonds perdus, pour avoir un toit dont on ne sera jamais propriétaire ?

Sauf que, pour la plupart des travailleurs, l’insécurité de l’existence, la précarité de l’emploi et des revenus peuvent facilement transformer l’endettement en tragédie. Perte de l’emploi, divorce, difficultés personnelles imprévues, et les revenus chutent brutalement, rendant la dette impossible à rembourser.

C’est ce qu’ont vécu d’ailleurs de nombreuses familles dans les années 1980. Au début de la décennie, le prêt semblait être une solution peu coûteuse, à cause de l’inflation. Celle-ci diminuait la valeur réelle de l’emprunt contracté, qui devenait donc plus facile à rembourser, d’autant que le chômage était moindre et les situations professionnelles plus stables. Mais l’inflation a brutalement régressé au milieu des années 1980, les taux d’intérêt réels (c’est-à-dire les taux d’intérêt diminués de l’inflation) se sont envolés... ainsi que les licenciements. Résultat : un surendettement massif, des maisons revendues bien au-dessous de leur valeur d’achat à la construction, et des dettes pour la vie. Le paradoxe, c’est que le politicien qui s’est forgé une certaine réputation, fort usurpée, d’homme « social », pour sa lutte surtout verbale contre le surendettement, est un certain Jean-Louis Borloo, l’actuel promoteur de la propriété (au rabais !) pour tous !

Le piège de l’endettement

Pour ceux qui ne vivent que de leur seul travail, plus l’endettement est à long terme, plus il peut s’avérer dangereux, puisqu’on ignore de quoi sera fait l’avenir professionnel. Or, précisément, la durée des prêts immobiliers consentis par les banques s’allonge beaucoup depuis quelques années : en trois ans seulement, entre 2002 et 2005, la part des prêts de durée inférieure ou égale à 15 ans est passée de 58% à 32%, alors que les prêts à 25 ans sont passés de 2%... à 25,1%, avec un bond de 16% dans les seuls six premiers mois de l’année 2005 ! La durée moyenne de crédit est ainsi passée de 13 ans en 2000 à 17 ans en 2005. Un changement qui s’explique par le fait que les banques prêtent à des demandeurs aux revenus de plus en plus modestes, et pour cela leur consentent des prêts à plus long terme. À quand la situation japonaise, où des familles s’endettent sur plusieurs générations pour acheter leur logement ?

Résultat de cette politique concertée du gouvernement et des banques : le boom de l’immobilier est alimenté même par les achats des classes populaires, à la grande joie des grands bénéficiaires de la crise du logement, les promoteurs et les banques. Et la corde se resserre d’autant plus autour du cou des travailleurs... avec leurs propres économies et leurs dettes puisque, selon Le Monde (du 20/9/2005), « depuis 1998 les prix d’achat des logements anciens ont augmenté de 70 à 90% selon leur nature et leur localisation (...) alors que le revenu disponible des ménages n’a augmenté, lui, que de 20% ». Ainsi, selon le même journal, le montant du remboursement du prêt rapporté au revenu disponible, ce que l’on appelle le « taux d’effort », est passé de 21% en 1998 à 31% en 2005. Le taux d’endettement des ménages a augmenté de dix points depuis 1998 pour atteindre 62%, au point que la vénérable Banque de France s’en alarme ! Rien d’étonnant à ce que le résultat soit l’accumulation des dossiers déposés à la commission nationale de surendettement : 188145 en 2004, chiffre en progression de 13,7% par rapport à l’année précédente.

Ce mirage de la « propriété pour tous » est donc lourd de catastrophes futures.

Bernard RUDELLI


Un véritable projet de société ?

La propagande actuelle pour inviter les classes populaires à accéder à la propriété ne se réduit pas à une mesure dérisoire, et dangereuse, face au mécontentement sur les loyers.

C’est aussi une façon d’ancrer toujours plus l’idée que les travailleurs n’ont à compter ni sur l’État ni sur des droits collectifs pour améliorer leur sort, mais sur leur propre épargne : il faudrait donc épargner et emprunter pour acheter son logement, de même qu’il faudrait souscrire à un fonds de pension (capitalisation individuelle) pour assurer sa retraite, et acheter des actions de son entreprise pour augmenter son pouvoir d’achat, plutôt que de se battre pour une augmentation de salaire. L’important c’est d’être un in-di-vi-du, d’agir et de penser comme tel. En mettant au passage ses petites économies à la disposition du capital financier.

C’est dans cette perspective aussi qu’en Grande-Bretagne, notamment sous l’impulsion du gouvernement Thatcher, la part des propriétaires dans les occupants de logements passa de 30 à 70% dans les trente dernières années, ou qu’un George Bush rappelle sans cesse sa volonté de faire des États-Unis une « société de propriétaires ». Un slogan qui trotte aussi depuis longtemps dans la tête des dirigeants français.


La dernière bonne blague de Borloo

Des pavillons de 85 mètres-carrés dans des zones urbaines « sensibles », « là où on ne construit plus que des tours depuis des dizaines d’années »... Encore une promesse gouvernementale qui fait pschiiit ! Seule une quinzaine de municipalités (sur 700 sites éligibles !) ont proposé des terrains, capables d’accueillir le plus souvent de 12 à 20 maisons.

À Mantes-la-Jolie, près de la grande cité du Val-Fourré où Borloo est venu s’exhiber devant les caméras en décembre, on mettrait en chantier 24 maisons de 80 m2, mais à 120000€. Sans compter le prix du terrain, soit 25000€. Au total la maison à prix réduit se retrouve donc... au prix du marché ! Voilà en effet de quoi résoudre la crise du logement...


Le prêt rechargeable : attention à la gâchette

Dès les premiers mois de l’année 2006, un nouveau piège à surendettement attend les salariés qui s’y laisseront prendre. Il s’agit du prêt hypothécaire rechargeable. Lors de l’achat d’un logement, l’emprunteur souscrit un crédit. Puis, au fur et à mesure des remboursements, son crédit se « recharge ». Il dispose ainsi d’argent disponible pour acheter ce qu’il veut. Mais attention, danger : s’il ne rembourse pas son crédit voiture ou décoration, c’est sa maison qui risque d’être vendue !

Phénomène d’autant plus dangereux que les prix actuels de l’immobilier sont élevés et risquent de redescendre. En clair, le prêt sera consenti sur un bien qui risque de voir son prix se déprécier. Associations de consommateurs, et mêmes organismes bancaires, sont plus que réticents devant les dangers de ce produit calqué sur les pratiques anglo-saxonnes. Qu’importe pour le gouvernement, du moment que les ménages consomment !

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