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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 43, janvier-février 2006

Des livres pour éclairer l’actualité sociale et politique

Mis en ligne le 13 janvier 2006 Convergences Culture

de Emmanuelle Heidsieck

Notre aimable clientèle

Denoël, 14 €

À l’heure où une nouvelle convention du régime d’assurance chômage, par la grâce du Medef et des centrales syndicales CFDT, CFTC et CGC, va entrer en application et permettre de radier ou précariser de plus nombreux chômeurs encore, ce petit roman est particulièrement d’actualité.

C’est l’histoire d’une descente aux enfers. Celle de Robert Leblanc, employé aux Assedics depuis des dizaines d’années. Fraîchement divorcé, Robert n’a plus que le boulot. Mais c’est loin d’être une thérapie. Ballotté de site en site, craignant toujours plus de perdre son emploi - d’autant qu’il est bien placé pour savoir ce qui l’attendrait alors -, Robert applique les réformes du statut des chômeurs.

Derrière ce roman se cache un véritable reportage sur le travail aux Assedics. Notamment sur les effets du Pare, cette réforme de l’Unedic mise en place par le gouvernement Jospin en 2001, et ses conséquences dramatiques pour les chômeurs. Et, grâce au nouveau système informatique Aladin, une armée de cadres dirigeants peut vérifier la productivité de chaque employé. Des critères de productivité aux Assedics ? Eh oui : le nombre de chômeurs radiés !

Robert ne se prête pas à ce jeu-là sans traîner les pieds. Il regrette le temps où le fonds social de l’Assedic lui donnait les moyens de payer les factures EDF de ceux à qui on avait coupé l’électricité. Le temps où il avait toujours un carnet de tickets de métro pour dépanner ceux que la direction appelle désormais « les clients ». Mais le fonds social a été divisé par deux en 1997, sous la gauche.

Submergé par un sentiment de dégoût vis-à-vis de ses collègues zélés, fiers d’avoir radié sept personnes dans la matinée, subissant le spectacle de cadres dirigeants se combattant et s’éliminant sauvagement, Robert se détache peu à peu de son boulot... comme de la réalité.

Emmanuelle Heidsieck aurait sans doute pu écrire son roman sur un employé SNCF, des assurances, des banques ou de tant d’autres administrations, le livre n’aurait pas été bien différent. Robert, qui croit trouver une certaine tranquillité en se résignant à l’indifférence, ne fait qu’accélérer sa chute, et il se réveille à l’hôpital psychiatrique. N’en pouvant plus de rentrer sa colère, refuser la discussion avec ses collègues, essayer d’oublier toute forme de solidarité, il a « pété les plombs ». Mais cela n’arrive plus seulement maintenant aux individus aussi psychologiquement fragiles que Robert. L’avalanche d’études qui paraissent aujourd’hui sur « le stress au travail » en est un témoignage éloquent.

Raphaël PRESTON


de Maurice Rajsfus

La France bleu marine, de Marcellin à Sarkozy (Mai 68 - Octobre 2005)

Éditions L’esprit frappeur, 414 pages, 8 €

« La police constitue un monde à part qui n’obéit qu’à ses propres règles », constate Maurice Rajsfus. Chargés de maintenir l’ordre, les policiers se savent indispensables au pouvoir. Les quinze ministres de l’Intérieur qui se sont succédés Place Beauvau dans la période étudiée dans son livre ont presque toujours capitulé devant les mouvements d’humeur des policiers. Et tous ont cherché à gagner leurs bonnes grâces par des discours sécuritaires.

Rajsfus met en lumière cette continuité, de Raymond Marcellin, ancien collaborateur de Vichy, qui constitua le symbole de la politique répressive en Mai 68 (il fut nommé à ce poste le 31 mai par De Gaulle) à Nicolas Sarkozy qui occupe la place aujourd’hui. Il montre aussi l’augmentation constante des effectifs, qui ont pratiquement doublé en 37 ans, passant d’environ 120 000 à 230 000.

Il souligne enfin les limites du syndicalisme policier. La FASP, syndicat majoritaire dirigé par des membres du Parti socialiste, aujourd’hui en perte de vitesse, n’a jamais cherché à se joindre aux luttes des travailleurs et, surtout, n’a jamais protesté contre le rôle répressif de la police contre les grévistes ou les manifestants. Les rares policiers sanctionnés ont d’ailleurs été ceux qui s’y sont risqués, même timidement. « Les soutiers de la répression rechignent parfois mais ils accomplissent toujours leur tâche sans broncher - en améliorant même la consigne à l’occasion », conclut Rajsfus. Un livre utile pour comprendre le rôle de la police et ses relations avec le pouvoir.

G.D.

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