Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 97 : janvier-février 2015 > Grèce

Grèce

Syriza : À l’approche du pouvoir, un programme qui fond

Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Monde

Le chantage au ‘mauvais vote’ orchestré par les gouvernements européens et le FMI, à défaut de convaincre les travailleurs grecs, a pour but d’accroître la pression sur la formation politique de gauche dite ‘radicale’ en cherchant à la modeler un peu plus à l’avantage des créanciers. Et la direction de Syriza s’exécute : sa ‘radicalité’ – toute programmatique – se dilue depuis trois ans. Au seuil du pouvoir, son dirigeant Alexis Tsipras enfile le costume de bon gestionnaire de la dette publique afin d’obtenir les faveurs de la Troïka et des banquiers d’affaires.

Alexis Tsipras, à l’assaut du monde de la finance ?

Avant d’amorcer sa campagne auprès des Grecs, il en a déjà menée une sur le plan international, afin d’assurer la bourgeoisie que ses intérêts seraient préservés sous son mandat. Lors d’interventions remarquées à la City de Londres ou aux États-Unis, Tsipras a balayé toute équivoque sur ses projets. Selon lui, il n’y aura pas d’annulation unilatérale de la dette mais une renégociation dans laquelle il défendra énergiquement, dit-il, l’effacement des deux tiers de l’ardoise. De plus, il souhaite se concerter avec la Troïka pour essayer d’obtenir le report du paiement des intérêts prévus pour 2015.

Ne ménageant pas ses efforts, Alexis Tsipras commence à convaincre. D’ailleurs, certains hommes d’affaires et politiciens, à l’instar du gouverneur de la Banque de France et de Moscovici, notent désormais que la dette devra être restructurée, vu que la Grèce ne sera pas en mesure de l’honorer en 2015, quel que soit le bord politique du gouvernement. Il s’agit seulement pour la bourgeoisie internationale de conserver en l’État grec un débiteur et un client solvable, quitte à raboter un peu sa dette ou à en étaler les remboursements. Tsipras serait un interlocuteur comme un autre, ou presque.

En outre, l’idée d’un gouvernement Syriza paraît d’autant plus admissible pour les milieux d’affaires que les banques grecques, recapitalisées et restructurées grâce aux saignées effectuées sur la population, ne sont plus promises à « nationalisation » par Tsipras ; il a définitivement gommé le mot de son programme. La seule mesure de Syriza concernant le secteur bancaire consiste en un « contrôle public » sur les banques afin qu’elles accroissent leurs investissements auprès des petites et moyennes entreprises. Vu le degré d’opacité des opérations financières, quelques fonctionnaires ne pourront de toute façon rien contrôler. Et mettre en œuvre une politique favorable aux prêts à ce type d’entreprises doit certainement être la promesse électorale la plus partagée par tous les candidats bourgeois du monde. Rien de très ‘radical’ en somme.

Des mesures pour faire face à « l’urgence humanitaire » ?

Rien de révolutionnaire, mais sur le papier, elles rompent effectivement avec la politique d’austérité des gouvernements précédents. Le salaire minimum serait relevé « progressivement » à son niveau d’avant crise : 750 euros. Un certain nombre de fonctionnaires seraient « progressivement » embauchés. Pas à hauteur du nombre d’emplois supprimés dans la Fonction Publique depuis cinq ans, mais... leur quantité dépendra des préconisations d’un prochain audit des administrations. Syriza s’est aussi engagé à travailler à une nouvelle réforme de la législation du travail et à offrir un accès gratuit pour les plus pauvres à l’électricité, l’eau, les transports et les soins.

En ce qui concerne l’augmentation du salaire minimum dans le secteur privé, le problème reste entier. La grande majorité des salariés travaillent dans de très petites entreprises dont beaucoup sont en difficulté quand elles ne sont pas au bord de la faillite. Comment s’imaginer une amélioration sans une pression ouvrière collective sur ces entrepreneurs, certes petits mais rapaces ?

Et les moyens financiers manqueront à l’État pour parvenir à réaliser ces mesures. Syriza ne remet pas en cause l’ordre capitaliste et ses ministres devront lever des fonds comme le fait n’importe quel gouvernement. Pour appliquer son programme, un gouvernement Syriza devra trouver des créanciers qui tolèrent les réformes sociales. Or la Troïka ne brille pas par sa bienveillance à l’égard des peuples et la Grèce ne peut emprunter actuellement aux banques privées qu’à un taux de 9 %, un taux énorme..

Il serait possible de trouver les fonds nécessaires pour satisfaire les revendications vitales de la classe ouvrière sans alimenter davantage les coffres des banques, mais certainement pas sans une levée populaire en masse, pas sans une mobilisation générale et profonde dans laquelle les travailleurs se fixeraient l’objectif de réquisitionner les banques pour les mettre sous leur contrôle populaire, tout en ouvrant et contrôlant les comptes des grandes entreprises.

Autant dire battre en brèche leur système, bousculer les sacro-saintes lois de la propriété qui écrasent les peuples et les travailleurs. Ce n’est pas ce que propose Syriza, qui n’évoque qu’une réforme fiscale. Cela suffira-t-il pour engendrer assez de revenus pour financer les mesures sociales de son programme ? Dans ce pays où les classes dominantes et fortunées se font fort de ne pas payer l’impôt ? Même si pareille réforme était votée au parlement, les grandes fortunes et les grandes entreprises grecques contourneraient probablement la loi en utilisant les moyens d’évasion fiscale à leur disposition. Comme le font les bourgeois du monde entier.

Syriza, nouvelle formation politique de gauche qui prend la suite des anciennes qui se sont usées à l’exercice du pouvoir, entretient pour l’heure sa popularité sur un mirage : « votez pour nous et c’en sera fini de l’austérité ». Tiens donc ! Le renversement du rapport de forces ne proviendra pas des urnes. L’air sera bien raréfié autour des députés et ministres de Syriza qui se retrouveront seuls face au chantage au prêt qu’exerceront les banquiers et la Troïka.

A.S.

Mots-clés :

Imprimer Imprimer cet article

Abonnez-vous à Convergences révolutionnaires !

Numéro 97 : janvier-février 2015

Mots-clés