Patrons maîtres chanteurs : Sous couvert de « projets industriels », PSA vide les usines
Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Entreprises
Après l’ère Varin, l’ère Tavares : les PDG changent, les pratiques de patrons voyous restent à l’identique, sous la forme désormais classique du chantage envers les salariés. L’usine de Vigo, en Espagne, en a fait l’expérience au mois de novembre dernier. La direction de PSA a réussi à imposer, grâce à la signature d’un syndicat maison majoritaire, un plan de « compétitivité » aux salariés de Vigo. Ce plan prévoit une diminution de 5 % du salaire de base et la baisse, voire la suppression de plusieurs primes et compléments. En « échange », Vigo obtiendrait la fabrication d’un nouveau modèle de véhicule, la camionnette K9, pour laquelle le site était mis en concurrence avec l’usine slovaque de Trnava, où les salaires sont encore plus bas...
Avec un taux de chômage qui avoisine les 25 %, l’Espagne est un pays où les salariés peuvent être particulièrement vulnérables face à de telles pressions. Mais jusqu’ici tous les plans dits de compétitivité qui ont été signés dans le secteur automobile n’entérinaient pas une baisse directe du salaire de base. Les autres fabricants présents dans le pays (Renault, Ford, General Motors, Nissan, Volkswagen ou Seat) ont plutôt négocié la diminution de certaines primes, l’allongement et la flexibilité du temps de travail, voire une double échelle de salaires, différente pour les nouveaux embauchés. À Vigo, la direction a d’emblée fait savoir que la baisse du salaire de base serait non négociable.
Le « Compactage de ligne », késako ?
À l’heure actuelle, ce sont quatre sites PSA qui sont à nouveau mis en concurrence, pour l’attribution de la fabrication annuelle de 200 000 moteurs essence de dernière génération. Baptisé EB Turbo Puretech, ce bloc de trois cylindres équipe les segments B et C du constructeur (308, 208, C4, DS3...). Il s’agit de Tremery en Moselle, de la Française de Mécanique dans le Nord, et à nouveau de Vigo et Trnava. Tavares a multiplié les déclarations pour faire monter les enchères, indiquant que seraient pris en compte les coûts salariaux de chacun des sites, mais aussi le montant des aides publiques. Une manière d’exercer aussi son chantage sur les collectivités, pour obtenir les subventions les plus importantes. Pour chacun des sites, l’enjeu est bien sûr crucial : Tremery fabrique à 80 % des moteurs diesel, alors que le marché du diesel se contracte, une reconversion vers le moteur essence semble s’imposer.
Actuellement un « plan senior » semble avoir pour visée de vider la Française de Mécanique, puisqu’il s’agit de faire partir rapidement 300 salariés et de ne pas remplacer au total 800 départs à la retraite. L’usine connaît par ailleurs un important chômage partiel et cette filiale à 100 % PSA (depuis la décision prise fin 2013 par Renault de s’en désengager progressivement d’ici 2018) prévoit de fermer un de ses trois principaux ateliers en 2017 pour concentrer l’ensemble de la production sur les deux restants. Ce qui, dans le jargon de PSA, s’appelle faire du « compactage de ligne », comme c’est déjà le cas dans les usines d’assemblage véhicules, Rennes, Poissy, Mulhouse. Une grande première pour une usine de mécanique, mais avec comme conséquences, au détriment des salariés, des baisses d’effectif et l’augmentation de la productivité pour ceux qui restent.
Vous avez dit « poste sensible » ?
La situation est difficile pour l’ensemble des salariés. Dans tous les sites PSA, la mise en concurrence s’exerce aussi à l’échelle individuelle, puisque des lettres nominatives sont adressées à certains pour les informer qu’ils sont sur un poste « sensible » et qu’il faut donc qu’ils se trouvent un poste ailleurs… surtout en dehors de PSA. Dans les centres techniques, comme La Garenne et Carrières-sous-Poissy, ce sont des services entiers qui peuvent être concernés. Il s’agit donc d’éviter le ‘sauve qui peut’ et le ‘chacun pour soi’, qui ne mèneront nulle part vu le faible nombre de postes disponibles, tout comme le chantage à la baisse des conditions de travail et des salaires à l’échelle de sites entiers. Tous ensemble, nous pouvons représenter une force, et nous devons nous regrouper pour refuser leur chantage.
10 janvier 2015, Christian COCHET et Lydie GRIMAL
Mots-clés : PSA