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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 97 : janvier-février 2015

Livres

Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Culture



Réédition d’un grand classique

Fascisme et grand capital

Daniel Guérin

Éditions Libertalia, 600 pages, 20 €.


Les éditions Libertalia viennent d’avoir la bonne idée de rééditer ce grand classique de l’analyse marxiste qu’il était devenu difficile, sinon impossible de trouver en librairie. C’est en 1936 que Daniel Guérin, alors jeune militant qui avait visité l’Allemagne nazie et rencontré de nombreux réfugiés, publiait Fascisme et grand capital, une étude qui reste encore aujourd’hui comme une des plus complètes et des plus pertinentes sur les origines du fascisme, les causes de son triomphe en Italie et en Allemagne, la nature et les grandes tendances de ces régimes. Contrairement à des thèses alors en vogue, Guérin montre que ces dictatures monstrueuses ne sont que des formes particulières du capitalisme et non un nouveau système social et économique. Il met en lumière le caractère purement démagogique du discours « socialiste » des nazis – qui se disaient « nationaux socialistes » et avaient emprunté tout un décorum à la dictature stalinienne : grandes parades, culte du chef.

Guérin explique comment l’échec de la révolution ouvrière au lendemain de la guerre de 14-18, la crise économique et la paupérisation des classes moyennes vont permettre aux partis fasciste italien et nazi allemand de se constituer une base sociale dans la petite bourgeoisie et les éléments déclassés pour s’attaquer et détruire les organisations ouvrières qui restent un obstacle aux objectifs de la bourgeoisie. Le grand capital va donc financer ces bandes armées pour mettre non seulement les ouvriers au pas mais enrégimenter toute la population pour préparer la guerre. C’est d’ailleurs cette capacité à mobiliser une partie de la petite bourgeoisie qui distingue le fascisme des dictatures militaires traditionnelles. Reprenant l’analyse de Trotsky, Guérin souligne qu’il est vain d’espérer vaincre le fascisme avec une politique purement défensive : «  L’antifascisme est illusoire et fragile, qui se borne à la défense et ne vise pas à abattre le capitalisme lui-même. » Plus tard, à l’occasion de la réédition de son ouvrage en 1945, quand toute l’horreur de la barbarie nazie éclatera au grand jour, il affirmera à nouveau qu’il est vain de répéter « plus jamais ça », si on ne met pas fin au système qui porte en lui les germes de ces régimes monstrueux.

George RIVIERE

Cette édition, la plus complète à ce jour, comprend l’avant-propos de 1936, une préface de 1945, une postface de Dwight Mc Donald de 1938 et des notes biographiques sur des « militants oubliés » de l’époque.



Un roman

Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués

Jean-François Vilar

Points Seuil, 567 pages, 8,20 €.


C’est en hommage aux militants trotskistes assassinés par les agents staliniens que Jean-François Vilar a écrit ce roman publié en 1993. Son titre est d’ailleurs emprunté à une phrase de Natalia Sedova, l’épouse de Trotski. Cette histoire assez compliquée se déroule en parallèle sur deux époques : 1938, à la veille de la guerre, et 1989 au moment de la chute du mur de Berlin. L’un des principaux personnages, le journaliste photographe Victor Blainville, héros récurrent de Vilar, revient de captivité après avoir été pris comme otage au cours d’un reportage. Son ami de détention, Alex Katz, découvre le journal de son père, militant trotskiste. Mais Alex Katz est assassiné quelques jours plus tard… Blainville se lance donc dans la recherche de la vérité. Les deux récits vont se télescoper car certains acteurs des drames de l’entre-deux guerres sont encore en vie. Toutes sortes de personnages se croisent : agents du guépéou, militants communistes sincères. On retrouve dans ce roman magnifique tout l’univers de cet écrivain : des ballades nocturnes dans Paris et dans Prague, les peintres surréalistes. Jean-François Vilar nous a quitté le 16 novembre 2014, emporté par un cancer à l’âge de 67 ans, quelques jours avant la réédition de ce roman.

G.R.



Livre jeunesse

Hunger Games

Suzanne Collins

Édition Pocket Jeunesse


La trilogie de Suzanne Collins (Hunger Games, l’Embrasement, la Révolte) a connu un extraordinaire succès auprès du public adolescent. Les différents volumes se sont vendus à plus de trente millions d’exemplaires de par le monde (dont 360 000 en France) et des dizaines de milliers de jeunes se sont rués pour voir les trois premiers films tirés de cette mini-saga. L’histoire est au demeurant assez simple. Elle se déroule en Amérique du Nord, dans une société future qui a connu une guerre civile atomique dont le couronnement a été la création d’un centre dictatorial, le Capitole. Depuis sa capitale, Panem, ce dernier règne sur une douzaine de districts hermétiquement séparés les uns des autres et surveillés par des gardes armés. La population de ces districts vit dans des conditions misérables. De plus chaque district doit fournir chaque année au Capitole deux jeunes, une fille et un garçon, qui s’affrontent lors de jeux mortels, les « Hunger games ». À l’issue de l’épreuve, un seul doit survivre.Le lecteur suit pas à pas le destin de Katniss qui participe aux 74e jeux au nom de son District, le XIIe, dont l’activité est centrée sur des mines de charbon exploitées dans des conditions effroyables. Katniss est une jeune fille sportive, intelligente et rusée. Elle triomphe aux Jeux mais refuse de tuer son partenaire comme le lui impose le règlement. De ce refus naît une révolte qui enflamme bientôt tous les districts, révolte dont elle devient le symbole. Mais elle s’apercevra très vite que celles et ceux qui ont pris la tête de ce mouvement rêvent en fait de prendre la place des dirigeants du Capitole auxquels ils ressemblent beaucoup par leur cruauté et leur cynisme. Elle ne parviendra à survivre qu’à la condition de regagner son District et de ne plus se mêler de la vie publique. À la différence d’autres livres pour la jeunesse, qui ont connu succès et adaptations cinématographiques ou télévisées, Hunger Games ne fait appel ni aux évocations mystico-religieuses du Seigneur des Anneaux, ni à la magie d’Harry Potter, ni à l’intervention des dieux de l’Olympe de Percy Jackson. On peut facilement identifier le monde de Katniss au nôtre. D’ailleurs l’auteure, Suzanne Collins, a cité parmi les sources de son inspiration les enfants soldats d’Afrique.Globalement, l’ouvrage est assez sombre, voire désespéré. Car Hunger Games est une dystopie, c’est à dire une contre-utopie qui décrit une société imaginaire cauchemardesque. Au xxe siècle quelques romans célèbres étaient dystopiques depuis le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932), au très anti-stalinien 1984 de George Orwell (1949), sans oublier la dénonciation du totalitarisme et de la négation de la culture dans Farhenheit 451 de Ray Bradbury (1953). Mais tous ces romans voulaient délivrer un message politique aux lecteurs. Rien de tel dans Hunger Games où, à la fin, l’héroïne, n’a plus comme échappatoire que le repli sur soi.Ce type de société inhumaine que doivent affronter des adolescents on le retrouve d’ailleurs dans plusieurs autres romans dont Divergente 1-2-3 de Veronica Roth, également porté à l’écran, et Le passeur de Lois Lowry. Là encore est décrit un ordre social aberrant qui engendre haines, jalousies et rivalités sans fin. Le pessimisme social qui imprègne ces romans n’est pas que littéraire. Il reflète aussi celui d’une société qui n’a plus à offrir à sa jeunesse que la cruauté, l’injustice et la violence d’un quotidien morose. À l’intention de la jeunesse (et des adultes), resterait sans doute à trouver une plume inspirée pour écrire une uchronie cette fois (une suite fictive romancée d’un événement historique), déroulant la saga de l’expansion mondiale d’une révolution prolétarienne à partir du printemps arabe de 2011… Après tout, le pire n’est pas toujours sûr.

Léo STERN

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