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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 51, mai-juin 2007

Sans-papiers : quand toute une commune refuse les expulsions

Mis en ligne le 10 mai 2007 Convergences Politique

Le 28 février, à 4 h 30 du matin, la police arrêtait une dizaine de travailleurs sans papiers qui s’apprêtaient à prendre le travail dans un abattoir de Monfort-sur-Meu. Dans cette petite ville de 5 500 habitants à l’ouest de Rennes, 23 jeunes Maliens vivaient en effet depuis cinq, dix, voire quatorze ans. Tous travaillaient pour la Cooperl, un des nombreux groupes d’agroalimentaire de la région, dans un site comptant 700 salariés, aux postes de découpe, les plus difficiles. Aucun n’ayant de papiers en règle, l’entreprise leur avait fourni les faux nécessaires pour garder une main-d’œuvre précieuse pour elle. Un des sans-papiers fut expulsé à Bamako immédiatement après l’arrestation, bientôt suivi d’un deuxième. Onze furent placés en centre de rétention de Paris-Roissy, où ils sont encore aujourd’hui. Dix furent relâchés, pour vivre dans la crainte permanente d’être repris par la police, puisque leur situation n’est toujours pas régularisée.

La presse, mais aussi ceux qui se sont mobilisés contre l’expulsion, ont insisté sur le fait que ces sans-papiers étaient complètement intégrés à la vie de leur petite ville. C’était peut-être une manière de particulariser leur cas, de ne pas poser le problème de la situation scandaleuse faite aux sans-papiers en général, en insistant sur le fait que « ceux-là étaient bien ». Mais, de la part des habitants de Monfort, il s’agissait aussi de l’expression d’un sentiment spontané. Car ces Bretons noirs prenaient effectivement une part active à la vie locale, des clubs de foot aux soirées festives. Certains d’entre eux vivaient avec des Monfortaises d’origine plus ancienne ; l’un d’eux s’était marié, la compagne d’un autre attendait un enfant. Une situation qui n’a d’ailleurs pas franchement ému la justice : le futur père est l’un des deux expulsés à Bamako. Sa compagne enceinte a raconté : « Lorsque j’ai parlé de ma grossesse au magistrat, il ne m’a même pas regardée. Il a juste dit que, étant donné que l’enfant n’est pas né, on ne peut pas considérer que Sidy est le père ! »

La rafle du 28 février a donc suscité une énorme émotion dans la ville. Une semaine après, le mercredi 8 mars, 700 personnes manifestaient dans les rues de Monfort. Trois jours plus tard, le samedi 10 mars, 1 500 personnes, selon la presse locale, manifestaient à nouveau, rejointes cette fois-ci par des manifestants rennais, et soutenus par un nombre d’organisations politiques et syndicales (PCF, LO, LCR, PS, CGT, FSU, RESF, collectifs de sans-papiers…). En tête du cortège : les proches des expulsés, des lycéens de Monfort, les membres de l’équipe de foot, dirigés au mégaphone par un salarié de la Cooperl, collègue « gaulois » des sans-papiers. Parmi les mots d’ordre : « rendez-nous nos amis maliens ! », ou « Ils sont ici, ils sont d’ici ! ». Le dimanche 17 mars était organisé un pique-nique et fest-noz de soutien, avec djembé + biniou.

Une pétition exigeant le retour des Maliens a circulé à Montfort et ses environs, récoltant 4 500 signatures. La pétition a tourné à la Cooperl, où des tracts ont été distribués par le collectif de défense de sans-papiers de Montfort. Les lycéens de la ville ont organisé une assemblée générale d’information et d’appel à la manifestation du 10 mars, de 150 personnes. Une nouvelle manif a eu lieu à Rennes le 27 mars, réunissant plus de 1 000 personnes, volant la vedette à François Bayrou venu pour sa campagne électorale.

La mobilisation a depuis marqué le pas, mais n’est pas éteinte. Mercredi 18 avril, un rassemblement a eu lieu à la Préfecture de Rennes. Pour l’heure, le premier Malien à avoir été expulsé est sur le point de revenir en France grâce à un arrangement juridique. Le collectif appelle à participer à la manifestation du 1er Mai à Rennes et envisage une manifestation d’entre-deux tours avant le 6 mai.

Le combat est loin d’être gagné, au moins pour l’ensemble des 23 sans-papiers. Mais la lutte collective des habitants de Montfort montre que les petits bourgs de campagne peuvent connaître une autre ambiance politique que celle, calme et conservatrice, qu’aiment à montrer les reportages de Jean-Pierre Pernaud en fin de journal de TF1 ! Un drôle d’encouragement pour tous ceux qui ont engagé le combat contre les expulsions et pour la régularisation des sans-papiers. Lycéens, profs et parents d’élèves des grandes villes ou des banlieues, autour de RESF ou d’autres, ne sont pas seuls à être prêts à se lever contre les lois et les mesures iniques.

3 mai 2007

Felipe LORCA, Benoît MARCHAND

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