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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 96, novembre-décembre 2014

Lutte à l’autrichienne !

Mis en ligne le 20 novembre 2014 Convergences Monde

Ces derniers mois, fait inédit depuis des années, la confédération syndicale autrichienne ÖGB affiche une certaine « combativité » : elle a lancé une grosse campagne de pétitions en faveur d’une réforme fiscale. Tandis que la situation du monde du travail ne cesse de se dégrader, l’appareil syndical veut surtout préserver son influence et sa capacité de négocier.« L’Autriche ne s’en est pas si mal tirée dans la crise », pensent les politiciens comme la direction syndicale. Les voilà fiers que le pays connaisse le taux de chômage le plus bas de l’UE, bien que le nombre des chômeurs soit à la hausse, les salaires à la baisse et qu’aucune fin de crise ne s’annonce. En l’absence de grèves ou de luttes de classe significatives ces dernières années voire décennies, la bureaucratie syndicale se vante de succès qu’il faudrait mettre au crédit du « partenariat social ».

En réponse à l’insatisfaction

La bureaucratie syndicale est fière d’elle-même mais les sentiments des travailleurs sont plus mitigés. Les syndicats ne cessent de perdre en adhérents et en crédit, tandis que le parti social-démocrate auquel ils sont étroitement liés perd des électeurs. C’est pour résister à l’érosion que la confédération ÖGB, au début de l’été, a démarré sa campagne pour une réforme fiscale, plus précisément une baisse de l’impôt sur les revenus les plus faibles, de telle sorte qu’il reste aux travailleurs « plus de net sur le brut » [1]. Crise ou pas, la direction syndicale continue de pratiquer la négociation et les accords entre partenaires sociaux – ce qu’elle a fait depuis des dizaines d’années sans rien envisager d’autre. C’est ainsi qu’au lieu d’arracher aux patrons des augmentations de salaire conséquentes par la lutte, la direction syndicale a trouvé un accommodement politique.

Néanmoins cette campagne est le plus notoire signe de vie que les syndicats aient manifesté depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire depuis la grève contre la réforme des retraites. En quatre mois environ, quelque 850 000 signatures ont été rassemblées dans toute l’Autriche (huit millions d’habitants). Cela a donné lieu à beaucoup de discussions parmi les travailleurs. Le fait que le syndicat ait demandé l’introduction d’un impôt sur les riches pour financer cette réforme lui a assuré une évidente sympathie – ce qui à sa façon, montre que le mécontentement et le désir de changement existent dans les milieux populaires.

Les intérêts de la bureaucratie

Mais par cette campagne, les dirigeants syndicaux poursuivent très clairement leurs objectifs propres. D’une part, apparaître comme les représentants légitimes des intérêts de leurs adhérents et de l’ensemble de la classe ouvrière, après quelques années où ils n’ont pu se prévaloir d’aucun succès, bien au contraire puisqu’ils ont cogéré la crise en en faisant supporter le poids aux travailleurs. D’autre part, faire pression sur la social-démocratie (le SPÖ) tout en la soutenant. Le SPÖ récompense tôt ou tard les principaux bureaucrates syndicaux pour leur coopération : par un mandat au parlement, un poste de ministre ou autre prébende. Ces derniers temps, des syndicalistes ont craint qu’une perte d’influence les prive de postes hauts placés. Mais dans l’autre sens, la large campagne du syndicat a aussi aidé le SPÖ à se renforcer, en accréditant son idée d’une réforme fiscale, face au parti conservateur ÖVP avec lequel il gouverne dans une coalition. En prévision des prochaines élections, le SPÖ aimerait pouvoir mettre à son actif quelques petits succès… une menue réduction de l’impôt sur le revenu serait du nombre ! Voilà donc les calculs auxquels se livre la confédération syndicale autrichienne ÖGB. Finalement un service en vaut bien un autre, même si parfois on se chamaille.

Sans illusions

Le fait que les syndicats aient tenté de marquer des points par le truchement d’une question d’ordre politique comme une réforme fiscale, prouve d’un autre côté leur faiblesse. Dans les entreprises d’ailleurs, à l’instar des capitalistes, ils ne parlent que de sauver la compétitivité du « site Autriche » ! Leur campagne a néanmoins attiré l’attention sur les injustices du capitalisme, et touché de cette façon bon nombre de travailleurs.

Ce fut en tout cas pour les militants d’extrême gauche l’occasion de discuter avec les collègues de travail des impôts, des salaires, des différences de classe et de souligner qu’il y a peu à attendre des directions syndicales. Presque personne ne se fait plus d’illusions. Reste à en passer à la perspective de mener des luttes qui déborderaient le syndicat… Perspective encore faible à l’heure actuelle mais qu’il faut aider à se concrétiser – c’est notre tâche.

4 novembre 2014, Roman RENNER


[1Ou « Mehr netto vom brutto ». Rappelons qu’en Autriche l’impôt sur le revenu des salariés est prélevé « à la source », c’est-à-dire retiré du salaire brut. Toute diminution de cet impôt rehausse d’autant le salaire net.

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Numéro 96, novembre-décembre 2014