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Russie : Poutine de capitalisme !

Le Sud-Caucase : poison nationaliste et « guerre des tubes »

Mis en ligne le 22 janvier 2012 Convergences Monde

En France, Sarkozy se flattait d’avoir, en août 2008, évité que la Géorgie ne soit « rayée de la carte ». En fait, la Russie n’entendait pas amener ses troupes jusqu’à Tbilissi, mais répondre aux ambitions du président géorgien Saakachvili en montrant sa force et marquant son territoire. Les indépendances des deux régions, l’Ossétie du Sud et l’Abkhasie que la Géorgie refusait était désormais reconnue par la Russie. Le président Saakachvili, qui escomptait par un petit succès éclair imposer une négociation à Moscou avait perdu la partie : le soutien qu’il espérait de Georges Bush s’était limité à la libération pour l’opération de quelques centaines de soldats géorgiens engagés dans la guerre d’Irak ; les conseillers militaires israéliens s’étaient retirés la veille de l’aventure. Seuls « les mercenaires des sociétés israéliennes privées sont restés sur place avec leur matériel sophistiqué », précise Benard Dreano [1].

Mais cette guerre pour rien d’août 2008 a tout de même fait, en quelques jours, des centaines de morts parmi la population civile ossète (certaines estimations disent 1 500 morts) et des dizaines de milliers des déplacés. Et elle n’est que l’un des drames qu’ont connus les pays du Caucase depuis leurs proclamations d’indépendance en 1991.

Des dirigeants qui jouent sur l’opposition des peuples

En 1991 l’éclatement de l’URSS avait été annoncé comme une libération et une nouvelle ère de démocratie. Mais menées par d’anciens opposants nationalistes ou par des bureaucrates locaux qui cherchaient à assurer leur pouvoir, ces indépendances n’ont abouti qu’à la suite de guerres et de misère qu’ont connues les pays du Caucase ces vingt dernières années. Des guerres dont tous les peuples sont victimes, et en premier lieu les minorités des divers États de la région, notamment les Ossètes et Abkhazes en Géorgie, les Arméniens du Haut Karabakh en Azerbaïdjan.

Ainsi le premier grand conflit de l’ex-URSS a été celui de l’enclave du Haut Karabakh de 1991 à 1994 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui a fait environ 40 000 morts et un million de déplacés. En Arménie ce sont aussi d’anciens cadres soviétiques recyclés qui gouvernent. L’évolution de la Géorgie a été plus particulière. Mais pas meilleure pour les Géorgiens. Le premier président qui a proclamé l’indépendance en 1991, Zviad Gamsakhourdia, un universitaire nationaliste qui avait milité dans l’opposition depuis les années 1950, connu la prison et l’hôpital psychiatrique soviétiques. Ancien leader des manifestations de masse entre 1987 et 1990 pour la souveraineté géorgienne, il n’était nullement pour la souveraineté… des autres. Arrivé au pouvoir, il est parti en croisade contre les « traîtres » et « les déchets », à savoir ces minorités qui représentaient alors 30 % de la population du pays, avec son slogan la « Géorgie aux Géorgiens ». Il supprimait les statuts d’autonomie dont bénéficiaient les provinces d’Ossétie du Sud et d’Akhazie, ses guerres menées contre leur droit à l’indépendance firent 9 000 morts et plus de 280 000 déplacés.

Son régime corrompu, dictatorial, fut sans peine renversé par un coup d’État en 1992. Le vieux routier de la bureaucratie soviétique qui l’a remplacé, Edouard Chevardnadze (l’ex-ministre des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev de 1985 à 1990) préconisa le rapprochement avec la Russie, et l’adhésion de la Géorgie à la CEI (l’alliance politique chapeautée par les Russes pour maintenir leur influence sur les républiques d’ex-URSS). Il en escomptait en retour un soutien russe à l’intégrité territoriale… contre les revendications nationales des Ossètes et Abkhazes. La « révolution des roses » le renversait en 2003, acclamée et à vrai dire quelque peu préparée, ou au moins soutenue, par des officines occidentales (ONG ou autres). On nous l’a présentée comme « démocratique » ; c’est ce Mikhaïl Saakachvili, qui en est sorti, celui de la guerre de 2008, toujours au pouvoir.

La « Oil Road »

Mais il n’y a pas que le poison du nationalisme, cultivé par les hommes au pouvoir, qui empeste le Sud-Caucase. Il y a le pétrole et les rivalités des grandes puissances. La région est depuis vingt ans un lieu très convoité par celles-ci, désireuses d’assurer une main mise sur l’exploitation des hydrocarbures de la mer Caspienne et d’en contrôler l’acheminement, voire de contrôler celui de l’or noir d’Asie Centrale qui pourrait aussi utiliser cette voie au lieu de passer plus au nord… par la Russie. Les USA s’efforcent de s’implanter aussi dans la région pour des raisons stratégiques, pour y assurer une présence militaire directe ou indirecte, utilisant les guerres d’Irak et d’Afghanistan pour y stationner momentanément des troupes, ou s’en faire prêter.

Face à ces enjeux-là, le sort des peuples, les morts d’une guerre comme celle de 2008, les populations déplacées, et la misère causée par les destructions, qui s’en soucie ? Jusqu’à ce que les peuples de cette région, face à l’aggravation de leur exploitation, découvrent leurs intérêts communs et que leurs révoltes deviennent contagieuses parmi toute cette mosaïque de peuples, de langues différentes peut-être, mais si proches et si mêlées, et dont l’émancipation ne pourra être que le fruit d’une lutte commune.

Hersh RAY


[1Guerre et paix au Caucase, Bernard Dreano, édition Non lieu 2009.

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