Anna Politkovskaïa

Au fil des reportages de cette journaliste russe, abattue par balles dans le hall de son immeuble en octobre 2006 (elle ne fut pas la seule à subir pareil sort), on a de percutants instantanés de ce que les régimes Eltsine, Poutine et leurs cliques militaro-policières et affairistes, ont fait subir à la population.

Dans les trois ouvrages parus en français en édition de poche, il est évidemment beaucoup question de la guerre en Tchétchénie où Anna Politkovskaïa a enquêté durant des mois. Guerre d’Algérie à la russe, qui a charrié d’innombrables victimes et exacerbé la gangrène raciste. Mais il est question aussi, et parfois sur un mode incisif et cocasse, de la corruption et de la lâcheté des hommes en place. À lire par exemple ces pages presque hilarantes sur la conception poutinienne de la lutte contre la corruption, intitulées « Comment piller les biens publics avec la complicité de l’État ». Le vitriol contre les grands et les riches, la tendresse pour les classes populaires, présentées cela dit surtout comme des « victimes ».

On peut lire ces reportages (parus pour beaucoup dans le journal « Novaïa Gazeta ») dans le désordre. Ils représentent un formidable kaléidoscope de la vraie vie de la Russie. Dommage que dans des préfaces ou considérations générales marginales, Anna Politkovskaïa jette des formules à l’emporte-pièce contre le communisme qui serait à l’origine de tous les maux. Il y aurait à dire, mais passons. Cette humaniste était un écrivain et journaliste d’un si grand talent...

M.V.