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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 145, mai 2022

Editorial

Halte à la guerre de Poutine contre l’Ukraine. Halte aux profiteurs de guerre, Biden, Macron et Cie

17 mai 2022 Convergences Monde

Personne ne semble voir le bout de la guerre en Ukraine, au cœur de l’Europe, déclenchée par Poutine le 24 février dernier. Une guerre considérée maintenant par le monde bourgeois comme une guerre sans fin, du moins qui pourrait durer des années. On nous dit que l’armée russe serait sérieusement affaiblie, aurait reculé devant le projet initial de marcher sur la capitale Kiev pour déboulonner le président Zelensky ; que, face à la détermination du camp ukrainien, cette armée russe aurait subi de lourdes pertes en hommes et matériel (entre autres la mort au combat d’une douzaine de généraux et le « coulage » du croiseur Moskva sur la mer Noire) et que Poutine ne chercherait plus qu’à conquérir le Donbass à l’est et une partie du sud du pays (pour terminer la guerre commencée en 2014). Toujours est-il que l’œuvre de mort et de dévastation continue. Vies civiles et militaires détruites. Villages, quartiers de villes, infrastructures économiques réduits en cendres ou à l’état de carcasses fantomatiques. Massacres, tortures, viols, exode massif vers d’autres régions ou d’autres pays. Plus de trois millions d’Ukrainiens et Ukrainiennes en Pologne. Chaque jour apporte son lot de témoignages sur l’horreur. Pas un signe de la moindre trêve, a fortiori de la moindre velléité de négociation du côté de Poutine. Un vrai désastre, certes pas le seul sur cette planète, mais le plus récent et lourd de conséquences.

La chape de plomb politique

L’autocrate russe poursuit son entreprise guerrière infernale, contre un peuple et des travailleurs ukrainiens qu’il semble avoir ainsi soudés derrière un régime pourtant corrompu d’oligarques-capitalistes qui dominent l’économie nationale. Du genre de ceux qui se sont imposés dans la Russie voisine, qui ont bâti leur fortune sur l’exploitation des travailleurs, depuis le dépeçage de l’URSS il y a plus de trente ans.

En Ukraine [1], ils s’appellent Petro Porochenko (l’oligarque des chocolats Roshen, qui investit aussi dans l’automobile, la construction navale et les médias, une des premières fortunes du pays, ministre avant d’être élu président en 2014), Ioulia Timochenko [2] (étiquetée « princesse du gaz », qui s’enrichit à l’ombre de Gazprom, mais aussi dans l’uranium, la banque et tente une carrière politique faite de hauts et de bas), Dmitro Firtach (grosse fortune aussi, faite dans les engrais, le titane, la banque, les médias, dont la vie se partage entre son pays et l’Autriche), Victor Pintchouk (acier, chaînes de télé, liens familiaux avec l’ex-président Leonid Koutchma, proche des milieux politiques occidentaux qu’il fréquente à Davos ou Courchevel), Igor Kolomoïski (banque, transport aérien, qui détient le gros de la compagnie nationale ukrainienne), Rinat Akhmetov (d’une famille tatare pauvre de la région de Donetsk, devenu une des plus grosses voire la plus grosse fortune du pays dans le charbon, la banque et les médias). C’est lui qui contrôle le groupe Metinvest auquel appartient l’usine Azovstal de Marioupol dont l’occupation et l’évacuation ont marqué l’actualité récente de la guerre.

Tous possèdent de multiples passeports, des propriétés sur la planète, des escouades de gardes du corps, des fortunes en milliards. Bien significatif que Poutine, pour justifier sa guerre en Ukraine, ait inventé une prétendue « dénazification » du pays. Sans la moindre allusion à ces grands voleurs et exploiteurs ukrainiens, bien évidemment, car il défend en Russie les intérêts et les exactions de leurs sosies. Solidarité de classe capitaliste ! Il est bien significatif aussi que le monde occidental se délecte dans ses magazines de la description des biens « gelés » des oligarques russes [3], à la suite des sanctions qui ont été prises contre eux, mais là encore, sans un mot sur ces fortunes ukrainiennes du même tonneau. Il faut choisir son camp !

Que pensent aujourd’hui les travailleurs d’Ukraine d’un système politique et économique dont ils subissaient et pour beaucoup dénonçaient la corruption ? L’agression guerrière brutale de leur pays par la Russie de Poutine, le sursaut y compris venu « d’en bas » contre cette guerre – dont nous sommes pleinement solidaires –, n’effacent pas la divergence d’intérêts si ce n’est l’affrontement entre les classes. Même si les classes dominantes, derrière Zelinsky, profitent d’un contexte de résistance à l’offensive militaire russe où il est difficile de continuer à faire prévaloir des intérêts de classe propres.

Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, qui s’est rendu récemment en Ukraine avec une délégation de mouvements de gauche européens, en témoigne de la façon suivante : « Le plus surprenant, c’est de constater à quel point la vie politique perdure malgré le conflit, avec des réalités différentes bien sûr selon l’endroit où l’on se trouve dans le pays. Les questions sociales n’ont pas disparu dans les combats. Les syndicalistes que nous avons rencontrés, engagés dans la résistance face à Poutine, continuent leurs luttes contre les politiques libérales que mène le président Zelensky. Son gouvernement utilise, par exemple, le contexte de la guerre pour faciliter les licenciements dans les usines et les entreprises. » [4]

Difficile aussi de savoir ce que les travailleurs et peuples de Russie, de leur côté, subissent et ressentent face à la guerre de Poutine. Jusqu’où adhèrent-ils ou rejettent-ils cette politique ? Poutine use de tous les rouages de sa dictature pour les bâillonner. Dont l’imposture mentionnée déjà d’une croisade contre le nazisme. S’il existe en Ukraine des nationalistes forcenés qui gangrènent une partie des forces de répression, comme en France des partisans de Zemmour ou Le Pen peuvent le faire, il en existe à une bien plus large échelle en Russie derrière Poutine – champion d’un ultra-nationalisme grand-russe forcené, adossé aux réactionnaires de l’Église orthodoxe. La situation est dure, en Fédération de Russie, pour les opposants à la guerre, contre laquelle ils ont manifesté et qui continuent de protester de diverses façons. Des dizaines de milliers de personnes ont fui vers des pays limitrophes, ou plus lointains, pour échapper à la répression. Mais ces opposants veillent, guettent les opportunités d’intervention, continuent à les saisir à l’occasion. C’est aussi dans un sursaut des classes populaires russes et d’une partie de la jeunesse du pays que réside l’espoir que soit mis un terme à cette guerre en Ukraine.


[1Tout un chapitre de l’ouvrage de Christine Ockrent, Les Oligarques, Robert Laffont, 2014, est consacré à l’énumération de ces grosses fortunes ukrainiennes.

[2C’est manifestement de ses aventures, sous forme de fiction romanesque, que l’écrivain et journaliste Benoît Vitkine s’inspire, pour son roman Les Loups, Les Arènes, 2022. Voir sur notre site : «  Donbass et Les loups, deux romans hyperréalistes et instructifs sur l’Ukraine », 5 avril 2022.

[3« Saint-Jean-Cap-Ferrat, Le paradis perdu des oligarques », L’Obs, no 3004, 12 mai 2022.

[4Entretien dans Mediapart : Olivier Besancenot : « Une forme de paralysie politique travaille la gauche française sur la guerre en Ukraine », 11 mai 2022.

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