Editorial
Européennes 2019 : Pour une campagne politique commune des révolutionnaires, au nom des prolétaires de tous les pays
9 octobre 2018 Convergences Politique
Le NPA comme LO, dans leurs hebdomadaires respectifs datés des 27 et 28 septembre, consacrent un article à l’état de leurs rencontres-discussions menées depuis l’été, à l’initiative du NPA rappelle LO, pour envisager une campagne commune aux prochaines élections européennes. La direction du NPA titre « C’est difficile ». Oui, certainement, pour un ensemble de divergences politiques et considérations pratiques. Les deux questions politiques que NPA et LO s’accordent à mettre en avant, celles que la bourgeoisie appelle « crise des migrants » d’un côté et « crise de l’Europe » de l’autre, si elles sont « difficiles », sont-elles insurmontables ?
« Crise des migrants », nous dit-on ?
On ne connaît évidemment pas à ce jour le contexte politique qui sera celui du printemps 2019, lors de la campagne des européennes. On peut malheureusement supposer que « les migrants » feront toujours l’actualité ; que les gouvernements européens d’une part, les partis politiques (d’extrême-droite et de droite comme de gauche voire gauche de la gauche) de l’autre, continueront – chacun sur son mode, brutal ou sirupeux – à expliquer aux classes populaires que l’ouverture des frontières irait à l’encontre de leurs intérêts.
Du côté de Macron, on mobilise la police et la justice, tout l’appareil de répression, pour garder cadenassées les frontières. Le pays reste dans le peloton de queue des terres dites d’accueil : voir la longue errance de l’Aquarius. Du côté des opposants supposés, de droite et d’extrême droite, on met en avant de prétendus intérêts nationaux : on ne serait plus « chez nous », l’occident chrétien serait menacé d’une vague islamiste ou autres fadaises. Du côté de la gauche, Mélenchon donnant le ton, c’est maintenant « la pression sur la masse salariale », soit la baisse des salaires, qui a la vedette et est mise au centre du débat. Marx est appelé frauduleusement à la rescousse : sa dénonciation de la formation et de l’utilisation par le capitalisme d’une « armée industrielle de réserve » pesant sur le niveau de rémunération et de vie servirait d’argument en faveur du contrôle, voire de la fermeture des frontières. Au nom de l’intérêt des travailleurs ! Sauf que Marx ne parlait pas des migrants, mais du mécanisme de l’accumulation du capital engendrant un chômage « structurel », comme disent les économistes aujourd’hui.
L’intérêt des travailleurs est bien au cœur du débat. La question des migrants ne les concerne pas seulement du point de vue de l’humanité et de la solidarité. Sous nos yeux aujourd’hui, c’est la classe ouvrière que Sa Majesté macroniste et les oppositions de Sa Majesté veulent tromper. C’est contre la classe ouvrière, et par crainte de ses réactions menaçantes (le printemps dernier n’est pas loin), que les migrants – membres s’il en est de la classe des prolétaires ! – sont mis en avant comme boucs émissaires. On ne les accueille pas, en France, mais même leur absence est utilisée comme épouvantail pour détourner préventivement la colère du monde ouvrier. On est donc avec cette question au cœur des intérêts des travailleurs de ce pays. Comment parler des conditions de vie et de travail, des salaires, des licenciements ou suppressions de postes dans le public et le privé, sans affirmer haut et fort que ce ne sont pas les migrants qui les menacent ? Mais le capital des grandes multinationales françaises, qui opèrent dans le monde entier, et contribuent à le mettre à feu et à sang, avec l’aide des États ?
« Crise de l’Europe », nous dit-on aussi ?
C’est l’autre volet ou autre diversion que la bourgeoisie impose dans le débat pour tromper les classes populaires : pour ou contre l’Europe, présentée comme un eldorado par les uns, comme un repoussoir par les autres. En être ou ne pas en être ? Anti ou pro Brexit ? Mais si des clans de la bourgeoisie peuvent effectivement s’opposer, en fonction d’intérêts sonnants et trébuchants ou de calculs démagogiques destinés à piper les votes d’un électorat populaire naïf, le résultat en est bien que les travailleurs sont détournés de leurs intérêts de classe. Qui ne sont ni d’un côté ni de l’autre. C’est sous prétexte de respecter des traités européens, ou au contraire aujourd’hui en Angleterre d’avoir passé outre avec le Brexit, que les gouvernements au service du grand patronat poursuivent tambour battant leurs plans d’austérité. Sans compter que tous gouvernent avec un savant dosage de protectionnisme et d’ouverture, selon leurs intérêts du jour !
N’en est-on pas très largement convaincu, au NPA comme à LO ? Certes, il y a des divergences de plusieurs décennies sur cette fichue question de la « rupture » ou non avec les traités et institutions de l’Union européenne... une formule dont le contenu même a été pour le moins fluctuant. Et un sérieux enjeu aujourd’hui à ne pas apporter d’eau au moulin des souverainistes et protectionnistes, dont le nationalisme est un venin. Mais ces différences n’ont pas empêché les deux organisations de présenter des candidatures communes aux élections de 1979, 1999 (avec cinq élu(e)s et quelques avantages politiques) et 2004... La situation aurait-elle à ce point changé ?
Une responsabilité commune ?
Des élections bourgeoises ne sont qu’un jeu passager. Mais c’est une opportunité rare pour qu’au nom des travailleurs et de leurs intérêts de classe, piétinés par ceux qui prétendent les représenter, une voix s’élève. Discordante, dissidente, internationaliste et d’ouverture des frontières. Elle trancherait dans cette Europe du capital qui dégueule aujourd’hui d’idées réactionnaires (comme à bien d’autres époques !). Qui pourrait porter cette voix et représenter des millions d’hommes et de femmes qui gardent des idéaux d’émancipation, de solidarité et de lutte d’ensemble commune, si ce n’est les révolutionnaires ? Le NPA et LO ? Les nuances et divergences ne sont pas à mettre sous le tapis, bien au contraire. Mais empêcheraient-elles de dégager quelques grands axes communs d’une campagne (ne serait-ce que quelques minutes bien senties à la télévision) en direction de millions d’électeurs populaires ? Sans compter que le militantisme des deux organisations a donné à notre courant commun des porte-parole : Olivier Besancenot, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Jean-Pierre Mercier et bien d’autres, qui à quelques occasions déjà ont su trouver les mots qui faisaient mouche, porteurs des intérêts de leur classe.
Aujourd’hui, face à celles et ceux de notre classe, travailleurs et jeunes, qui nous regardent et attendent quelque chose, comment pourrions-nous d’ailleurs défendre une Europe des travailleurs, débarrassée du capitalisme et des frontières, en restant chacun chez soi, sans même avoir su abattre la petite clôture qui nous sépare ?
30 septembre 2018
Mots-clés : Elections | Europe | Extrême gauche | Lutte ouvrière | NPA