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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 46, juillet-août 2006 > DOSSIER : Afghanistan, Irak, Iran, Somalie… l’islamisme face à l’impérialisme (...)

DOSSIER : Afghanistan, Irak, Iran, Somalie… l’islamisme face à l’impérialisme : ennemis irréductibles ou futurs partenaires ?

D’abord, le pétrole

Mis en ligne le 28 juin 2006 Convergences Monde

La région représente 30 % de la production mondiale. Malgré la découverte de nouveaux gisements en Asie centrale ou l’exploitation, depuis les années 1970, des gisements de la mer du Nord, elle est demeurée au premier plan de la production d’hydrocarbures. Et son poids devrait aller grandissant : plus de 61 % des réserves prouvées sont au Moyen-Orient. C’est là que se situent les gisements les plus riches, et les moins coûteux à exploiter. En Irak, où il n’y a pas eu de récentes opérations d’exploration, les experts espèrent découvrir encore de nouvelles réserves.

Or la place du pétrole, principale source d’énergie aujourd’hui (35 %), est centrale dans l’économie mondiale. On comprend donc pourquoi les pays impérialistes veulent garder la mainmise sur la région soit directement, celle des grandes compagnies pétrolières, soit par l’intermédiaire des relations politiques qu’ils ont avec les principaux États producteurs. Même si, dans des pays comme l’Arabie saoudite ou le Koweït, le pétrole n’est plus directement exploité par les « Majors », les États-Unis veulent pouvoir compter sur des classes dirigeantes alliées prêtes à produire selon les besoins.

D’où les problèmes posés aux puissances occidentales dès qu’un État prend ses distances, voire rompt politiquement comme, pour des raisons et à des degrés divers, l’Iran et l’Irak l’ont fait. Pas besoin de chercher plus loin (et certainement pas dans un choc des civilisations chrétienne et musulmane) les raisons qui poussent les États-Unis à chercher à remodeler la figure politique de la région, y compris s’il le faut par l’intervention militaire brutale.

Toute la région sous contrôle...

Pour contrôler les pays pétroliers il faut contrôler, directement ou par alliés sûrs, les points de passage stratégiques des routes du pétrole (et d’autres marchandises) comme le détroit d’Ormuz dans le Golfe, le canal de Suez, le détroit du Bosphore pour le pétrole de la Mer Caspienne, sans oublier les oléoducs dont les tracés dépendent maintenant plus des considérations stratégiques que de la géographie physique. Ainsi le contrôle de l’Irak, au centre du Moyen-Orient, voisin des principaux producteurs, Iran, Koweït, Arabie Saoudite, n’est pas uniquement nécessaire pour surveiller le seul Irak.

D’autant plus que, si le pétrole est central, la région représente aussi un marché non négligeable. Pas gigantesque : le commerce avec le Moyen-Orient compte pour moins de 5 % du commerce mondial, malgré l’importance des exportations pétrolières. Le PIB de l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole au monde, est inférieur à celui de l’Autriche et égal au chiffre d’affaires d’Exxon Mobil.

Certes une bonne part de la fameuse manne pétrolière est réinvesti aussitôt en Occident dans des placements réputés sûrs (immobilier, bons du Trésor américain, etc.), mais il y a une bourgeoisie et une petite bourgeoisie qui a un certain pouvoir d’achat, ce qui offre des possibilités d’investissements et de contrats pour les grandes entreprises, et pas seulement américaines. Ainsi, une usine Renault devrait cette année commencer la fabrication de la Logan en Iran. La compagnie aérienne des Émirats arabes unis, Emirates, a signé la plus grosse commande de A380 à Airbus avec 40 appareils. Sans oublier l’important commerce des armes avec les imposants budgets militaires comme celui de l’Arabie saoudite (le neuvième budget militaire du monde).

...et solidaire contre l’Occident

Or ce marché ne se découpe pas suivant les frontières ou les États. Ne serait-ce que parce que les pays non pétroliers, souvent les plus importants par la taille de leur population comme l’Égypte, vivent aussi du pétrole soit directement (subventions versées par les États pétroliers) soit indirectement (commerce avec ces mêmes États pétroliers). On a donc bien affaire à un ensemble économique et politique où les secousses économiques comme politiques se répercutent d’un pays à l’autre. Il est bien d’ailleurs considéré comme tel par les chefs des puissances occidentales : quand Bush étale ses projets... c’est pour le Grand Moyen-Orient, de l’Afghanistan à la Mauritanie !

Tout cela renforce sans doute encore la solidarité des populations. Elles se sentaient déjà souvent plus du monde arabe ou du monde musulman que de telle ou telle nationalité, que ce soit pour des raisons politiques (identification de beaucoup à la cause palestinienne) ou économique (on compte cinq à six millions de travailleurs émigrés arabes dans le Golfe, principalement égyptiens, mais aussi syriens ou jordaniens).

Le sentiment se renforce donc, à chaque intervention occidentale, d’avoir à faire face non à une guerre à l’Afghanistan ou l’Irak, mais à la région tout entière. Sentiment sur lequel les islamistes fondent leur propagande et leur politique et qui explique leurs succès.

Michel CHARVET

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