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DOSSIER : Municipales, le mythe de l’élection et de la gestion démocratiques

Caisses pas vides pour tout le monde

Mis en ligne le 17 janvier 2008 Convergences Politique

Chaque année, en même temps et au même lieu que l’assemblée de l’Association des Maires de France, se tient un « Salon des Maires et des collectivités territoriales » , véritable foire commerciale où des entreprises se font connaître auprès de leurs clients, les représentants des mairies, structures intercommunales, départements et régions. C’est un marché de poids : les « investissements et dépenses d’achat de biens et de services de ces collectivités » représentent près de 23 milliards d’euros pour les communes, et 20 milliards d’euros pour les organismes intercommunaux, auxquels s’ajoutent 12 milliards pour les départements, 16 milliards pour les régions. En tout presque 5 % du PIB de la France...

La ville, une manne pour les entreprises

Le plus gros secteur est celui du bâtiment et des travaux publics, qui représente 10 milliards d’euros de dépenses pour les seules communes. Pas étonnant que l’organisateur de ce Salon soit le groupe Moniteur, groupe de presse qui publie le Moniteur des Travaux Publics , hebdomadaire né en 1903 dont l’une des spécialités est la publication des appels d’offres des marchés publics des mairies.

De tels marchés attirent les convoitises, et des élus n’ont pas hésité à monnayer un coup de pouce pour l’attribution de marché. On se souvient de l’affaire Michel Noir, maire RPR de Lyon au début des années 1990, qui avait reçu plusieurs millions de francs (au travers de sociétés écrans et comptes en Suisse) des entreprises du BTP Bouygues et Dumez, lorgnant sur la construction du périphérique Nord à Lyon. Ou des quelque 20 millions de francs de pots de vin touchés par Alain Carignon à Grenoble pour un coup de pouce dans le marché de l’eau.

Mais les grands gagnants sont d’abord les entreprises. La France est un modèle et quelques grands groupes sont spécialistes de ces « délégations de service public ». En premier Véolia (anciennement Vivendi et Générale des Eaux), dont l’histoire remonte à 1853 avec la gestion de l’eau à Lyon. Puis maintenant des filiales dans la propreté (ramassage des ordures, gestion des déchets), le transport urbain, chauffage, éclairage public, signalisation (feux tricolores), etc.

Pour qui gérer le magot ?

Les budgets cumulés des communes représentaient, pour l’année 2004, 82 milliards d’euros, ceux des groupements de communes près de 50 milliards d’euros, soit environ 2000€ par habitant ! C’est plus qu’un tiers du budget de l’État.

Côté dépenses, le budget de la commune est divisé en deux postes : le fonctionnement et l’investissement. Le premier, le plus lourd, comprend notamment les salaires versés aux employés. Maigres sur les feuilles de paye, ils représentent néanmoins 43,6 % du total à Nanterre (Hauts-de-Seine), commune de 87 000 habitants dont le maire emploie 2 500 agents.

L’investissement occupe le plus souvent un tiers du total des dépenses municipales. Il s’agit de la construction ou réfection de bâtiments et de voiries. S’y ajoute la constitution d’une réserve foncière – surtout des terrains à bâtir –, instrument indispensable pour contrôler le développement de la ville : en gros implanter ici un lotissement pavillonnaire, là une zone commerciale.

Ça se complique lorsqu’on essaie de juger les choix politiques que cache le budget :

— Créer une crèche ou une maison de retraite publique ? « Mais vous n’y pensez pas ! » , répondent des notables municipaux. « Cela va nécessiter d’augmenter les dépenses de fonctionnement, et pas seulement une année mais aussi longtemps que la crèche durera ! On menace l’équilibre budgétaire. On diminue les dépenses d’investissement nécessaires au bon fonctionnement de la commune » … et à celui de la fontaine à profit du BTP.

— L’investissement dans du béton Bouygues est-il conforme aux intérêts de la population ? « Mais oui ! » , répondent les mêmes. « Voyez le nouveau préau de l’école primaire » . Oubliant de dire que la même ligne budgétaire a privilégié, côté voirie, l’embellissement des rues… commerçantes.

Quelle « marge de manœuvre » ?

Le montant des ressources fiscales des communes (taxes d’habitation, foncière et professionnelle…) dépend beaucoup de la richesse des habitants et des usines, sièges de sociétés, ou commerces qui y sont établis. D’où de grandes inégalités que les dotations de l’État qui complètent ces rentrées ne réduisent pratiquement pas. Carles trois principales dotations censées les corriger ne représentent guère plus de 2 milliards d’euros, les plus de 13 autres milliards distribués ne l’étant qu’au prorata de la population et de la superficie de la commune. Il ne reste plus aux maires qu’à faire payer les pauvres !

Ainsi en région parisienne, les communes riches perçoivent deux fois plus d’argent par habitant que les communes pauvres. Dans celles-là les impôts locaux sont de 60 % inférieurs à la moyenne nationale, tandis qu’ils lui sont de 60 % supérieurs dans les communes pauvres. Inégalités de ressources également en province. Dans le département de la Manche, par exemple, les communes rurales proches de l’usine de retraitement de déchets nucléaires Cogema-La Hague sont équipées en terrains de sports, réverbères chics style « rétro » et jolie voirie pavée, car elles bénéficient de la taxe professionnelle. À la différence de la ville de Cherbourg qui ne perçoit presque rien de cette entreprise qui n’est pas sur son territoire, même si nombre de ses salariés habitent la ville. Elle connaissait en 2004, selon Ouest-France, le troisième taux d’imposition locale le plus élevé de l’Ouest…

Et la répartition des dotations et subventions est complexe, voire opaque, et dépend de la répartition des politiciens bien placés pour l’accès aux fonds. Chaque député ou sénateur bénéficie d’une enveloppe qu’il peut utiliser indirectement pour arroser sa clientèle : associations, petites municipalités, etc.

Alain Lambert, sénateur et maire d’Alençon, a occupé le poste de président de la commission des finances au Sénat (celui qui autorise l’utilisation de ces réserves) et a été ministre du budget sous Raffarin. De quoi décrocher pour sa ville aides de l’Etat et subventions des fonds européens. Lorsque l’usine Moulinex a fermé en 2001, il avait ainsi récolté 26 millions d’euros censés permettre la création d’emplois. L’équivalent de 26 000 euros par ouvrière licenciée. Chacune des mille licenciées n’avait eu qu’une indemnité de licenciement variant entre 4 500 à 12 000 euros.

Dans certaines des communes moins aisées, les maires essaient d’utiliser une part de leur budget pour des dépenses utiles aux couches populaires : aide sociale, gestion des écoles, financement des équipements sportifs et culturels à des prix accessibles pour les couches populaires ou aide à certaines associations. Mais avec un budget serré, l’impact est limité. D’autres choisissent d’attirer une population plus aisée et des entreprises, quitte à réduire à la portion congrue les budgets sociaux.

Dans les communes où la population aisée est nombreuse et le budget confortable, le maire, avec ses pouvoirs non négligeables en matière d’urbanisme et de logement, peut faire une ville agréable et fleurie. On ne prête qu’aux riches !

Mathieu PARANT


Précarité + Salaire frugal = Agent territorial

En 2007, 1,7 million d’agents territoriaux travaillaient dans 57 700 collectivités locales, deuxième employeur public après l’État. Celui-ci fixe la grille salariale mais l’employeur garde le contrôle de la rémunération de ses salariés. Le conseil municipal fixe ainsi le quota d’agents pour les promotions. Il dispose également, depuis les années 1980, d’un système de primes, censées compenser en partie le blocage des salaires, modulables à sa discrétion dans une certaine fourchette, et dont les montants ont fait l’objet ces dernières années de nombreuses luttes entre les employés municipaux et leurs mairies.

Le tableau ci-dessous [1] illustre la chute vertigineuse des salaires des agents par rapport au Smic.

Ecart sur le SMIC Cat. C, E4 Cat. B 1er grade Cat. A 1er grade
1986 2006 1986 2006 1986 2006
Au 1er échelon +14,72% +0,05% +23,92% +4% +63,13% +24,80 %
Au dernier échelon +47,15% +25,87% +95,07% +65,68 % +206,41 % +129,87 %

70 % des agents appartiennent aux catégories « C », ouvrières. Ils débutent avec une paie supérieure au Smic de 4,5 euros… Et encore ! Cette paie contient des primes appelées « régime indemnitaire » à hauteur de 16,5 % pour les titulaires et de 11 % pour les non-titulaires.

Car les agents territoriaux ne sont pas tous fonctionnaires. 30 % sont des contractuels de droit privé, c’est-à-dire des précaires. En principe, ils n’ont accès qu’à un ou deux contrats courts. La jurisprudence prud’homale sanctionne des abus édifiants : la paie du précaire ne doit pas être « très différente » de celle du titulaire. Les « déroulements de carrière pour les non-titulaires » et le recours à l’intérim sont interdits. Les dérogations aussi sont édifiantes : les communes de moins de 1 000 habitants peuvent reconduire sans limite des CDD de 17h30 hebdomadaires pour 500 euros…

M.P.


Toulouse : la ville « rose » carotte…

Pour compenser la faiblesse des salaires des « territoriaux », il existe des « compléments indemnitaires », des primes qui au regard de la faiblesse du traitement de base peuvent être non négligeables… mais variables.

Ainsi à Toulouse, la « manière de servir des agents » est un critère de calcul du complément indemnitaire de fin d’année plus connu sous le nom de prime « carotte ». La répartition de ladite prime se fait dans le cadre d’une enveloppe globale, selon des taux personnels différents. Avec ce système, le supplément pour Paul se fait au détriment de Pierre qui a sa prime rabotée d’autant. Le « mérite » attribué aux uns par la hiérarchie n’est pas payé par l’employeur, mais rémunéré par les autres collègues !

Le régime indemnitaire des agents de catégorie A (cadres) et B (techniciens) présente une originalité de plus : une indemnité supplémentaire mensuelle peut s’y ajouter… si des heures supplémentaires sont effectuées. Mais le complément indemnitaire se substitue alors au paiement des heures supplémentaires qui sont ainsi non pas majorées mais largement minorées !

Pour les agents de catégorie A et B, un tiers du montant de référence annuel du régime indemnitaire dépend du « volume du temps de travail » effectué au-delà des 35 heures. « Tous peuvent progresser, à condition d’effectuer 41 heures par semaine » écrivait le maire lors de la mise en place du système en janvier 2006.


[1Tiré de l’argumentaire Cgt - Fo - Fsu - Unsa - Solidaires de la Fonction Publique du 25 janvier 2007.

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