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Mouvement des chercheurs

Brèves de labo : Une journée au service de « l’excellence scientifique »

Mis en ligne le 20 novembre 2014 Convergences Société

  • 9 heures : À l’entrée dans la salle de cinq mètres sur dix dans laquelle sont entassés douze bureaux d’étudiants, de chercheurs précaires et d’ingénieurs en CDD, le premier coup d’œil est pour celui qui rédige sa thèse, derrière son écran d’ordinateur. Les yeux tirés, il regarde nonchalamment le tableau noir au mur recouvert d’inscriptions ésotériques. Tout le monde comprend que son chef est venu « discuter » avec lui hier soir et que cela n’a pas dû être une partie de plaisir. En tout cas, pas pour lui. « Ça va ? Tu as terminé tard, hier soir ? » « Bof… Heureusement, c’est bientôt terminé. » La journée s’annonce bonne.

Quatre filles et deux pontes

  • 11 heures : réunion extraordinaire pour une équipe du labo : des bruits courent que les résultats obtenus vont faire l’objet d’un brevet. Le directeur du laboratoire et le chef d’équipe – deux hommes – convoquent les deux techniciennes, la chercheuse en CDD et l’étudiante – quatre femmes – pour leur annoncer la nouvelle. Deux heures plus tard, les mines ne sont pas des plus réjouies. L’ambiance est tendue. Cela se comprend ! Les résultats sont excellents et un brevet est effectivement sur les planches. Mais les filles ont appris que la concurrence était rude pour l’attribution du brevet et que, afin qu’il ait une chance de passer, seuls les noms des deux chefs allaient apparaître sur le document… Bonjour la reconnaissance. Sans compter que, si ces travaux sont un jour exploités à des fins industrielles, seuls les deux auteurs officiels du brevet toucheront des droits d’exploitation. Mais que sont ces considérations bassement matérielles face à la satisfaction d’avoir fait avancer la Science ? Apparemment, l’argument a du mal à prendre.

Coup de blues

  • 14 heures : Après le déjeuner, nous apprenons qu’une ingénieure de recherche d’un établissement voisin, qui vient de signer son premier CDD à 27 ans, est arrêtée pour dépression. Un petit choc quand même, ce n’est pas si courant dans le milieu. Renseignements pris, cette jeune femme, compte-tenu de sa position plus qu’incertaine au sein de la recherche publique, avait émis l’idée, devant sa chef, d’une reconversion. Quelque temps après, elle a eu la surprise de voir débarquer dans son bureau un autre jeune ingénieur recruté pour faire le même boulot qu’elle ! Sa chef avait anticipé son départ (pourtant hypothétique), et l’avait remplacée sans l’en avertir. N’ayant pas le budget pour payer les deux, autant que la première se dépêche de partir, si possible en démissionnant. Une première expérience professionnelle des plus instructives pour l’avenir…

Les petites mains

  • 18 heures : Nous sommes convoqués par le chef. C’est la troisième fois que nous le voyons aujourd’hui, en groupe ou individuellement. On se demande de quoi on va bien pouvoir discuter. C’est l’époque des recherches de financement et nous apprenons qu’il a été sélectionné pour l’oral d’une grosse bourse dans un mois. Devinez qui doit lui préparer les figures pour ses diapositives ? Nous nous retrouvons à préparer un oral pour un financement qui tombera, si tout va bien, quand nous aurons déjà terminé notre contrat, et que nous serons partis de l’équipe.

Heureusement que, dans tout ça, pour décompresser, il y a les expériences dans la salle de manipulations, où les chefs ne mettent plus les pieds depuis longtemps.

S. C.

NB : toutes les anecdotes présentées sont authentiques, bien qu’elles n’aient pas toutes eu lieu dans la même journée. Elles sont représentatives de l’ambiance et de l’état de la recherche scientifique publique.

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Numéro 96, novembre-décembre 2014

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