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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 46, juillet-août 2006

Belgique : l’extrême droite gonfle, la gauche se dégonfle

Mis en ligne le 28 juin 2006 Convergences Monde

Le 26 mai, 20 000 personnes ont manifesté à Anvers contre le racisme à la suite d’un meurtre commis en pleine rue par un jeune d’extrême droite. Celui-ci, 18 ans, a tué à bout portant deux personnes dont une petite fille de 2 ans et en a gravement blessé une troisième. L’une des personnes était d’origine malienne, l’autre était turque. Le meurtrier a expliqué « avoir acheté une arme de chasse et des munitions et être parti à la recherche de personnes étrangères dans l’intention de les abattre » . Il voulait « mettre de l’ordre dans le monde » . Ce crime n’est pas un acte isolé. Ainsi, le corps d’un jeune Marocain a été repêché dans un canal, suite à une dispute raciste devant l’entrée d’une discothèque. À Bruges, plusieurs Africains ont été tabassés par un groupe de skinheads, l’un est dans le coma.

La manifestation d’Anvers s’est voulue « une marche blanche » à l’image de celle qui, quelques semaines auparavant, avait suivi le meurtre d’un jeune de 18 ans, Joe, pour lui voler son lecteur MP3 à la Gare centrale de Bruxelles. Une « marche blanche », c’est une manifestation silencieuse qui se veut apolitique, d’où sont bannis les banderoles, les slogans et les sigles des organisations politiques, autant dire une manifestation contre le racisme certes, mais aussi de méfiance vis-à-vis des politiques.

Une réaction pas à la hauteur

La manifestation d’Anvers n’a réuni que 20 000 personnes (les organisateurs en attendaient 50 000) alors que celle de Bruxelles, pour Joe, en avait réuni 80 000. Pour expliquer cette différence, les commentateurs ont dit ou écrit qu’il avait énormément plu ce jour-là à Anvers. C’est vrai, mais cela n’explique pas tout.

La presse a cru pouvoir souligner que le problème du racisme était essentiellement un problème flamand. C’est un fait qu’il existe dans la population, un fort sentiment raciste, mais c’est le cas aussi bien en Wallonie qu’en Flandre. Ainsi, après le meurtre du jeune Joe, la Justice et les témoins du meurtre ayant affirmé que les assassins étaient des Marocains (en fait, il s’agissait de Polonais), les réflexions racistes contre les Marocains avaient fusé dans certaines entreprises.

Surtout, ce sentiment n’est pas combattu par les grands partis politiques. Au lendemain même du crime d’Anvers, il n’y a eu qu’une manifestation appelée par SMS qui a regroupé 2 000 personnes, essentiellement des militants et des sympathisants d’extrême gauche. Il a fallu attendre 15 jours pour que cette « marche blanche » soit organisée à Anvers.

L’attitude de la gauche a même été de minimiser la signification de ce crime. Le dirigeant socialiste flamand et ex-ministre du gouvernement fédéral, Johan Vande Lanotte, a expliqué : « pas plus que les Allochtones ou les Polonais ne sont responsables de la mort de Joe, le Vlaams Belang n’est responsable de ce double meurtre. Hans Van Themsche (le meurtrier) est le seul responsable ». Certes, le Vlaams Belang, le puissant parti d’extrême droite de Flandre, a officiellement condamné le crime d’Anvers (même si la tante du meurtrier est députée fédérale du Vlaams Belang, son grand-père engagé au côté des Nazis durant la Deuxième guerre mondiale et son père un militant de la première heure d’extrême droite). Mais cette condamnation n’efface pas la propagande xénophobe développée par ailleurs par la Vlaams Belang et qui a contribué à l’atmosphère raciste qui règne dans une partie du pays. Et l’attitude de la gauche, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie, semble s’expliquer surtout par l’approche des élections communales (municipales) en octobre prochain... et les succès qui semblent promis à l’extrême droite.

Une poussée de l’extrême droite ?

Aux dernières élections communales de 2000, le Vlaams block (le nom du Vlaams Belang avant d’être condamné pour racisme justement) a obtenu 461 postes de conseillers communaux et 54 de conseillers provinciaux (33 % des votes à Anvers, 26 % à Malines une autre grande ville en Flandre). Actuellement, en Flandre, il est crédité de 25 % des intentions de votes. Il pourrait prétendre à certains postes de bourgmestres (maires) aux prochaines élections communales.

En Wallonie aussi, l’extrême droite existe, même si elle est empêtrée dans les procès et les scandales. À Charleroi, ville ouvrière importante, dirigée par le Parti socialiste, mêlé lui aussi à de nombreux scandales financiers, une enquête indique que le Front national serait crédité de 20,8 % des intentions de vote. Il deviendrait le deuxième parti de la ville, derrière le Parti socialiste, et obtiendrait 12 sièges de conseillers communaux ! Aux élections régionales de juin 2004, il obtenait déjà 16 % des voix. Sa progression semble se poursuivre.

Selon cette étude, une des raisons des intentions de vote pour l’extrême droite à Charleroi, c’est le sentiment que les hommes politiques ne s’occupent pas des problèmes de la population. Et en effet, en Belgique où règne un fort taux de chômage, où les entreprises continuent de licencier tout en faisant des bénéfices toujours plus importants, le sentiment est que les hommes politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, sont incapables d’apporter une solution ou plus simplement d’améliorer le sort des populations. De plus, la gauche est aux affaires depuis de nombreuses années et, depuis quelques mois, le Parti socialiste est mouillé jusqu’au cou dans les scandales financiers qui font la Une des journaux.

Que, dans ces conditions, la gauche ne se sente guère le vent en poupe est compréhensible ; qu’elle craigne une nouvelle poussée de l’extrême droite, poussée dont elle portera une bonne part de responsabilité, aussi. Mais, en rajoutant la couardise à toutes les démissions et trahisons passées, en hésitant à combattre ouvertement et directement le racisme et la xénophobie et en ménageant l’extrême droite dans l’espoir (certainement vain) de ne pas repousser un peu plus d’électeurs du côté de celle-ci, la gauche ne fait sans doute que s’enfoncer et se déconsidérer un peu plus. Ce qui, en soi, ne serait pas catastrophique, s’il y avait une extrême gauche décidée à saisir l’opportunité, c’est-à-dire à proposer une politique de lutte de classe.

20 juin 2006

Paul GALLER


Le poison régionaliste divise les syndicats

La Centrale de l’industrie du métal en Belgique (CMB), avec 180 000 membres, est la quatrième plus importante centrale syndicale de la FGTB, qui compte 1,2 million d’adhérents. Elle vient de scissionner en trois « entités » : francophone, flamande et bruxelloise. Cette scission a été entérinée par un congrès tenu le 21 avril dernier, au cours duquel 400 délégués ont voté la scission à 86 %.

Le prétexte de cet éclatement de la centrale des métallos, c’est « l’affaire Jorissen ».

Le journal patronal Trends a révélé que Jorissen, qui était le dirigeant de toute la centrale, avait, à l’âge de 17 ans, milité dans une organisation d’extrême droite le VMO (Vlaamse Militante Orde), un groupuscule nazi et flamingand, plus tard interdit. Ce passé était connu et Jorissen a regretté ce qu’il appelait une erreur de jeunesse.

Suite à cette « révélation », qui n’en était donc pas une, les dirigeants des métallos francophones ont exigé le départ de Jorissen... faute de quoi ils demanderaient la scission du syndicat. Jorissen, soutenu par « l’aile flamande » du syndicat, étant resté, la scission a été entérinée et la centrale des métallos s’est scindée selon les trois régions qui divisent la Belgique : Flandre, Wallonie et Région Bruxelles Capitale.

Du côté francophone, le nouveau syndicat constitué laisse entendre qu’il sera plus combatif qu’avant. Le nouveau secrétaire général syndical écrit ainsi : « Nous avons aujourd’hui les mains plus libres pour reparler de la réduction du temps de travail, du renforcement du contrôle ouvrier par un accroissement de notre pénétration dans les plus petites entreprise (...) ». Et il indique tout son attachement à la lutte des classes, « opposition entre le monde du travail et le monde patronal ».

On se demande quand même pourquoi il a fallu attendre la division du syndicat pour qu’il exprime de si louables intentions...

D’après le quotidien Le Soir, la réalité serait quelque peu différente : « les tensions régionales qui sont bien antérieures à la révélation dégagent une ambiance tribale : combats de petits chefs et volonté de se partager la caisse commune ».

Le Soir calomnie-t-il ?

Il est sûr en tout cas que l’intérêt des travailleurs n’est pas dans un combat de chefs misant sur la division régionale et linguistique pour asseoir leur domination et se partager le gâteau !

Un exemple : à Volkswagen, constructeur automobile et premier employeur privé dans la région bruxelloise (5 000 travailleurs), l’entreprise est à Bruxelles... mais les travailleurs parlent le flamand ou le français, l’entreprise recrutant ses salariés aussi bien à Bruxelles, qu’en Wallonie ou en Flandre ! On imagine mal en quoi la division en deux ou trois syndicats va permettre une meilleure défense des intérêts des salariés ! Mais ce n’est sans doute pas là le souci des bureaucrates... flamands ou wallons.

P.G.

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