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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 87, mai 2013

Renault : Une mobilisation inédite depuis quelques années

Mis en ligne le 30 avril 2013 Convergences Entreprises

Face à ces accords de compétitivité que des salariés ont renommé « les accords de la honte », rien à espérer évidemment de la CGC et de la CFDT qui n’attendaient que de pouvoir dégainer leurs stylos. Ni de FO qui, après avoir quelque peu tergiversé, y a aussi apposé sa signature. Quant à la CGT centrale, non signataire, elle a commencé par pousser les syndicats locaux à ne pas divulguer les projets de la direction au prétexte de ne pas « en rajouter dans le climat de désolation actuelle et de répondre ainsi aux souhaits de la direction ». Il fallait, syndicalisme de proposition oblige, avancer un projet industriel pour Renault et donner des conseils de gestion aux patrons qui, on s’en doute, s’en sont bien passés. Et ce n’est que lorsque la baisse de la participation aux rassemblements a été visible sur tous les sites, que les délégués centraux ont changé d’attitude en appelant à la mobilisation « la plus forte possible ».

Débrayages en cascade et contacts entre travailleurs

La mobilisation, sans être un raz-de-marée général, est loin d’avoir été insignifiante. En intensité, c’est même la plus forte depuis plusieurs années.

Au pic de la mobilisation, le mardi 29 janvier, alors que se tenait une nouvelle réunion sur l’accord de compétitivité, des débrayages ont eu lieu : 1 000 à Douai (un tiers des effectifs), 1 300 à Flins (avec blocage de l’accès au site le matin entrainant des perturbations sur l’A13), 480 au Mans, 625 à la Sovab (filiale de Renault), 250 à Sandouville, 130 à Choisy (la moitié des salariés présents). Ou dans les filiales : 240 à ACI Villeurbanne sur 300, 625 à la Sovab

À Cléon, l’une des usines les plus mobilisées, avec une équipe CGT combative, les salariés étaient prêts à partir en grève. Pour eux, la compétitivité, cela signifiait une perte de 21 jours de congés par an. Sans attendre, au lendemain de l’annonce de cette mesure, un tiers des travailleurs (1 200 travailleurs) ont lâché l’outil de travail. Une journée « usine morte » a eu lieu la semaine suivante, le 30 janvier. Grève toute la journée, piquets de grève dès 4 heures du matin pour bloquer les parkings avec des feux de pneus et de palettes pour se réchauffer. Un véritable test pour voir s’il était possible de partir en grève illimitée. La journée a été un succès (avec une production divisée par quatre) et elle a été marquée par la venue des PSA-Aulnay pour un meeting commun en fin de matinée. Un petit air de convergence des luttes, déjà entraperçu à Flins le 23 janvier. Une idée de ce que pourrait donner une réelle union des travailleurs face aux attaques du patronat !

Pour l’anecdote, les chefs, arrivés à 3 h 30 du matin avant le blocage des parkings en prévision de la grève, sont restés bloqués sans pouvoir rentrer chez eux jusqu’à 15-16 heures. Tentant leur chance avec leur voiture en file indienne d’une sortie de parking à une autre. En vain... et sous la risée des grévistes qui observaient leur ronde hasardeuse et inutile dans les parkings du site. Malgré tout, une partie des travailleurs n’a pas été convaincue par les piquets de grève et est allée travailler. La grève n’a pas été reconduite pour le lendemain.

Les centres d’ingénierie dans la bagarre : l’exemple de Lardy

Fait marquant, la grogne ne s’est pas arrêtée à la porte des usines : l’ingénierie, durement touchée par l’accord, s’est aussi mobilisée, notamment au Technocentre de Guyancourt (près de Versailles) et au Centre technique de Lardy. Sur les sites d’ingénierie, ce sont les salaires qui, chaque année, étaient à l’origine des mobilisations les plus significatives. En 2010 et 2011, sur le site de Lardy, des débrayages d’une heure, ponctuant les négociations annuelles obligatoires et leurs annonces d’augmentations misérables de salaire, avaient permis de rassembler régulièrement quelques centaines de salariés.

La mobilisation est donc repartie fin 2012, contre l’accord compétitivité. À Lardy, centre technique de 1 800 salariés en région parisienne (dans l’Essonne, à une quarantaine de kilomètres de Paris), ce sont ainsi dix actions qui se sont déroulées, avec un pic à 300 participants le lendemain de l’annonce du blocage des salaires. Sans être suffisante, la mobilisation de cette année n’en a pas moins posé quelques jalons prometteurs pour l’avenir. Notamment, des liens se sont tissés avec les autres sites de Renault s’étant fortement mobilisés, comme celui de Cléon.

Le 5 février 2013, nouvelle journée de grève, où les grévistes de Lardy avaient prévu de rejoindre leurs camarades de Cléon qui entendaient une nouvelle fois organiser une journée « usine morte ». Plusieurs dizaines de salariés se sont inscrits pour prendre les cars. Mais le blocage n’a pas pu se faire, la direction de Cléon ayant organisé un quasi-lock-out en obligeant la veille les travailleurs à poser un jour de congé s’ils ne se déclaraient pas en grève. À Lardy, on a donc changé le fusil d’épaule pour se rendre au meeting appelé par les ouvriers de PSA Aulnay devant leur usine pour soutenir des camarades en procédure de licenciement pour fait de grève.

À Renault, le gros du mouvement tire à sa fin. Mais preuve que le moral n’est pas retombé et la colère peut reprendre vite :

À Lardy, deux jours plus tard, une visite de quelques huiles du groupe a été chahutée et interrompue par 150 personnes. La visite, gardée secrète, n’a commencé à être connue que la veille. Un comité d’accueil aux deux pontes (Carlos Tavares, n°2 du groupe Renault et Jean-Michel Billig, directeur ingénierie) s’est préparé en quelques heures par mails et textos. Pris par surprise, Billig est resté « bloqué » devant le bâtiment et a finalement accepté de recevoir une délégation. Tavares, en retard, a été prévenu à temps par la direction locale et a rebroussé chemin avant d’arriver au site... Bilan positif pour les salariés qui ont pu se faire entendre et bousculer le train-train bien rodé des dirigeants du groupe. Le débrayage qui a suivi ces annonces n’a rassemblé que 120 personnes, dont une trentaine s’est rendu l’après-midi au Technocentre où Ghosn présentait les résultats financiers aux salariés.

Préparons la suite !

À Lardy, pas d’abattement : de nouvelles questions se discutent entre les plus actifs pour les mouvements futurs (comment reconduire le lendemain ? comment bloquer en évitant les sanctions ?).

Car, désormais c’est l’application de l’accord de compétitivité et de toutes les autres mesures de réduction des coûts qui créent du mécontentement. Comme dans un secteur de Lardy où 90 salariés ont fait grève toute la matinée du lundi 15 avril, pour demander le maintien du système actuel des remboursements de frais pour les missions qu’ils effectuent loin de chez eux, que la direction voudrait réduire.

Chez les sous-traitants, la colère pourrait aussi monter : jeudi 10 et vendredi 11 avril, l’usine Renault de Douai a été paralysée par la grève du sous-traitant SAS Automotive Systems : les 120 salariés de SAS, à qui Renault a annoncé qu’il reprenait leur activité, exigent qu’ils soient tous repris par Renault.

Ce n’est pas parce que l’accord est signé qu’on va accepter d’en subir les conséquences.

16 avril 2013,

T.S et E.L.





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