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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 99, mai-juin 2015

Pour l’AP-HP, les 35 heures ruineraient la Santé… ou son budget

Mis en ligne le 14 mai 2015 Convergences Entreprises

Il n’y a pas que le patronat privé et le Medef qui ont les 35 heures dans le nez. Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), vient de leur déclarer la guerre dans l’ensemble des établissements qu’elle gère, c’est-à-dire la plupart des hôpitaux publics de Paris et sa banlieue (plus quelques établissements en province). Ou plus précisément, dit-il, ne pas vraiment remettre en cause le principe général des 35 heures, mais seulement « l’assouplir » en supprimant, par des réorganisations d’horaires, les RTT, c’est-à-dire les jours de repos qui compensent les horaires de travail dépassant largement les 35 heures par semaine.

Ce qui revient au même !

Les hôpitaux parisiens ne sont pas les premiers à être entrés dans la danse de la guerre aux 35 heures. Plusieurs hôpitaux de province l’ont déjà commencée. C’était, notamment, contre un projet de réorganisation qui comportait simultanément la suppression de 5 jours de RTT pour tout le personnel et celle d’une cinquantaine de postes qu’avait éclaté, au printemps 2014, la longue grève à l’hôpital psychiatrique de Caen. Comme à l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif quelques mois plus tard, contre des attaques semblables. Mais cette fois, avec les 37 hôpitaux et plus de 90 000 salariés que regroupe l’AP-HP, l’offensive est de taille et pourrait permettre une riposte d’ensemble.

Économiser des millions sur le dos du personnel

En même temps qu’il annonçait, le 19 mars dernier dans le journal économique Les Échos, sa décision de s’en prendre aux RTT, le directeur de l’AP-HP avouait son but : réaliser une économie de 20 à 25 millions par an. Sur le dos du personnel. Du côté de la Fédération hospitalière de France, qui représente l’ensemble des hôpitaux publics et qui depuis des mois déjà demande qu’on revienne sur les 35 heures, c’est à 400 millions qu’on estime les économies qui pourraient ainsi être réalisées. La dette des hôpitaux publics auprès des banques a bondi de 500 millions au mois de janvier dernier, par le seul fait de la hausse du taux de change du franc suisse ! Mais ce ne sont pas les emprunts toxiques qui ruineraient les hôpitaux, ce seraient les coûts salariaux.

Trop coûteuses les 35 heures ?

L’application des 35 heures dans les hôpitaux, qui s’est faite en 2002, un peu plus tard que dans les autres secteurs à la suite de longues négociations sur la refonte des horaires, aurait coûté trop cher. On se demande bien pourquoi, dans la mesure où ce passage aux 35 heures s’est fait pratiquement sans création d’emplois. Au contraire, les emplois ont continué à être réduits depuis : 3 500 supprimés à l’AP-HP entre 2010 à 2014. Et les effectifs sont tellement insuffisants que le personnel ne peut même pas poser les jours de RTT qui lui sont dus. Une grande partie s’accumule dans des « compteurs » jamais soldés. Au point que les hôpitaux ont procédé à des opérations de « rachat » de ces jours de repos, même pas au tarif des heures supplémentaires, mais au-dessous du tarif horaire. Tout bénéfice ! Tellement moins cher que d’embaucher le personnel nécessaire.

Les mensonges de Hirsch

« Ces organisations du travail [celles correspondant aux 35 heures actuelles] entraînent des conséquences économiques qui, si nous ne modifions rien, conduiraient à ce que nous soyons contraints de supprimer des emplois », déclarait le directeur de l’AP-HP. Comment serait-il possible qu’en faisant travailler davantage les gens on sauve des emplois ? Mystère. Une simple règle de trois montre qu’enlever à seulement 11 personnes 20 jours de RTT (le nombre maximum de RTT, dont bénéficient ceux qui ont les horaires les plus lourds), ou à 15 salariés 15 RTT, équivaudrait à un emploi à plein temps... qu’on pourra donc supprimer ? Et sur 90 000 personnes (même si toutes n’ont pas droit à 20 jours de RTT), ça fait combien d’emplois qu’on peut supprimer ?

Travailler plus vite pour travailler plus longtemps

Pour décider à quelle sauce la direction de l’AP-HP compte bouffer les RTT du personnel, elle invite les syndicats à la table des négociations. Vous voulez quoi, dit-elle en substance, des équipes de 7h30 ou 7h10, au lieu des 7h50 et 7h36 actuelles ? Et combien de salariés on mettrait en équipe de 10 heures ?… Plat de résistance saignant, à point ou bleu ? On commence par les urgences ou les services techniques ? La poire ou le fromage ? La carte des menus est ouverte. Pourvu d’arriver au bas de l’addition (ou plutôt de la soustraction) à la suppression progressive de toutes les RTT. Avec à la clé le petit chantage : à défaut d’un accord en fin de parlotte, et en l’absence de toute signature (et l’AP-HP compte bien trouver quelques syndicalistes du stylo), la direction décidera seule et appliquera. Signez, sinon ce sera pire.

Mais au-delà des détails d’application, le projet est, en clair, qu’il faudrait faire en 20 ou 30 minutes de moins le même travail qu’avant, et fatalement rester souvent au-delà de l’horaire officiel car il faut le temps de passer les consignes à l’équipe de relève. Et par dessus le marché, il y a la multiplication des équipes de jour de 10 heures d’affilée pour mieux coller aux horaires de la nouvelle « hospitalisation ambulatoire » instaurée par l’AP-HP pour faire des économies : on prend le patient le matin, on l’expédie chez lui le soir, là où auparavant on le gardait souvent au moins jusqu’au lendemain, le temps de faire des examens ou de mieux surveiller les suites d’une intervention.

Il n’y a rien à négocier dans tout cela, uniquement à s’opposer au projet.

Tous ensemble

La direction voudrait imposer une refonte des horaires qui donne un cadre général pour tous les établissements de l’AP-HP (alors qu’aujourd’hui le régime peut être différent d’un hôpital à l’autre), mais qui pourrait bien (diviser pour régner !) être différent suivant les types de services ou les catégories de personnels (soignants, agents ou ouvriers d’entretien). Quant à la mise en application dans les divers hôpitaux, elle pourrait bien ensuite être échelonnée selon un savant calendrier destiné à éviter une riposte commune. Tout comme La Poste échelonne ses « réorganisations » (ou suppressions d’emplois !) bureau par bureau.

Raison de plus pour réagir tout de suite. Des AG ont déjà eu lieu, dès la première annonce faite par Martin Hirsch, à Saint-Antoine, Tenon, René Muret et Robert Debré notamment. Notons au passage qu’à l’hôpital Saint-Antoine, le lundi 23 mars, c’étaient les ouvriers d’entretien qui s’étaient mis en grève contre la suppression de deux emplois annoncée par la direction à l’occasion d’un regroupement du secrétariat des services techniques sur quatre hôpitaux. Leur grève avait été l’occasion d’organiser une AG de tous les services, rassemblant 200 hospitaliers pour discuter des attaques de l’AP-HP. Si bien qu’en fin de semaine la direction reculait : elle regrouperait bien les secrétariats des services techniques mais accordait un poste de plus au lieu d’en supprimer deux. L’AP-HP est dans ses petits souliers : pas si facile de préparer une attaque qui peut regrouper tout le monde contre elle.

Les syndicats CGT, SUD et FO ont décidé d’organiser des assemblées générales le même jour, le 5 mai, dans tous les hôpitaux de l’AP-HP pour discuter des projets de la direction, de la politique d’austérité en général et de la riposte nécessaire. Il est question d’une première journée d’action pour le 21 mai. Mais il ne s’agit évidement pas seulement de prévoir des « dépôts de motion aux directions locales » ou d’appuyer les délégations syndicales dans les négociations proposées par l’AP-HP pour « réviser » l’accord sur les 35 heures. La meilleure défense est certainement l’attaque, tous les personnels réagissant au plus vite avant que la machinerie infernale des négociations isolées se mette en branle.

29 avril 2015, Paul GALLER

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