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Maroc

Nouvelle manifestation contre la misère et la hogra

Mis en ligne le 8 décembre 2016 Convergences Monde

Samedi 21 novembre, sur la place des Martyrs de la petite ville côtière d’Al Hoceïma, des milliers de personnes affluaient une nouvelle fois pour protester contre le pouvoir suite à la mort de Mouhcine Fikri. Ce vendeur de poisson de 31 ans avait été broyé avec sa marchandise dans un camion à ordures le 28 octobre 2016, quelques minutes après que la police eut décidé de détruire les kilos d’espadon qu’il transportait dans sa voiture, sous prétexte que la pêche de cette espèce est illégale en cette saison. C’était la deuxième fois consécutive que le vendeur voyait sa marchandise saisie et il avait tenté de sauver son seul gagne-pain.

Aussitôt après ce drame, les photos et vidéos sur internet avaient suscité l’indignation : des milliers de personnes s’étaient rassemblées pendant trois jours à Al Hoceïma et des manifestations avaient suivi dans une quarantaine de villes dont Casablanca, Rabat et Marrakech.

« Le peuple réclame la dignité et la justice sociale »

« Justice pour Mouhcine Fikri », « Broyez-nous tous », « Le peuple réclame la dignité et la justice sociale », autant de slogans scandés par les manifestants, imputant directement aux autorités la responsabilité de la détresse et la mort de ce « fils du peuple », mais aussi de la hogra en général – sentiment de mépris et d’humiliation ressenti par la population pauvre.

Du côté du pouvoir, le roi s’empressait d’ordonner une enquête sur ce qui n’était présenté que comme un fait divers dramatique. Plusieurs personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles deux agents d’autorité, le chef de service et le délégué de la pêche maritime, le médecin chef vétérinaire ainsi que les éboueurs présents sur les lieux. Toutefois, les agents de l’État sont poursuivis pour « faux en écriture publique », c’est-à-dire seulement pour la rédaction d’un faux procès-verbal lors de l’arrestation et de la saisie. Les éboueurs, eux, qui avaient été appelés par la police pour embarquer le poisson saisi, sont mis en examen pour homicide involontaire. Il s’agit de dédouaner la police et les autorités locales, tout en faisant mine de rendre justice afin de désamorcer la mobilisation. La nouvelle manifestation du 21 novembre montre que la colère est toujours là.

Corruption, exclusion, répression

Car dans la ville d’Al-Hoceima, où la majorité de la population vit de la pêche durant l’année et du tourisme en été, la mort de Mohcine Fikri n’est que la conséquence tragique d’un système de corruption, de répression et d’exclusion orchestré par les autorités du port et la police. À l’annonce de la mort du marchand, les marins pêcheurs du port avaient décrété trois jours de grève, soutenus par des mouvements de solidarité chez les étudiants, les taxis et dans les transports publics. Et si l’espadon est une espèce protégée en Méditerranée pendant une certaine période de l’année, les pêcheurs sur place assurent que des centaines de kilos en sont vendus au marché du port, sous l’œil bienveillant des autorités administratives. L’interdiction de pêche ne fait que rendre les marins pêcheurs plus vulnérables aux pressions de l’administration portuaire et à l’arbitraire des confiscations de marchandise. D’autant que toute une partie des pêcheurs est poussée depuis plusieurs années à l’illégalité en raison des refus de délivrance de licences de pêche ou de carburant, pourtant subventionnées par l’État.

Au bonheur de Renault, PSA, Bombardier, Saint-Gobain, Latécoère, Valeo, Boeing…

Cette mobilisation survient quelques semaines seulement après la tenue des élections législatives présentées comme une victoire pour le régime puisque le parti islamiste du premier ministre sortant, Parti de la justice et du développement, y est arrivé en tête, suivi de près par le Parti authenticité et modernité, fondé par un ami du roi. À eux deux, ils raflent les deux tiers des sièges.

Cette intégration du parti islamiste au pouvoir a été le seul résultat de la réforme constitutionnelle décrétée par Mohammed VI au lendemain des mobilisations populaires qui avaient suivi au Maroc, en 2011, les révoltes de Tunisie et d’Égypte. Toute la presse avait alors salué « l’ouverture démocratique » du régime royal marocain. Gardons à l’esprit que la SNI, holding de la famille royale, représente à elle seule près de 7 % du PIB du pays. Par ailleurs, ces dernières années ont connu une augmentation massive des investissements étrangers dans les différentes zones franches créées à cet effet (Renault, PSA, Bombardier, Saint-Gobain, Eaton, Latécoère, Valeo, Boeing, etc.).

Réactions ouvrières

Depuis, l’étau se resserre autour des travailleurs et le gouvernement n’a pas lésiné sur les attaques : réductions fiscales pour le patronat, recul de l’âge de la retraite de 60 à 63 ans, suppression progressive de la caisse de compensation (sucre, pétrole, gaz et blé), privatisation des services publics (éducation, santé, transports, énergies et eau potable).

Mais la révolte des manifestants d’Al Hoceïma n’est pas la seule. Au cours de l’année 2016, il y a eu une grève de plusieurs semaines des ouvriers de Maghreb Steel et des mineurs de Jbel Aouam, une mobilisation de plusieurs mois des professeurs stagiaires pour la titularisation, le mouvement dit « des bougies » des habitants de Tanger contre Amendis (filiale de Veolia) et la cherté de l’électricité, la lutte pour le droit au logement après des émeutes à Sidi Bibi…

Dans ce pays que la dictature royale semblait si bien tenir en main, la lutte de classe reprend ses droits.

24 novembre 2016, Myriam RANA

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Numéro 109, décembre 2016

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