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Hôpitaux : les salariés sur le qui-vive

Hospices civils de Lyon : Les effets de la privatisation du ménage

Mis en ligne le 22 avril 2014 Convergences Entreprises

Les travailleurs des hôpitaux lyonnais sont confrontés au problème de la privatisation de la fonction ménage sur l’ensemble des HCL (Hospices civils de Lyon), au profit d’une grosse société de nettoyage et d’entretien, GSF (« Groupe-Service-France »). À ce sujet, Convergences révolutionnaires a rencontré Sylvie [1], une infirmière de l’hôpital de la Croix-Rousse. [2]

  • Qu’est-ce que GSF ? Comment fonctionne le travail des salariés de GSF à l’hôpital ?

C’est une grosse boîte de nettoyage et d’entretien, qui a la réputation d’être une société « esclavagiste ». Leurs employées (essentiellement des femmes) font des horaires coupés exclusivement en temps partiels. Mais la charge de travail est telle qu’elles font presque systématiquement des heures supplémentaires, et peuvent travailler l’équivalent d’un temps complet pour réussir à faire tout ce qu’on leur demande. Ils sont allés jusqu’à leur demander de faire des horaires coupés en commençant de 3 à 4 heures du matin avant de revenir dans la matinée, tout cela pour pouvoir nettoyer la salle de soins... ce qu’on arrivait très bien à faire dans la journée avant l’arrivée de GSF. De plus, on ne leur donne pas les moyens de travailler correctement, tant au niveau du matériel que de la formation. Ce qui peut entraîner des tensions entre les différentes équipes. Par exemple, les équipes soignantes doivent s’organiser en fonction des contraintes des agents de GSF : la salle de soins ne pouvant pas être nettoyée pendant la relève. Mais au moindre dysfonctionnement transmis à GSF par les cadres ou les syndicats, les agents sont licenciés.

  • Que deviennent les agents qui effectuaient les tâches de ménage avant la privatisation ?

Les ASH (agents de services hospitaliers) titulaires sont reclassés sur d’autres postes. Les départs à la retraite ne sont pas renouvelés, et les CDD sont purement et simplement virés. Les postes proposés aux titulaires ne sont pas très attractifs. Ces dernières sont repositionnées sur des tâches logistiques, ou dans d’autres services comme la cuisine, la gériatrie ou le brancardage – une tâche très physique.

Par exemple, certains agents de 40 ou 50 ans, déjà « abimées » par le boulot, ne se voient pas pousser des lits et des fauteuils sur des kilomètres ! En plus, elles ont été complètement sorties des équipes de soins auxquelles elles appartenaient depuis des années, ce qui n’est pas forcément facile à vivre.

  • Quelles sont les conséquences de la privatisation sur le reste des agents ?

Le travail que faisaient les ASH n’a pas été entièrement repris par GSF. Les tâches restantes doivent donc être faites par les équipes de soins, qui sont déjà bien assez surchargées de travail. Sans oublier que les ASH titulaires sont reclassées sur des postes déjà occupés par des collègues en CDD qui vont tout simplement être virés.

  • Et les réactions du reste du personnel ?

La mobilisation existe, elle se fait souvent à chaque fois qu’un service est touché par ces restructurations. Mais les restructurations se font souvent un service après l’autre. Organiser une réaction collective reste difficile.

De plus à l’hôpital, nous nous retrouvons souvent assignés pour assurer un service minimum pour assurer la sécurité des patients. Nos moyens de pression vis-à-vis des politiques de la direction sont donc limités en l’absence d’une forte mobilisation. Ce qui marche bien, c’est quand on s’adresse à la population afin de faire connaître la dégradation des conditions de travail – et donc d’accueil et de prise en charge des patients – et d’obtenir leur soutien.

Regrouper ces luttes et essayer de faire front tous ensemble serait une bonne idée, car on se rend compte qu’on est tous dans la même galère. Il nous faut obtenir une réaction collective de tous les établissements de santé, mais pas seulement... car tous les salariés subissent de telles attaques, et quand on voit ce que nous prépare le nouveau gouvernement avec son plan d’austérité de 10 milliards d’euros dans la Santé, et en tout de 50 milliards, on se dit qu’on va avoir fort à faire...

Propos recueillis par Fatou KAMARA et Mehdi KAMAN


GSF exploite aussi... dans la Chimie

L’entreprise GSF est coutumière des méthodes de management les plus agressives. C’est l’expérience que vivent les employées de ménage qui travaillent sur le site Solvay de Saint-Fons Chimie dans la banlieue lyonnaise.

Dans cette usine classée Seveso 2, certaines employées ont plus de vingt ans d’ancienneté sur le site. Au gré des repreneurs successifs elles ont pu tisser des liens de solidarité, non seulement entre elles mais aussi avec les salariés de Solvay. En 2010, une grève courageuse a duré plusieurs jours pour leurs droits et leurs salaires. En 2012, GSF reprend le contrat du ménage en 2012 et se donne, semble-t-il, pour priorité, de briser ce collectif.

Les manœuvres d’intimidation commencent alors pour faire travailler les employées hors de leurs secteurs habituels ou leur imposer d’aller travailler sur un autre site sans raisons apparentes. Les agents de maîtrise (souvent des hommes) débarquent à trois, en fin de journée, au moment où l’employée est seule, pour lui arracher un consentement. Mais, face à des résistances, ils s’autorisent à aller plus loin : alors qu’une employée persistait dans son refus, ils lui ont fait subir la violence d’une procédure de mise à pied conservatoire. Au bout d’une semaine, l’entretien préalable à sanctions n’était là que pour la contraindre à travailler ailleurs.

Tout est bon pour fragiliser les employées. Alors que le manque de moyens en heures et en matériels est criant, la tournée quotidienne d’inspections de la responsable ne sert qu’à constater d’éventuels manques qui pourront être utilisés à charge contre la salariée. Ils envoient seule à un examen d’habilitation une employée dont les difficultés en français sont connues : échec et humiliation assurés.

Des salariés en permanence isolés et fragilisés : tel est le modèle que l’encadrement de GSF s’emploie activement à imposer. Y parviendra-t-il ? Ce n’est pas dit. D’autres luttes (dont celle de 2010 à Solvay, ou celles à la Gare d’Austerlitz et à Renault-Lardy, voir nos articles) ont révélé la combattivité des travailleurs du nettoyage et leur capacité à susciter la solidarité auprès des salariés des sites concernés.

Rafi HAMALIAN


[1Le prénom a été changé

[2Par ailleurs, à Lyon, ces dernières années, la direction des HCL a fermé ou restructuré des services non rentables comme les centres d’IVG, fermé des lits et supprimé plus de 200 postes sur cinq ans. D’où une dégradation des conditions d’accueil et de prise en charge des patients, ainsi que des conditions de travail des agents, qui se retrouvent en sous-effectif constant et qui accumulent les heures supplémentaires – souvent non payées. Les conséquences de cette situation peuvent être dramatiques : lors de la restructuration des laboratoires des HCL fin 2012, un agent s’est donné la mort alors qu’il subissait pour la troisième fois une restructuration.

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Numéro 93, avril-mai 2014