Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 50, mars-avril 2007 > DOSSIER : Les riches : comment, toujours plus riches, ils raflent toute la (...)

DOSSIER : Les riches : comment, toujours plus riches, ils raflent toute la mise

Écrasés d’impôts, les riches ?

Mis en ligne le 23 mars 2007 Convergences Société

Sans surprise, le récent exil fiscal de Johnny Halliday a permis aux journalistes de reprendre leur habituelle jérémiade sur ce-pays-où-les-impôts-excessifs-font-fuir-les-talents. En moyenne, deux riches contribuables fuiraient chaque jour, vers des cieux fiscaux plus cléments. En fait, le chiffre de 649 départs par an avancé par un rapport parlementaire en 2005 ne représente pas grand-chose en comparaison des 400 000 ménages assujettis à l’ISF. Compte tenu des retours ainsi que du phénomène inverse (étrangers aisés qui arrivent en France), cet « exode des riches » est très marginal. D’ailleurs, si c’était vrai, pourquoi les journalistes vedettes et les chroniqueurs à la mode qui sont tous, sans exception, assujettis à l’impôt sur la fortune et au taux supérieur de l’impôt sur le revenu n’ont-ils pas déjà quitté le pays, au lieu de rester là à nous rebattre les oreilles de leurs lamentations sur le trop-d’impôt ? Apparemment ils trouvent quelque intérêt à rester. Car la fiscalité française n’est pas la machine à dépouiller les riches qu’on veut bien nous présenter.

D’autant que le cumul de l’ISF et de l’impôt sur les successions ne rapporte à l’État que 9 milliards d’euros par an chaque année, moins que la redevance télé, bien moins aussi que les 65 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises privées versées l’année dernière !

Depuis le début de son mandat, Chirac s’est montré généreux avec ses amis. La baisse d’impôt de 2007 par exemple est concentrée à 63 % sur les 10 % de français les plus riches, et les 1 % les plus riches en bénéficient à 30 %. Pierre Méhaignerie, président UMP de la commission des finances, que l’on ne peut soupçonner de sympathies pour l’extrême gauche, pouvait déclarer en 2005 : « J’étais de ceux qui pensaient que nous ne devions pas baisser l’impôt sur le revenu. Nous avons perdu ainsi 7 milliards d’euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures ». Au total, les 10 % les plus riches ont obtenu un abattement fiscal de 5,5 milliards d’euros. Le mécanisme n’est pas bien compliqué : les baisses d’impôts s’appliquent toutes à l’impôt sur le revenu, qui ne représente que 16 % des recettes. Or, c’est le seul impôt à taux « progressif », c’est-à-dire qui ponctionne plus lourdement les ménages aisés – on ne parle même pas de l’impôt sur la fortune, dont le produit est véritablement dérisoire (moins de 1 % des recettes en 2006). En revanche, la TVA représente la moitié des recettes de l’État. Les taxes à la consommation sont par essence injustes parce qu’elles frappent proportionnellement plus les pauvres, qui consomment tout leur revenu, faute de pouvoir épargner. Mais ce n’est pas la TVA que l’on diminue…

Quant aux comparaisons internationales censées dépeindre la France comme un enfer fiscal, l’économiste Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT, estime que la France « est l’un des pays développés où l’impôt sur le revenu et le patrimoine est le plus faible : on est 10 % au-dessous de la moyenne européenne, 30 % au-dessous des États-Unis  ». De plus, les comparaisons sont systématiquement biaisées, car dans chaque pays le système de prélèvements fiscaux et de cotisations est une usine à gaz, construite au fil du temps, avec ses particularités nationales. Ainsi dans tel pays les prélèvements apparaissent plus bas, mais en contrepartie les ménages doivent souscrire des assurances sociales privées, s’acquitter de droits d’inscription scolaires élevés ou encore payer un abonnement au ramassage des ordures. En France, même si certains prélèvements peuvent paraître élevés, les plus riches disposent de nombreux mécanismes leur permettant de les contourner en partie ou en totalité.

Les quelques exemples ci-dessous en donnent un aperçu.

Julien FORGEAT


Victoire des « gardiens de la niche »

Un seul article de la réforme fiscale de 2005 aurait pu léser un tantinet les riches : c’est le plafonnement des dépenses d’emploi à domicile donnant droit à la déductibilité de l’impôt sur le revenu, une des principales « niches fiscales ».

On le sait, sous prétexte de favoriser les créations d’emplois, l’État prend en charge à 50 % (sous forme de réductions d’impôts) les salaires versés aux femmes de ménages, gardes d’enfants, professeurs particuliers, etc. Il n’y a pas d’argent pour créer des places en crèche, mais il y en a pour subventionner l’embauche d’une nounou, mode de garde pourtant excessivement coûteux. L’Éducation Nationale supprime des postes, mais l’État subventionne les cours particuliers, engraissant au passage des intermédiaires géants tel Acadomia. Quant aux emplois créés, ils sont extrêmement précaires, à temps partiel, avec des temps de transport qui excèdent souvent le temps de travail proprement dit.

Un article de la dernière loi de finances sur les « niches fiscales » aurait dû plafonner le montant de ces réductions d’impôt à 8 000 euros par foyer fiscal plus 750 euros par enfant à charge, mais il a été censuré en janvier de l’année dernière par le Conseil Constitutionnel... saisi par les parlementaires verts et socialistes !

De Neuilly à Saint-Cloud et du 16e à Cannes on va donc pouvoir continuer à mener grand train de maison… sans oublier de dire merci à la gauche !


Nul devoir ne s’impose au riche…

Que de sollicitude de la part du gouvernement : depuis l’an dernier, les salariés n’ont même plus à se donner la peine d’inscrire le montant de leurs gains sur leur déclaration d’impôt. Celle-ci est préremplie : les services fiscaux recueillent ces données auprès des employeurs, de la Sécurité Sociale, des Assedic... Il est dommage que cette lumineuse idée n’ait pas été étendue à d’autres types de revenus : ainsi, les banques ou les organismes de placement collectifs pourraient très bien transmettre au fisc toutes les données relatives aux revenus de la propriété car ce sont eux qui gèrent les portefeuilles de titres. Quel dommage ! Le gouvernement avait pourtant l’occasion de dispenser les riches, déjà harassés par leurs tâches quotidiennes – dîners, golf et ventes de charité – de la corvée de la déclaration d’impôt.


Je simplifie, tu simplifies, il s’enrichit...

C’est ce mois-ci que les contribuables vont recevoir leurs formulaires de déclaration d’impôt sur le revenu, réformé l’an dernier par le gouvernement Villepin. L’impôt sur le revenu est depuis des années la cible de la plupart des réquisitoires contre la fiscalité française. Et pour cause, c’est un impôt progressif.

Sous prétexte de simplification, le gouvernement s’est livré à un habile tour de passe-passe : jusqu’ici, les salariés et les retraités bénéficiaient d’un abattement de 20 % dans le calcul de leur revenu imposable, ce qui minorait donc sensiblement leur impôt. La réforme supprime cet abattement en l’intégrant dans le barème : un salarié ne peut plus défalquer 20 % de son revenu imposable, mais les taux d’imposition qui lui sont appliqués sont plus bas. Une refonte purement technique, semble-t-il. Une escroquerie, en réalité : en intégrant l’abattement dans le barème, le gouvernement permet aux revenus de la propriété (intérêts d’obligations, dividendes d’actions, loyers, etc.) de bénéficier de cet avantage réservé jusque-là aux salariés. À cette occasion, le taux le plus élevé passe de 48,09 % à 40 % (sur les revenus perçus au-delà du 65 559e euro, après calcul du quotient familial).

Un jackpot inespéré : s’il y a bien un élu qui n’a pas trahi ses administrés, c’est Sarkozy, l’ex-maire de Neuilly !


20 ans de cadeaux aux plus riches

Taux d’imposition applicable à la tranche supérieure du revenu

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article