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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 4, juillet-août 1999 > DOSSIER : Travail précaire : les nouveaux habits de la surexploitation

DOSSIER : Travail précaire : les nouveaux habits de la surexploitation

Commerce : Grand rabais sur les conditions de vie et de travail

Mis en ligne le 1er août 1999 Convergences Entreprises

Temps partiel contraint et salaires de misère

Les 35 heures dans le commerce ? Beaucoup de salarié(e)s aimeraient y travailler autant. En effet le temps partiel contraint s’est largement développé quand le temps complet apparaissait de plus en plus comme un « privilège » des anciens. Jusqu’en 1980, le temps partiel ne représentait que 10 % des effectifs. Depuis les abattements de charges cumulés avec les exonérations sur les bas salaires sont passés par là, stimulant les patrons à faire de ces contrats la règle. Les grands magasins (Printemps, BHV,...) tournent avec environ 40 % de temps partiels, les magasins populaires (Monoprix, Prisunic...) avec près de 80 %. L’enseigne qui semble la plus protégée du secteur, la Fnac, l’a fait progresser de manière vertigineuse. Il est passé en moins de dix ans de 10 % à 30 % avec des pointes atteignant plus de 80 % aux caisses. Il a fallu pratiquement stopper les embauches à temps complet pour y parvenir. Inutile de rappeler qu’un temps partiel c’est un salaire d’autant plus partiel que les salaires plafonnent, pour l’immense majorité, au SMIC. Le personnel, en majorité féminin, est donc contraint de vivre avec un revenu mensuel équivalent à 50 ou 60 % du SMIC quand ce n’est pas moins puisque les contrats vont de quelques heures effectuées sur la journée du samedi ou en nocturne, à 30 heures.

Disponibilité maximum

Le corollaire de ces contrats précaires et de ces salaires de misère est la flexibilité des horaires. Certaines enseignes font travailler les salarié(e)s six jours sur sept, y compris pour des petits contrats de moins de 25 heures. Bien que le décret de 1937 d’application de la loi des 40 heures, qui prévoit deux jours de repos consécutifs dont le dimanche, soit toujours en vigueur, rares sont les salarié(e)s qui bénéficient de leurs week-ends, les plannings de travail même organisés sur cinq jours prévoient une journée, voire deux demi-journées de congés flottant dans la semaine.

Pour les patrons, 1e recours massif au temps partiel permet aussi, et surtout peut-être, de faire appel aux salarié(e)s quand ils le souhaitent, selon les aléas du commerce. Pas d’heures supplémentaires à payer jusqu’à la trente-neuvième heure, seulement des heures complémentaires non majorées. Malgré tout elles sont le plus souvent attendues pour boucler les fins de mois. Les contrats à temps partiel laissent à 1’employeur une souplesse confortable pour absorber les crêtes d’activité sans s’engager sur des horaires définitifs tout en maintenant les salarié(e)s dans une situation de demande et d’attente permanentes. L’horaire hebdomadaire n’est pas garanti, il dépend des besoins et du bon vouloir du patron.

Le ou la salarié(e), en situation de dépendance totale, devra se tenir prêt(e) en permanence pour répondre à une éventuelle sollicitation car un refus serait vite pris pour un manque de disponibilité, un signe de mauvaise volonté vis-à-vis de 1’employeur qui pourrait le sanctionner en « n’offrant » plus ces heures complémentaires si précieuses.

Si le temps partiel est la forme de précarité la plus répandue, elle n’empêche pas d’autres systèmes tout aussi contraignants : les intérimaires, les CDD et les stagiaires - non payés dans la plupart des cas ou à coups de quelques chèques cadeaux. C’est d’ailleurs le cumul de toutes ces formes de précarité lié à des amplitudes d’ouverture de plus en plus étendues et à des ouvertures de plus en plus fréquentes en nocturne, les dimanches et les jours fériés qui conduit de plus en plus à rompre la cohésion du personnel. Toute riposte devient alors de plus en plus difficile à organiser d’autant qu’aux différences de statuts il faut ajouter les horaires et les jours de travail tellement variables que des salarié(e)s d’un même magasin peuvent ne pas se connaître. De plus 1’obtention d’un CDI a temps plein qui reste 1’objectif de bien des précaires, implique un véritable parcours du combattant. On est bien loin du mois d’essai prévu par la législation. Les CDD ne sont renouvelés qu’à condition de répondre parfaitement aux « profils » définis par la hiérarchie. Même chose pour le passage en CDI qui se fait en règle générale à temps partiel. Le rare passage à temps complet ne se fera pas sur des critères objectifs (1’ancienneté du salarié et de sa demande) mais sur des critères parfaitement subjectifs établis par 1’employeur. Ce sont donc plusieurs années durant lesquelles il teste les capacités et la résistance du salarié ce qui implique un investissement professionnel sans borne, sans maladie, souvent sans congés payés, sans exigences salariales, horaires ou autres.

L’offensive continue

Non satisfaits de cette déréglementation sauvage, les patrons du commerce sont à 1’offensive pour faire tomber les quelques verrous qui existent encore. Ceux des magasins populaires et des grands magasins ont dénoncé - avant même 1’adoption de la première loi Aubry - des conventions collectives qui n’étaient pourtant pas des modèles. Ceux de la branche qui regroupe entre autres la Fnac, Darty profitent de 1’application des 35 heures pour tenter d’imposer 1’annualisation dans la convention collective nationale et pour supprimer la prime d’ancienneté. En bref, la loi Aubry leur permet d’accroître la flexibilité et la productivité dans un secteur où la précarité a progressé parallèlement aux bénéfices des quelques grands groupes. Dans ce contexte, pour que la réduction du temps de travail ne représente pas une nouvelle régression sociale, ne conduise pas à de nouvelles suppressions d’emplois alors que plus de 50 000 ont déjà été détruits en dix ans, il faudrait qu’une nouvelle réglementation s’impose limitant strictement non seulement le recours aux heures supplémentaires et complémentaires mais aussi aux CDD et aux temps partiels, cadrant les amplitudes d’ouverture de manière à protéger la vie sociale et familiale des salarié(e)s. Seule une telle démarche serait créatrice d’emplois. Mais on est ici bien loin de la voie prise par M. Aubpy pour sa deuxième loi.

Gaelle LUCY

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