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DOSSIER : Obama président, l’oncle Sam change de look... mais pas de cibles

Les bureaucraties syndicales, bons soutiers des Démocrates

Mis en ligne le 30 avril 2009 Convergences Monde

C’est sans doute dans le monde du travail que l’élection de Barack Obama a été portée par le plus d’espoirs et de ferveur. Joli tour de force de la vieille machine démocrate américaine : alors qu’on pouvait la croire aussi rouillée que les machines à voter du dix-neuvième siècle qu’on peut encore voir en Louisiane, elle a réussi à transformer le candidat d’un parti rompu à la gestion des affaires de la plus puissante bourgeoisie du monde en candidat des exploités. À moins que l’exploit exprime surtout la pénurie politique américaine, où la classe ouvrière n’a aucune organisation susceptible de défendre ses intérêts.

La campagne Obama a bénéficié du soutien sans faille des syndicats, l’AFL-CIO et sa scission de 2005, la coalition « Change to win » (« Le changement, pour gagner »). Cette alliance syndicats-Parti démocrate remonte aux années 1930 : depuis Roosevelt, les leaders syndicaux ont toujours prétendu trouver chez les Démocrates les politiciens les plus « favorables au Travail ». La collaboration a cependant rarement été aussi poussée que lors des élections de 2008, au sortir de huit années d’une administration Bush cyniquement anti-ouvrière. [1]

Avec les compliments de Warren Buffet et des métallos

C’est une habitude des syndicats américains d’arroser systématiquement les politiciens lors des élections. Celles de 2008 ont vu 56 millions de dollars passer des caisses syndicales à celles du Parti démocrate. Obama a pu ainsi bénéficier, à côté des cadeaux de ses amis milliardaires à la Warren Buffet, d’un certain nombre de cotisations de travailleurs... Le soutien est surtout politique : les syndicats incitent leurs membres à voter pour les candidats officiels. Téléphone, mail, courrier ou discours, tout l’appareil est mobilisé, de l’union locale au niveau national. L’activisme de l’UAW a ainsi été un ingrédient essentiel de la victoire d’Obama dans des États de l’automobile comme le Michigan ou l’Ohio.

Le fait qu’une part importante de la classe ouvrière américaine soit noire a évidemment facilité le soutien à Obama – même si localement les préjugés racistes des travailleurs blancs ont pu jouer de façon opposée. Mais d’une façon générale, les syndicats ont apporté leur soutien de façon très acritique au mieux placé des candidats démocrates. Lors des primaires, c’est d’abord Hillary Clinton qui a eu les faveurs de la majorité des chefs syndicaux. Le syndicat des camionneurs (Teamsters Unions), membre de la coalition « Change to Win » , fut le premier à soutenir Obama, en février 2008. C’est seulement après que le vent eut tourné dans les sondages que la majorité des directions syndicales se décida à laisser tomber Clinton.

Depuis son élection, Obama a fait quelques renvois d’ascenseur pour consolider l’union sacrée. Il a soutenu le Lilly Ledbetter Fair Pay Act , une loi contournant une décision de la Cour suprême qui limitait à 180 jours le délai accordé aux travailleurs pour se retourner contre leur employeur en cas de discrimination sexuelle. Il soutient aussi l’Employee Free Choice Act  : ce projet de loi, auquel il avait participé comme sénateur, devrait permettre de faciliter la syndicalisation et les élections professionnelles. Un coup de pouce aux hiérarchies syndicales surtout, puisqu’il crée un cadre juridique permettant l’affiliation passive des salariés, en l’absence de toute structure militante réelle.

De la cuisine et des luttes

Malgré la petite et grande cuisine des bureaucraties syndicales et leurs compromissions avec l’appareil démocrate, il reste évidemment des militants de base, organisés ou non dans les syndicats, susceptibles de mener des luttes sur les lieux de travail. L’automne dernier, alors que la Republic Windows and Doors Company de Chicago (portes et fenêtres) annonçait son dépôt de bilan, 240 salariés furent menacés de licenciement sans paiement des derniers salaires. Le 5 décembre, les travailleurs occupèrent l’usine. L’occupation fut organisée avec le soutien de militants de United Electrical Workers, un syndicat ayant une tradition radicale. Cette lutte eut un petit écho national et Obama se fendit de quelques mots de soutien, après quoi les patrons se dépêchèrent de débloquer un prêt pour payer les travailleurs et régler l’affaire. Six jours après le début de l’occupation, les travailleurs obtenaient leurs arriérés, avec deux mois d’assurance maladie.

Le 29 janvier, des milliers de profs défilaient à Los Angeles pour protester contre l’annonce de licenciement de 2 300 des leurs, au prétexte d’un déficit de 500 millions de dollars de leur circonscription scolaire. Les manifestants défilèrent derrière une banderole constatant : « Nouveau gouvernement, même vieille politique… Sans changement, pas d’espoir » .

Aussi isolés soient-ils, des mouvements comme celui des profs ou la grève de Chicago montrent pourtant que, même lorsque les syndicats se réduisent à de purs appareils gestionnaires des « intérêts des travailleurs », il peut exister en leur sein des militants pour organiser la lutte. C’est qu’à un moment ou à un autre, les travailleurs peuvent prendre conscience de leurs intérêts de classe et reprendre la lutte sur cette base. Alors que la violence de la crise pourrait rapidement dissiper les illusions en Obama, rien d’impossible à ce que de tels exemples finissent par convaincre à une échelle autrement plus large. C’est alors que l’extrême gauche, aussi faible soit-elle aujourd’hui (aucun groupe d’un poids significatif, ni d’extrême gauche, ni même de gauche n’est présent dans le monde du travail, sans parler de lui proposer une politique indépendante), aurait un rôle à jouer… À condition de se dépouiller de tout suivisme vis-à-vis des bureaucraties syndicales comme des démocrates.

Victor FRANKS


[1C’est plus généralement à l’union sacrée syndicat-patronat-administration présidentielle qu’on assiste, comme lorsque Ron Gettlefinger, secrétaire de l’UAW (« United Auto workers », syndicat des travailleurs de l’automobile), s’est joint aux patrons des trois plus grandes marques automobiles lors de leur visite à Washington pour aller demander 25 milliards de dollars afin d’ « empêcher la faillite des constructeurs automobiles et les terribles conséquences que cela entraînerait » .

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Numéro 63, mai-juin 2009