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Guadeloupe : et maintenant ?

Mis en ligne le 30 avril 2009 Convergences Monde

La grève générale qui vient de se dérouler en Guadeloupe tranche avec la plupart des combats ouvriers auxquels nous avons l’habitude d’assister ici en France. Cette lutte a été menée jusqu’au bout de ses possibilités, sans que ceux qui ont été à sa tête se soient à aucun moment retrouvés à jouer les pompiers de service, se mettant en travers de la combativité ouvrière, rôle auquel se complaisent habituellement les directions des grandes centrales syndicales et la gauche, dès qu’un mouvement prend de l’ampleur.

Deux raisons s’imposent comme explication. La première, la plus décisive sans laquelle rien n’aurait été possible, est l’élan et la combativité des travailleurs guadeloupéens eux-mêmes. La seconde, l’absence jusque-là de liens entre l’appareil d’État français et les militants qui se sont portés à la tête du mouvement notamment par Elie Domota, apparu comme le chef d’orchestre, des dirigeants de la CGTG et de la CTU, dont certains liés à des organisations révolutionnaires. Pour la CGTG, Jean-Marie Nomertin de Combat ouvrier (lié à Lutte Ouvrière en France). Pour la CTU, Alex Lollia du Cercasol (lié à la LCR/NPA en France). Le tableau est sans comparaison avec les Chérèque, Mailly ou Thibault, sans parler des dirigeants de la gauche politique. Le devant de la scène étant occupé par de tels militants, il ne restait, pour toutes les autres organisations guadeloupéennes qui ne voulaient pas se couper du mouvement, guère d’autre possibilité que de les suivre. Jusqu’à satisfaction de la plus importante des revendications des travailleurs, l’augmentation de salaire de 200 €, et la baisse d’un certain nombre de prix sous le contrôle de la population.

De même pour une certaine intelligentsia antillaise, qui avant le mouvement ou en son début, considérait que les revendications de pouvoir d’achat n’étaient pas l’essentiel, préférant mettre l’accent sur la dignité ou l’identité retrouvées. Devant la puissance du mouvement, tous ont fini par l’appuyer sur tous ses objectifs. Même un certain nombre de politiciens locaux liés aux appareils français de la gauche ont cru bon pour leur survie d’apparaître, au moins un temps, accompagner le mouvement.

Il reste, c’est évident, des problèmes importants qui découlent de l’héritage et du maintien des relations coloniales et du passé esclavagiste des « Antilles françaises ». Même Sarkozy a cru bon de le mentionner. Il est vrai que plus on monte dans l’échelle sociale et même dans la seule hiérarchie des salariés plus la couleur de peau vire au blanc. Que le mépris affiché par tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir à l’égard de la masse des plus pauvres est encore plus affirmé qu’en France. Que la proportion de pauvres et de chômeurs y est plus grande. Que l’économie est organisée en fonction des profits de quelques grandes sociétés dans lesquelles règnent pour la plupart les « Békés », et qu’elle conduit à la destruction des productions locales et de l’environnement. Le combat de ce point de vue est loin d’avoir pris fin avec la « départementalisation » de ces « possessions lointaines ».

Sur le terrain de classe

Mais contrairement à tous ceux qui auraient voulu que la grève générale se mue en un combat identitaire, et que dans le prolongement les travailleurs fassent bon marché de leurs revendications, celles-ci ont été maintenues jusqu’au bout. Le fait que la direction soit dans sa plus grande partie dans les mains de militants qui se disent « indépendantistes », n’était pourtant pas particulièrement pour nous rassurer. Il faut cependant reconnaître qu’Elie Domota ne s’est pas laissé enfermer dans le piège qui lui était tendu par tous ceux qui essayaient de le mettre en porte à faux avec le mouvement, prétendant que les travailleurs étaient instrumentalisés pour des buts qui n’étaient pas les leurs. À ceux des journalistes qui voulaient lui faire dire que le mouvement visait l’indépendance, il répondait que ce n’était pas le problème, que si lui avait des idées indépendantistes, il savait que son courant était très minoritaire dans la population, réaffirmant que ce n’était pas son objectif ni celui des grévistes dans ce combat.

Reste que ce sont des « nationalistes » qui y ont eu le plus grand poids et qui en sortent les plus renforcés. Cela peut à l’avenir poser des problèmes à tous ceux qui ne veulent pas d’une « union sacrée » entre les classes fussent-elles guadeloupéennes, mais veulent rester sur le terrain des intérêts des travailleurs, tant ceux des Antilles que du monde. La pression nationaliste, passée au second plan grâce à la mobilisation des travailleurs, peut refaire surface assez rapidement, car il ne manque pas de bourgeois, de petits bourgeois, d’intellectuels pour la porter. Ils sont nombreux à souhaiter que les travailleurs mettent leurs revendications en sourdine et leur faire admettre que pour avoir « leur pays », leur indépendance, il faut qu’ils fassent des sacrifices. En Amérique centrale, pour ne parler que d’un périmètre proche, il ne manque pas d’exemples de nationalismes de cet acabit.

C’est pourquoi il est d’autant plus nécessaire que l’organisation des travailleurs se renforce à la base, même si pour l’heure c’est dans le cadre du LKP, et que ceux-ci exercent leur contrôle. Et surtout que les révolutionnaires s’y battent pour leurs objectifs, ceux qui correspondent à la défense des intérêts de la classe ouvrière, guadeloupéenne, caribéenne, internationale.

Louis GUILBERT

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Numéro 63, mai-juin 2009

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