Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 15, mai-juin 2001 > DOSSIER : Les services publics ne sont pas une marchandise

DOSSIER : Les services publics ne sont pas une marchandise

Télévision : de la main-mise de l’Etat à celle des grands groupes capitalistes

Mis en ligne le 1er juin 2001 Convergences Société

En 1949 l’Etat crée la RTF (radiodiffusion et télévision française) puis en 1964 l’ORTF (office de la radio et de la télévision française) toujours placé sous sa tutelle.

La radio et la télévision sont en effet des monopoles étroitement contrôlés. La notion de service public sert de justification idéologique à ce monopole : le public aurait droit a une information que seul pourrait garantir l’Etat, garant de l’intérêt général (et de l’objectivité), seul capable aussi de mettre en œuvre des infrastructures extrêmement coûteuses (ce dernier aspect est évidemment plus tangible).

Dans les faits, la radio et la télévision servent de courroie de transmission au pouvoir. Du 25 mai au 12 juillet 1968, un mouvement de grève éclate dans l’institution. Les salariés de l’ORTF réclament la levée de la mainmise de l’Etat. Ils sont sanctionnés le 5 août par plusieurs licenciements [1].

De l’Etat au privé… avec l’aide de l’Etat

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 semble porter l’espoir d’une « démocratisation ». En fait, en cassant le monopole de l’Etat sur les radios et la télévision, Mitterrand est surtout préoccupé d’ouvrir ce domaine aux grands groupes capitalistes [2].

En 1984 la première chaîne payante, Canal +, est créé. En 1986 La Cinq, première chaîne privée généraliste commerciale, arrive sur les écrans sous le contrôle de Berlusconi et de Lagardère (elle cessera ses émissions en 1992). En 1986 c’est la naissance de M6, et en 1987 le gouvernement privatise TF1 en cédant 50% des parts au groupe Bouygues.

Le nombre de grands groupes ayant investi dans ce domaine est particulièrement restreint : Vivendi Communication (Canal +, Vivendi Universal et Cegetel) tient Canal + et canal Satellite (49% des parts), le groupe Lagardère (Matra, Hachette, Philipacchi, Europe 1) M6 et 51% des parts de Canal Satellite, le groupe Bouygues possède TF1 et une partie de Vivendi Communication, la firme Suez-Générale des eaux est propriétaire de TPS… Bref, plus on creuse et plus l’étau se resserre autour des mêmes.

Ces quelques groupes non seulement ont hérité des infrastructures payées par le public, mais ils ont aussi largement prospéré à l’ombre de l’Etat avant de s’attaquer au secteur de la communication : c’est le cas de Bouygues (BTP), Vivendi (distribution des eaux, BTP), Suez-Lyonnaise des Eaux (distribution des eaux, BTP), Lagardère (armement)… L’Etat vache à lait avait donc bien préparé le terrain.

La fin d’un monopole n’est pas le début de la liberté

Désormais rentables, la télévision publique comme la télévision privée sont financées pour l’essentiel par la vente d’espaces publicitaires. Ces média sont d’ailleurs davantage des supports pour les activités commerciales que des moyens d’information et de communication. Cette évolution devrait s’accentuer avec l’essor des chaînes payantes interactives (le spectateur pouvant communiquer, choisir, répondre, acheter, commander…) qui sont autant de promesses pour le commerce électronique, ce qu’anticipent déjà les cours de la bourse : les valeurs « média » flambent, télés inclues (TF1, M6, Canal +).

Avec la mainmise des grands groupes capitalistes et leur logique commerciale, l’époque où le ministre de l’information appelait directement sur une ligne spéciale le présentateur des infos est donc révolue. Mais cela n’empêche pas que tout soit passé à la moulinette de l’idéologie capitaliste et qu’au journal télévisé, ce soit le règne de la pensée unique. Quant à la plupart des émissions, leur médiocrité ou leur conformisme dénote surtout un réel mépris du public.

On est donc loin de ce que devrait être un véritable service public.

Lydie GRIMAL


[1Au chapitre des perles, il y a celle de Pompidou en 1972 : « Qu’on le veuille ou non -et je sais qu’il y en a qui ne me croient pas- le journaliste de la télévision n’est pas tout à fait un journaliste comme un autre. Il a des responsabilités supplémentaires. Qu’on le veuille ou non, la télévision est considérée comme la voix de la France et par les français et par l’étranger, et cela impose une certaine réserve. »

[2Avant cette réforme, et sans mettre en cause le monopole, l’ORTF avait déjà laissé la place en 1974 à six établissements autonomes : TF1, Antenne 2, FR3, TDF, la SFP, L’INA. Après avoir perdu leur statut, les salariés de la SFP subissent en 1979 une vague de licenciements sans précédant.

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article