Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 15, mai-juin 2001 > DOSSIER : Les services publics ne sont pas une marchandise

DOSSIER : Les services publics ne sont pas une marchandise

L’hôpital à la diète

Mis en ligne le 1er juin 2001 Convergences Entreprises

Pour le système hospitalier, l’heure de la « maîtrise des dépenses de santé » a sonné dans les années 1970. En 1983, c’est à la gauche que revint l’initiative d’enfermer chaque établissement dans un « budget global », enveloppe annuelle fixée à l’avance et irrévocable… même si les caisses de l’hôpital sont vides avant la fin de l’année !

Avec 240 milliards de francs de dotation globale et environ 600 000 salariés, l’hôpital public est une cible de choix pour les tenants de l’austérité budgétaire. Dans la première moitié des années 1990, les dépenses de santé du secteur hospitalier ont certes encore crû de 7% par an : un chiffre permettant à peine de faire face à l’accroissement de l’activité. Mais cette progression n’est plus que de 7% de 1995 à 2000 ! Des taux qui ne permettent plus de reconduire les moyens existants, compte tenu de l’inflation, des hausses de salaires dues à l’ancienneté, etc.

Le point ISA : une logique industrielle

Comment transplanter à l’hôpital les critères de rentabilité issus de l’entreprise privée ? Une réponse a germé dans l’imagination des bureaucrates du ministère de la santé : le point ISA (pour Indicateur Synthétique d’Activité). Un doux nom qui cache en fait un outil de mesure des coûts de production des actes médicaux. Illustration : au CHU de Toulouse, le point ISA est passé de 15F à 13F50 entre 1995 et 1999. Cela représente une baisse de 10% du coût moyen d’un acte quelconque. A la longue, de telles compressions de coût ne sont possibles qu’au détriment tant des conditions de travail du personnel que du confort et de la sécurité des malades.

Les autorités surveillent les efforts de productivité de chaque établissement comme le fait un constructeur automobile avec ses différents sites de production. Les bons élèves sont récompensés lors de l’attribution des budgets. Depuis les ordonnances Juppé de 1996, une Agence Régionale d’Hospitalisation (ARH) gère l’enveloppe budgétaire de chaque région. En 1999, par exemple, la région Midi-Pyrénées gagnait 1,1% : au terme de la répartition, si certains établissements récupéraient 2% (même pas de quoi maintenir le niveau d’activité de l’hôpital !), d’autre subissaient en revanche des coupes claires atteignant –5%.

Fermetures sauvages : dans le public aussi on restructure

Le modèle industriel ne serait pas complet sans les plans de restructuration : sans faire toujours autant de bruit que Danone, l’Etat multiplie les fermetures de lits, de services, quand ce ne sont pas des hôpitaux entiers qui passent à la trappe ! Un lit sur 15 (et les moyens correspondants…) a ainsi disparu de 1994 à 1999… Rien qu’en 1999, si on additionne les abandons d’activités, les fusions d’établissements, les reconversions et fermetures de lits, 330 projets de restructuration ont été lancés, concernant 80% des établissements : à l’arrivée, 15 000 lits supplémentaires auront disparu !

Les mauvais coups du gouvernement se parent de l’étiquette de la « rationalisation » : ainsi les maternités seront classées en trois niveaux, les niveaux inférieurs correspondant aux accouchements sans complication. Un bon prétexte pour fermer de nombreux petits établissements, condamnant du même coup les parturientes à effectuer de pénibles trajets.

Sur le même modèle, les réorganisations n’épargnent que les services d’urgences les plus importants. L’Ile-de-france est particulièrement touchée alors que l’activité des urgences progresse de 7% par an. La tension est telle que le retard à l’allumage du nouvel hôpital Georges Pompidou a suffi à provoquer une surcharge permanente des services d’urgences d’Ile-de-france avec des temps d’attente atteignant plusieurs heures !

Comme dans l’automobile, l’utilisation des équipements en continu est à l’ordre du jour.. Nouveau casse-tête pour les urgences : s’il faut rentabiliser chaque lit à 100%, comment faire face à un soudain pic d’activité ? Il faut parfois des heures pour orienter un malade vers un lit. Et on ne tardera pas à le prier de déguerpir !

C’est justement des urgences qu’est parti le mouvement des hospitaliers début 2000. Martine Aubry a eu beau jeu d’annoncer 10 milliards de crédits supplémentaires sur 3 ans : une somme qui ne représente même pas 1% des budgets hospitaliers annuels. Et encore, faute de places en écoles d’infirmiers, les nouveaux emplois restent-ils bien souvent vacants !

Des opportunités pour le secteur privé

L’austérité à l’hôpital public fait le bonheur des vautours du secteur privé de la santé. Ainsi, des communautés d’établissements se mettent en place entre des établissements publics et des cliniques privées : médecins libéraux et cliniques accèdent ainsi aux infrastructures lourdes financées par le contribuable… Grâce aux « rationalisations », les cliniques s’arrogent les secteurs rentables (comme la chirurgie, en particulier ambulatoire, c’est à dire sans hébergement), tandis que l’hôpital public hérite des urgences, de la médecine, des patients lourds : toutes les activités déficitaires. Sans surprise, on voit des dizaines de cliniques passer sous la coupe de quelques trusts comme la Générale de santé, liée à Vivendi…

Adieu l’époque de la clinique tenue par des médecins, pratiquant toutes les activités : ce sont de plus en plus des groupes capitalistes, vivant en sangsues sur le dos de l’hôpital public, et obtenant de l’Etat, dans chaque région, les activités les plus juteuses. Que le service public assume à perte des activités indispensables à la population, rien que de très naturel, excepté quand les pertes en question sont dues au parasitisme d’intérêt privés…

Michel CHARVET

Mots-clés :

Imprimer Imprimer cet article