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DOSSIER : Douce pour les profits, salée pour la population : le scandale de l’eau

Pour une bonne gestion de l’eau

Mis en ligne le 10 novembre 2005 Convergences Société

Assurer l’accès de tous à l’eau potable est certainement la première des tâches de la collectivité. Vu même l’importance de cette eau pour la vie, on pourrait presque dire encore plus qu’à l’électricité, au gaz, au téléphone, aux transports, aux hôpitaux ou à l’école, pourtant tous services absolument indispensables à chacun dans le monde moderne. La notion de rentabilité devrait être bannie à leur propos, ce qui signifie, condition nécessaire même si elle n’est pas toujours suffisante, qu’ils devraient être assurés par l’autorité publique. Ce n’est bien sûr pas le cas, et de moins en moins d’ailleurs, dans ces temps d’offensive généralisée du privé contre tous les services publics.

Retour au public ?

L’eau n’est pas une marchandise, affirment, à juste titre, les tenants d’une « autre mondialisation ». C’est pour l’instant plus un vœu qu’une réalité.

Des militants de l’ACME (Association pour le contrat mondial de l’eau), par exemple, sont actuellement engagés dans une campagne visant au retour en régie municipale de la distribution de l’eau. Et, dans un certain nombre d’endroits, comme à Cherbourg, Neufchâteau dans les Vosges, ou encore à Palais-sur-Vienne, près de Limoges, la distribution de l’eau est déjà revenue dans le giron public, après avoir été confiée pendant des années au privé.

Mais, s’il n’y a en effet aucune raison de permettre à des trusts de s’engraisser sur un service comme la distribution de l’eau, aussi essentielle que l’air que l’on respire, la remunicipalisation constitue-t-elle pour autant la solution aux problèmes ? Elle semble certes frappée au coin du bon sens ; elle semble aussi être un combat plus simple à gagner qu’une lutte généralisée contre le système capitaliste.

Pourtant l’expérience montre que le problème dépasse l’échelon municipal. Les nombreux cas d’interdiction de consommation de l’eau du robinet, qu’elle soit distribuée par le privé ou le public, attestent la difficulté d’offrir une eau de bonne qualité aux consommateurs. La pollution des nappes phréatiques, due en particulier à l’agriculture intensive et aux comportements pour le moins insouciants, voire criminels, des industriels, nécessitent de plus en plus d’assainissements. Les collectivités locales doivent effectuer des investissements de plus en plus lourds pour distribuer de l’eau potable aux usagers. Ces dépenses dépassent souvent les budgets des communes, qui, bon gré mal gré, se déchargent sur ces trusts tentaculaires qui ont les capitaux pour les investissements nécessaires. Ce sont ces capitaux, ceux des pollueurs de toutes sortes comme ceux des compagnies des eaux, qu’il faudrait réquisitionner et utiliser pour mettre en place des réseaux de distribution permettant de satisfaire les besoins actuels ou nouveaux.

Tant que de telles mesures ne seront pas imposées, c’est toujours le consommateur qui est mis à contribution, soit en tant qu’abonné à la compagnie privée qui gère le réseau, soit en tant que contribuable que la mairie doit bien taxer, qu’elle le veuille ou non, pour pouvoir entretenir ou moderniser le réseau. Aussi, même dans le cas d’une remunicipalisation, la population n’y gagne pas forcément : à Cherbourg par exemple, le prix de l’eau n’a absolument pas diminué depuis que sa distribution est redevenue entièrement publique.

Le même problème à l’échelle du monde

Le courant altermondialiste mène campagne pour de « l’eau pour tous » à une échelle bien plus large que celle de la re-municipalisation. Il a mis en place un Forum alternatif mondial de l’eau (FAME), dont le but est de faire pression sur les gouvernements pour que l’accès à l’eau potable soit inscrit comme un droit fondamental dans les constitutions nationales. « Les citoyens auront alors les moyens de se retourner contre les gouvernements qui ne respectent pas cet engagement vital », espère la canadienne Maude Barlow, l’une des principales animatrices de la campagne mondiale « de l’eau pour tous ». Et le FAME peut en effet mettre en avant quelques succès : l’Uruguay, par exemple, où l’accès à l’eau a été inscrit dans la constitution au rang des droits humains fondamentaux.

Ce courant rêve même de voir mise sur pied une convention internationale adoptée par les Nations unies qui garantirait le droit à l’eau. Ces propositions sont censées enrayer les dérives dites « libérales » du capitalisme mondial. Mais, depuis deux siècles, combien de déclarations solennelles, de conventions internationales, de constitutions nationales ont prétendu garantir des droits, et bien d’autres que ceux « de l’eau pour tous », droits à la liberté, l’égalité ou la fraternité par exemple ? Avec quels résultats quand les masses n’étaient pas mobilisées pour les faire respecter ?

Le contrôle de la population

Il est bien sûr logique, normal, minimum, que la distribution de l’eau soit gérée par la puissance publique et non confiée à des intérêts privés. Et nous soutenons sans réserve tous ceux qui s’opposent aux privatisations des services publics au bénéfice de sociétés privées qui n’ont qu’une chose en tête : le profit maximum, au détriment du service rendu. Il n’est en effet pas normal qu’après avoir dépensé des sommes considérables pour construire, entretenir les infrastructures nécessaires à la distribution de l’eau, avec l’argent public, la collectivité transfère les profits au privé, tout en continuant d’assurer d’ailleurs la plupart du temps une part de l’entretien et les investissements lourds. Car il s’agit le plus souvent d’un « partenariat très spécial » : les dépenses encore en partie pour le public, les profits en totalité pour le privé !

Nous sommes pour que les services publics soient gérés par la collectivité mais il ne suffira pas pour cela d’arracher leur gestion au privé. Pour en faire de véritables services publics, il faudra que la population exerce son contrôle. Le passé a en effet suffisamment montré qu’une nationalisation ou une municipalisation ne faisait pas pour autant un service public digne de ce nom. Il n’est qu’à voir la lente dégradation de la SNCM, dernier exemple récemment mis en lumière dans l’actualité, gérée par l’État mais laissée à l’abandon pour que puissent prospérer des compagnies privées.

On ne peut demander à l’État au service des capitalistes de veiller aux intérêts de la population. Ce sera à cette dernière d’exercer un contrôle sur l’utilisation des fonds publics et sur les décisions prises (en attendant d’exercer un contrôle sur toutes les entreprises et toute la production, l’eau comme les autres). C’est ainsi seulement qu’on pourra arrêter le jeu de yo-yo de ces services renfloués - lorsqu’ils vont mal ou lorsqu’ils ont besoin d’investissements lourds - avec l’argent des salariés, et cédés au privé lorsqu’ils deviennent juteux. C’est alors seulement que l’eau ne sera pas une marchandise.

Laurence VINON

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