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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 98, mars-avril 2015 > SNCF

SNCF

Le message de la direction de la SNCF : NIP ta mère !

Mis en ligne le 23 mars 2015 Convergences

La com’ est le seul budget en hausse dans toutes les branches du transport ferroviaire. Dans les bureaux, on invente de nouveaux concepts pour quantifier les galères des usagers : l’échelle « NIP », comme « niveau de perturbation ».

NIP-1 : un sous-effectif planifié

À la vente sur la Ligne C en banlieue parisienne, les chiffres sont tombés : 10 000 journées de travail n’ont pas été « tenues » l’an dernier. En cause, les congés et maladies non remplacés, mais surtout les postes « figés », qui n’ont pas disparu des tablettes mais pour lesquels personne n’a été embauché. Un des nombreux trucs de la direction pour minimiser les suppressions de postes annuelles. D’ailleurs, rien qu’à la vente, les chiffres officiels, c’est moins 2 000 cette année ! À Lyon, le grand projet, c’est la « mutualisation » des services des gares de Perrache et de Part-Dieu. Mutualisation, un synonyme de « suppressions de postes » : moins 18 !

Maquiller les chiffres et les mots, en espérant qu’ils masquent la réalité qu’on vit tous les jours : de jeunes loups aux dents longues doivent y passer du temps. Comme ce jour où ils nous annoncent que le taux de refus de congés est au plus bas, alors qu’il est devenu périlleux d’en obtenir au mois d’octobre ! En revanche, sur une semaine posée, ils acceptent tous les jours... sauf mardi et mercredi ! Ou alors, c’est ton chef de secteur en personne, une huile, qui t’appelle sur ton « Pépy-portable » pour te le demander gentiment : « tu voudrais pas changer tes dates ? »

NIP-2 : la précarité pour intimider

Dans certains services, notamment à l’accueil dans les gares, on compte maintenant un tiers de collègues précaires. Intérim, CDD, et maintenant « emplois d’avenir ». « De la main d’œuvre gratuite », se vante un directeur d’établissement en réunion de délégués du personnel. Peut-être en espérant nous embarquer dans son discours sur « la grande famille cheminote », comme si le fameux « statut », qu’on partage, mais sans être au même degré de l’échelle sociale, nous rendait plus proches de lui que de nos camarades de galère... Ce n’est pourtant pas pour nos patrons qu’on verse notre petite larme quand, au bout de quelques mois, nos camarades en CDD nous quittent !

À Lyon aussi, on ne compte plus les collègues précaires. Mais, à force d’enchaîner les contrats, ils ne se laissent plus faire et sont maintenant en pointe de la contestation. Pendant que certains « anciens », pleins d’expérience mais parfois un peu amers, attendent sans trop y croire une pré-retraite « à la France Telecom », c’est la jeunesse, même fragilisée par la précarité, qui commence à revendiquer. Certes, la progression de l’UNSA et de la CFDT, avec une politique ouvertement pro-direction, a de quoi inquiéter. Mais le potentiel existe pour la contrebalancer.

NIP-3 : désorganiser le travail pour mieux l’intensifier

On ne sent même plus les suppressions de postes. Car le poste est supprimé après avoir été vacant pendant des semaines, voire des mois. Cette pression permanente du sous-effectif, la direction s’en sert pour modifier en profondeur nos conditions de travail. Dans les gares de RER en banlieue parisienne, on inaugure les « Guichets multi-services ». Fini le petit salon Grandes Lignes : aujourd’hui, il faut s’adresser au guichet banlieue, sauf aux heures de pointe et pendant les jours de renouvellement des cartes orange. Le bazar ? Oui : nous, les vendeurs, on est là pour essuyer les plâtres.

« Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ». La direction fait encore moins dans le détail : la rage, elle l’inocule. Nos tout jeunes collègues nous le disent : dans quelques années, il n’y aura plus de guichets. La direction le leur a appris pendant leur formation. Dès aujourd’hui, dans les petites gares de banlieue, on nous impose de sortir des guichets aux heures de pointe, debout au milieu des usagers avec une casquette pour servir de piñata pendant les perturbations. On se serrera les coudes avec nos collègues contrôleurs et agents d’accueil ! En attendant, on nous sert le « projet switch ». Avec une formation de deux jours, on est habilité à descendre sur les voies pour chercher les portables que les voyageurs ont fait tomber. Deux jours pour une formation de sécurité ferroviaire... Les aiguilleurs et les collègues des voies pâlissent. Mieux : on pourra aussi déneiger les quais. Avec des pelles qui font notre taille. Enfin, on ne manquera pas d’occupation.

À l’aiguillage ou chez les roulants, pas de CDD, ni d’intérim. La formation est encore trop longue malgré de nombreuses tentatives pour la raccourcir. On supprime donc des trains et des lignes. On teste la « conduite à agent seul », c’est-à-dire le train sans contrôleur. Chouette ? se dit l’usager pris à la gorge par les hausses de tarif. Non, les contrôles seront au contraire systématisés, à quai, avant l’embarquement. Ce sont les nombreuses missions de sécurité à bord du train – qui sont bien plus prioritaires, pour les mal nommés contrôleurs, que la verbalisation des fraudeurs – qui seront abandonnées.

Après des années sans aucun entretien, il est impossible de ne pas engager de travaux sur le réseau. Ils se multiplient partout et deviennent quotidiens... à effectifs constants dans les postes d’aiguillage ! Alors on ferme certains postes sur voies de services, on revient aux méthodes du XIXe siècle, avec des camarades debout, en extérieur, le long des voies, qui actionnent de temps en temps une aiguille avec un levier...

NIP-4 : un risque désormais « calculé »

Mais surtout, l’encadrement pousse à « l’efficacité » au détriment de la réglementation. Faut que ça roule, faut que les travaux se fassent... coûte que coûte. La seule chose qui les ralentisse dans leur course folle, ce sont les collègues qui font respecter la réglementation. On aura toujours le droit de ne pas appliquer une consigne contraire à la sécurité ferroviaire.

Cette multiplication des travaux, surtout de nuit, dans des plages horaires très courtes, entraîne des accidents parfois mortels. De nombreux collègues, souvent salariés de sous-traitants, y laissent leur peau ou un de leurs membres. Mais la préoccupation de Pépy, c’est que nous coûtons encore trop cher. Pour les cheminots qui travaillent sur les voies, une journée dure au minimum 5 h 30, suivant la réglementation actuelle. Mais lors des travaux de nuit, entre le dernier et le premier train, il s’écoule à peine quatre heures. La direction veut faire tomber ce taquet et nous faire travailler seulement quatre heures par nuit, mais sur davantage de nuits, entre 2 et 6 heures. C’est bon pour les profits, mais pas pour la sécurité !

À Paris Saint-Lazare, il y a deux semaines, un collègue du nettoyage est mort pendant son service. Retrouvé sur les voies. Réaction de quelques collègues fatalistes : « C’est la sous-traitance ! » Et c’est vrai que les salariés des sous-traitants sont plus exposés aux accidents du travail. Mais ceux qui mettent la pression, aux cheminots comme aux sous-traitants, sont à la direction de la SNCF.

NIP-5 : on remet ça, mieux qu’en juin !

La réforme ferroviaire, votée le 4 août 2014 à l’Assemblée nationale, entre progressivement en vigueur. Déjà nos fiches de paye indiquent que notre employeur a changé, SNCF Mobilités pour les uns, SNCF Réseau pour les autres. Mais la menace qui plane, c’est la convention collective ferroviaire. En effet, la réglementation du travail à laquelle les cheminots de la SNCF sont actuellement soumis sera automatiquement abrogée le 1er juillet 2016. À cette date, les négociations entre patronat du ferroviaire et syndicats devront avoir abouti à une convention collective, agrémentée éventuellement de divers accords d’entreprise.

Ces longues discussions, dont quasiment rien ne filtre, visent à tenir les collègues en haleine. Si personne n’a l’illusion que la nouvelle convention collective pourrait produire une réglementation du travail plus favorable, on attend de voir l’ampleur des dégâts. Combien de congés perdus ? À quel point les plannings de travail pourront-ils être aggravés ? Pendant ce temps, la casse des emplois continue. Et les quelques protections offertes par la réglementation du travail deviennent inapplicables du fait du sous-effectif.

Il n’y a rien à attendre de ces négociations. Les dirigeants syndicaux qui s’y plient participent à cette opération de mystification des cheminots et n’ont qu’une chose en tête : les intérêts de leur petit appareil syndical, le nombre de postes de permanents offerts par la SNCF et les moyens qui vont avec. Pas une fédération ne manque à l’appel de la direction : UNSA, CFDT, CGT et Sud.

Mais les cheminots ont les moyens de bousculer ce petit jeu bien rodé. Les jeunes grévistes de juin, qui ont su dynamiser quelques AG, donner des couleurs aux cortèges de grévistes et dont l’énergie a permis de prolonger la grève au-delà de ce que les dirigeants syndicaux avaient prévu, ne sont pas démoralisés et attendent de pied ferme la « deuxième manche ». Et, parmi les collègues qui n’avaient pas compris l’enjeu de la grève de juin, nombreux sont ceux qui réagissent face aux conséquences destructrices de la politique de la direction.

12 mars 2015

L., aiguilleur et V., vendeur

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