Latelec (aéronautique, Toulouse) : La valse des accords
Mis en ligne le 29 mars 2021 Convergences Entreprises
En décembre 2020, les salariés du site Latelec de Labège, dans la banlieue toulousaine, s’étaient mis en grève pour protester contre le projet de la direction de supprimer 130 à 160 postes dans un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), plan bien mal nommé. Ce projet de PSE était d’ailleurs en débat depuis septembre, et les salariés de cette filiale de Latécoère s’étaient déjà mis en grève une journée au mois d’octobre, lors du début des négociations, pour protester. Les journées de grève de décembre ont été principalement à l’initiative des salariés de la base qui, devant la complaisance des représentants syndicaux face aux plans de la direction, ont exprimé leur colère collectivement.
De l’argent, il y en a !
L’excuse de la direction pour supprimer massivement des emplois est que les temps sont durs pour le secteur aéronautique et qu’ils préfèrent licencier que faire couler l’entreprise. Latelec avait déjà grandement réduit ses effectifs en mettant fin aux contrats des intérimaires : depuis janvier 2020, 400 intérimaires avaient été renvoyés. Mais cela ne suffisait pas encore à la direction, qui a donc lancé un PSE. Elle utilise le prétexte de la crise sanitaire pour réduire les effectifs, mais elle a quelques pactoles cachés sous le matelas : déjà durant l’été, l’entreprise avait bénéficié de 60 millions d’aides de l’État. Et son principal commanditaire, Airbus, a eu droit quant à lui à 15 milliards d’aides de l’État, et son carnet de commande reste bien fourni. En février 2021, Latécoère, l’entreprise mère de Latelec, a finalisé un accord de rachat des sites de câblage et d’interconnexion de Bombardier au Mexique pour 45 millions d’euros. Et, en mars, Latelec a lancé un plan d’investissement de 20 millions d’euros pour moderniser un autre site de production situé à Liposthey, dans les Landes. On le voit, les fonds ne manquent pas…
Un pas en arrière de la direction, trois pas en avant…
Finalement, après quatre jours de grève et de rassemblements en décembre, la direction a reculé et suspendu le PSE. Elle n’a cependant pas renoncé à supprimer un maximum d’emplois et a sorti d’autres astuces de son chapeau : un accord d’activité partielle longue durée (APLD) a été mis en place en janvier, avec du chômage partiel géré en fonction des besoins de l’entreprise pour la production. De plus, en mars, viennent d’être signés (seule la CGT a refusé) un accord de performance collective (APC) et un accord de gestion des emplois et parcours professionnels (GEPP). Ce beau charabia d’acronymes signifie en fait des changements d’horaires avec des passages en 2 × 8, ainsi que la suppression des congés d’ancienneté pour l’APC. En ce qui concerne le GEPP, qui encadre de possibles départs, cela ressemble un peu à un parcours du combattant pour ceux qui voudraient partir, avec en plus des indemnités de rupture au rabais ! Et celles et ceux qui refuseraient le passage en 2 × 8 – difficile, voire impossible, lorsque l’on a une vie de famille ou que l’on n’a pas de véhicule –, peuvent être licenciés avec seulement un mois de salaire d’indemnité supra légale.
Loin d’être des solutions « consensuelles », ces mesures ont été conçues dans les hautes sphères de la direction, de manière à économiser le maximum d’argent sur le dos des travailleurs, sans que ceux-ci ne soient vraiment consultés par les négociateurs syndicaux. Bien au contraire, les informations ne circulent pas du tout, et le flou a été entretenu par la direction et certains délégués syndicaux.
Ce n’est pas aux travailleurs de payer
Cette situation est à l’image de celle du secteur aéronautique, dans lequel les licenciements et mesures contraignantes pleuvent, avalisés par des responsables syndicaux. Tout cela, y compris les subventions touchées de l’État, se fait sous couvert de la crise sanitaire : un bon prétexte pour habiller de pures réorganisations de la production afin d’être dans la meilleure position possible quand les vols reprendront et que l’aéronautique se portera mieux… Si les vols reprennent au même niveau qu’avant la crise sanitaire, ce que personne ne sait !
Les travailleurs, pas plus à Latelec que dans les autres entreprises, ne possèdent pas le confortable matelas de capitaux de leurs patrons et des banques pour tenir jusqu’à la fin de la crise ! Il n’y a aucune raison qu’ils payent pour une situation dont ils ne sont pas responsables. Les patrons de Latelec et Latécoère ont largement fait des profits les années précédant la crise, profits qu’ils ont recyclés dans le système bancaire. Les patrons et les banques n’ont qu’à prendre sur ces profits pour maintenir les emplois de tous les travailleurs.
25 mars 2021, Correspondants
Mots-clés : Aéronautique