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Italie : L’avortement, un droit de plus en plus nié dans les faits

26 janvier 2023 Article Monde

Lors d’une récente émission télévisée, à la question : « L’avortement est-il une liberté pour les femmes ? » la ministre de la Famille, Eugenia Rocella a répondu « Malheureusement oui », tout en disant défendre la loi 194 de 1978, « une loi équilibrée », selon elle.

En Italie, d’après la loi 194, une femme peut demander une interruption volontaire de grossesse, au sein d’une structure hospitalière conventionnée dans sa région, au cours des 90 premiers jours de gestation pour des motifs de santé, économiques, sociaux ou familiaux.

Selon la loi, il faut cependant accepter un entretien préalable, ayant pour but d’examiner les motifs de la demande d’IVG et respecter un délai de « réflexion » de 7 jours avant d’obtenir un certificat l’autorisant. Cette procédure est appliquée de façon plus ou moins contraignante selon les hôpitaux et les régions, raison pour laquelle dans son programme, le parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia demande « la stricte application de la loi 194 », en particulier en ce qui concerne le délai de réflexion.

Les femmes victimes de politiciens et d’une caste médicale réactionnaires

La loi prévoit, en théorie, que des services IVG doivent être accessibles dans toutes les structures hospitalières. Mais, elle donne surtout la possibilité au personnel médical de refuser de pratiquer les avortements en invoquant une prétendue « objection de conscience ». Et, en Italie, près de 70 % des médecins se déclarant « objecteurs », bien qu’inscrit dans les textes, le droit à l’IVG est de plus en plus nié dans les faits.

Selon une enquête, de l’association Luca Coscioni auprès de 180 structures hospitalières, fin 2021, 31 avaient un taux de 100% du personnel (gynécologues, anesthésistes et infirmières) refusant d’effectuer des avortements. Dans 50 établissements, ce taux est de 90%, et dans 80 autres, il est supérieur à 80%.

Cela fait que, dans des régions entières, il est presque impossible de trouver un hôpital avec un service d’IVG. La situation est particulièrement grave dans le sud du pays.

Des exemples parmi beaucoup d’autres :

Dans la région de Molise (310 000 habitants), sur trois hôpitaux, un seul a un service IVG. Sur 27 gynécologues, uniquement 2 (dont une à temps partiel) acceptent de faire des IVG.

En Sicile, sur 57 services de gynécologie, seulement 31 pratiquent l’IVG, parce que 82% des médecins concernés sont « objecteurs ».

Dans les Pouilles : sur 340 gynécologues, 280 refusent de pratiquer l’avortement, et dans les structures privées accréditées par la région sur 42 gynécologues, 37 sont objecteurs.

En Calabre, 68 % des gynécologues se déclarent objecteurs, le dernier qui acceptait de pratiquer l’avortement à l’hôpital de Cosenza (chef- lieu de la Province) a annoncé publiquement, en juillet dernier, qu’il renonçait à s’occuper du service IVG, dénonçant « le manque de respect de la dignité des patientes, mais aussi de la mienne en qualité de professionnel abandonné à lui-même » .

Une situation qui empire

Les raisons pour lesquelles un grand nombre de médecins se déclarent objecteurs ne sont pas seulement « morales ». Beaucoup craignent leur stigmatisation au sein de l’hôpital, ou des difficultés pour faire carrière, du fait qu’un grand nombre de chefs de service sont opposés à l’avortement.

Souvent des jeunes médecins finissent par renoncer à pratiquer des IVG (11% de médecins en moins au cours des dix dernières années).

Les multiples obstacles que les italiennes doivent affronter pour pouvoir avorter font que ce droit est nié concrètement. Et bien sûr, l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement ne peut qu’empirer la situation, en favorisant, par exemple, l’intrusion des mouvements « pro-vie » dans les structures publiques.

En Italie aussi, il faudra continuer à se battre pour le respect du droit à l’IVG, et faire qu’il ne soit pas reconnu seulement sur le papier.

26 janvier 2023, Thierry Flamand

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