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États-Unis

Covid 19 : Les priorités du gouvernement américain ne peuvent être plus claires

22 mars 2020 Article Monde

Traduction d’une contribution en date du 19 mars, de nos camarades américains du groupe Speak Out Now

Confrontées au coronavirus – sans savoir la portée exacte ni la durée possible de cette inquiétante pandémie – les priorités du gouvernement américain sont on ne peut plus claires. L’une d’elles a été de soutenir et de protéger la santé financière des grands groupes et des banques. Dès le début, nos gouvernants ont été surtout préoccupés de prendre langue avec les experts financiers pour discuter de la bonne santé de la Bourse, beaucoup moins d’échanger avec les médecins et les épidémiologistes sur l’état de santé de la majorité de la population américaine.

Au lieu de mettre au premier plan la collaboration des médecins et des scientifiques pour apporter une réponse à la pandémie, Trump a préféré se mettre en scène. Dans ses points de presse quotidiens il a commencé par affirmer qu’il faisait un travail remarquable. Puis le vice-président Pence, et un panel choisi de médecins et de scientifiques à sa botte, ont d’abord encensé le « leadership » de Trump avant de bafouiller quelques vagues explications sur la réponse des autorités à la situation actuelle. Trump n’a cessé de mentir, de minimiser la dangerosité du virus, de répéter que des tests étaient mis à disposition de tous alors que rien de cela n’était vrai. Il n’a assumé aucune responsabilité pour l’impréparation crasse qui a précédé l’arrivée de la pandémie. À la place, il a préféré blâmer la Chine, voire accuser les Démocrates de faire de l’intox.

Le système de santé des États-Unis n’était pas préparé à faire face à cette crise

Les décisions des compagnies privées d’assurance médicale se prennent en fonction du schéma le plus profitable pour elles et non d’un impératif de santé publique. 37 millions de personnes ne sont couvertes par aucune assurance santé. Des millions d’autres prennent une couverture santé minimale, ce qui signifie qu’elles doivent s’acquitter d’une partie des coûts et en être de leur poche. Et même les personnes bénéficiant des meilleures couvertures médicales doivent attendre un temps considérable pour consulter un médecin, être sur le planning pour être opéré ou bénéficier d’un traitement quelconque.

Aujourd’hui, même en temps normal, la plupart des hôpitaux américains manquent de personnel, de matériel adéquat, d’équipement et de lits en nombre suffisant. En Californie, depuis 2008, les dépenses publiques de santé ont été sabrées et sont en recul de 18 %.

L’administration Trump a accéléré les ponctions budgétaires et de personnel au sein des agences fédérales qui supervisent les secteurs de la santé et la veille des procédures d’urgence sanitaire. Et, à l’heure actuelle, avec la perspective d’être confronté à des dizaines ou des centaines de milliers de nouveaux malades, le système médical de santé américain est en crise. La solution évidente aurait été de corriger ces lacunes et de développer rapidement, à l’échelle nationale, une réponse à la crise. Cela aurait signifié centraliser et coordonner l’ensemble des ressources sur tout le territoire afin de faire face, avec une efficacité maximale, aux besoins et nécessités qui se font jour localement.

La réponse gouvernementale : trop peu, trop tard

Mais on a fait exactement le contraire. L’administration Trump a trainé les pieds, niant d’abord qu’il s’agissait d’un vrai problème. Mais lorsque le nombre de morts a commencé à grimper aux États-Unis et dans le monde entier, elle ne pouvait plus se voiler la face. Pendant des semaines l’administration Trump a été incapable de mettre en avant des propositions ou des directives précises. Même quelque chose d’aussi simple que la « distanciation sociale » était trop complexe pour le « conseil national de réflexion » du Président. Et lorsque quelques agences publiques de santé ont fait annuler des concerts et autres importants rassemblements, le gouvernement fédéral a affirmé alors que les rassemblements de plus de 25 personnes étaient interdits, chiffre qui tomba à 10 personnes le jour suivant. Et en ce qui concerne le soutien accordé aux différents États et collectivités locales, il a fallu attendre le 18 mars pour que Trump annonce le déblocage des réserves fédérales d’équipements médicaux. Mais cette annonce ne fut accompagnée d’aucune proposition concrète sur la manière dont ces équipements devaient être distribués et répartis.

Il est impossible d’apporter une réponse efficace à cette pandémie tant que l’étendue et le niveau d’infection restent inconnus. Trump a minimisé la nécessité du dépistage, en affirmant que cela n’était pas vraiment nécessaire. Il en a fait la démonstration en refusant lui-même un test, alors même que l’on avait appris qu’il avait été en contact avec au moins une personne infectée. Puis il devint clair pour tout le monde que se faire tester était essentiel – avec l’annonce de nouveaux décès dus au virus et la nouvelle qu’un bateau de croisière, qui mouillait au large des côtes de Californie avec plusieurs milliers de personnes à bord, avait des passagers infectés par le virus.

Mais pratiquement aucune campagne de tests ne fut ordonnée, ni ne commença. Il était alors limpide que l’on manquait de kits de tests. Les seuls tests étaient effectués par le biais du Centre national pour le contrôle et la prévention des maladies [CDC – situé à Atlanta, en Géorgie]. En réponse au manque de matériel adéquat pour tester la population, dans quelques régions où l’épidémie sévissait, comme celle autour de Seattle, dans l’État de Washington [sur la côte Pacifique, au nord de la Californie], les laboratoires des hôpitaux et des universités ont commencé à fabriquer et utiliser leur propre matériel de dépistage. Finalement, à la mi-mars, les tests de confirmation (utilisés pour déterminer la propagation de l’épidémie) n’avaient plus besoin de l’accord du CDC pour être utilisés. Et à la date du 17 mars, sur l’ensemble des 50 États fédérés américains, il n’y avait que 88 laboratoires publics permettant de se faire tester. Au début de cette semaine [16 mars], seuls 40 000 tests avaient été effectués sur l’ensemble du territoire. Par contraste rappelons qu’en Corée du Sud, depuis le début de l’épidémie, 10 000 personnes ou plus ont été régulièrement testées chaque jour.

Le « plan » Trump laisse les administrations locales livrées à elles-mêmes

Alors que les Démocrates ont été prompts à critiquer le manque de réaction de Trump, la plupart des gouverneurs ont attendu avant de mettre en œuvre leurs propres plans. Ce qui a créé, aux différents niveaux des administrations locales, une certaine confusion dans les services de santé, Trump ayant clairement indiqué le 19 mars qu’il n’avait aucune intention de centraliser la répartition et la distribution des équipements nécessaires et qu’au contraire c’était un problème que chaque État devait régler par lui-même.

D’un État à l’autre et d’une administration locale à l’autre, les politiques proposées dans ce domaine ont été complètement différentes. La fermeture des écoles pour deux semaines est devenue la règle sur l’ensemble du pays. Se confiner chez soi était préconisé dans certains endroits mais pas dans d’autres. Les rassemblements de masse furent annulés, souvent dans quelques États en même temps, puis ce fut au tour des grandes compétitions sportives. Certains États et certaines villes ordonnèrent alors de fermer les clubs de gym, les bars et les restaurants. Mais ce ne fut pas le cas pour d’autres. Le 18 mars, à Miami [Floride] le journal télévisé montra des milliers de personnes sur des plages bondées profitant du temps printanier. Et là les restaurants et les bars restèrent ouverts pour accueillir des clients en rangs serrés.

Avec la fermeture des écoles, les travailleurs doivent rester à la maison avec leurs enfants. Mais comment s’y prendront-ils pour payer les factures ? Dans une société qui met l’accent sur la propriété et le management privés, il y a peu de place pour planifier et coordonner. Alors on laisse les gens se débrouiller par eux-mêmes. Le résultat a souvent été le chaos avec ceux qui en ont les moyens achetant nourritures et fournitures – et laissant les rayons vides pour les autres. Et rien n’est prévu pour s’assurer que des personnes dans le besoin auront suffisamment de nourriture et autres produits de première nécessité.

Quelles ont été les mesures économiques proposées par la Congrès ?

Les membres du Congrès négocient actuellement sur la manière d’obtenir des milliards de dollars qu’ils distribueront sous formes de subventions, de prêts, et cadeaux divers aux compagnies aériennes, hôtels, casinos, croisiéristes et autres entreprises et banques. Ils discutent aussi des aides symboliques pour les travailleurs américains. Le gouvernement fédéral a avancé plusieurs propositions dont les modalités ne sont pas claires. Il affirme qu’il n’y aura pas d’expulsions pour non-paiement de loyers dans les logements dépendant de l’État fédéral, pas d’intérêt sur les remboursements des prêts étudiants et pas de paiement de taxes fédérales pour au moins les deux prochains mois. Mais la plupart des gens ne vivent pas dans des logements fédéraux. En théorie certains travailleurs qui ne pourront pas aller travailler parce qu’ils sont malades seront payés une semaine ou plus. Mais les patrons des grandes et petites entreprises pourront être déliés d’une telle obligation s’ils invoquent une situation de contrainte exceptionnelle [hardship]. Cela peut laisser de côté 19 millions de travailleurs.

Le Congrès cherche à apaiser les craintes en attribuant 1000 dollars à la plupart des Américains, somme qui, selon lui, pourrait être augmentée à l’avenir. Mais que représentent 1000 dollars si vous avez perdu votre travail, n’êtes pas couvert par une assurance médicale et ne pouvez pas payer votre loyer ? Et que va-t-il se passer pour beaucoup d’Américains qui courent chaque mois après leur paye ? Comment vont-ils faire pour nourrir leur famille ? Là encore des autorités et des gouvernements locaux se mobilisent, en déclarant un moratoire sur les loyers durant la crise et en empêchant les expulsions. Comment les gens pourront-ils payer leurs factures après avoir été si longtemps sans travailler ?

Concurrence et privilège

Au lieu d’une collaboration globale pour mettre au point des vaccins et des médicaments anti-viraux, on se retrouve face à la traditionnelle concurrence capitaliste entre les groupes pharmaceutiques, soutenus par différents gouvernements nationaux. Les États-Unis n’ont pas essayé de se procurer des tests de dépistage auprès d’autres pays, même s’ils savaient que leur propre stock était insuffisant. Ils ont préféré attendre afin de donner aux compagnies pharmaceutiques américaines l’opportunité de tirer profit de la crise. La situation dans les hôpitaux est honteuse. Les hôpitaux privés ont réalisé des profits record en réduisant le personnel et les services non-rentables. Maintenant ils ne disposent même plus de moyens de protection basiques pour le personnel hospitalier. Et au lieu de donner l’ordre aux entreprises qui fabriquent des masques d’augmenter leur production, Trump, lors de sa conférence de presse du 18 mars, s’est vanté du fait que le gouvernement avait changé la législation afin que les compagnies du secteur de la construction et des travaux publics puissent décliner toute responsabilité si elles donnent à des hôpitaux les masques de protection utilisés dans le bâtiment, bien que ces derniers ne puissent fournir le même degré de protection que ceux utilisés en milieu hospitalier.

Les joueurs professionnels de basket, les politiciens et les PDG ont été capables de se faire tester immédiatement et d’obtenir les résultats le même jour. Le gouvernement fédéral dit maintenant que se faire tester est gratuit. Mais qui peut se procurer un test ? Ils ne sont toujours pas disponibles sur une large échelle. Et même si vous parvenez à en obtenir un, vous pourrez attendre entre cinq et sept jours avant d’avoir le résultat. Et on attend de beaucoup de salariés – qui ne sont pas payés lorsqu’ils sont en arrêt maladie ou qui n’ont pas la possibilité d’utiliser le télé-travail – qu’ils continuent d’aller travailler. On leur demande de compromettre leur santé pour produire des voitures ou d’autres biens sans rapport avec la crise sanitaire. Et le gouvernement continue de lancer des raids de l’ICE [United States Immigration and Customs Enforcement, agence de police douanière et de contrôle des frontières du département de la Sécurité intérieure des États-Unis] contre les migrants sans papiers, ce qui a pour résultat qu’ils sont désormais trop effrayés pour se faire tester ou prendre soin de leur santé.

Distanciation sociale ne doit pas signifier isolation sociale

Comme dans toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés, ce sont les gens ordinaires qui se mettent en avant pour l’occasion et forment des réseaux de soutien au sein des communautés. Ils mettent sur pied des groupes de contact informatiques avec des amis, des membres de leurs familles, des collègues de travail pour ne pas perdre le lien social. Des comités de voisinage se forment pour aider les personnes âgées et les malades à faire leurs courses ou à prendre soin d’eux-mêmes. Des salariés du secteur public et des services sanitaires continuent de travailler malgré le chaos, même lorsque cela signifie mettre en péril leur propre santé. Le personnel scolaire se rend toujours dans les écoles pour préparer des repas pour les enfants afin que ces derniers n’aient pas faim si les écoles ferment [aux États-Unis, dans les milieux très pauvres, les repas dans les cantines scolaires sont les seuls que prennent les enfants]. Les professeurs appellent les étudiants pour s’assurer que ces derniers vont bien. Les artistes ont rejoint le mouvement. YoYo Ma, le fameux violoncelliste, et d’autres musiciens donnent des « concerts de réconfort » sur le net. Les musées mettent leurs collections en ligne et les acteurs se produisent aussi sur la toile.

Leurs profits ou nos besoins ?

Le coronavirus pose à l’humanité un sérieux problème de santé, amplifié par le système capitaliste qui est une menace permanente pour nos vies et notre santé. L’échec d’une réponse adéquate à l’imminente pandémie qui frappe de nombreux pays à travers le monde a servi de révélateur au fonctionnement d’un système au service des 1 % les plus riches, au détriment du bien être et des vies des 99 % restants.

19 mars 2020, Amy Berman

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