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Urgences hospitalières

Aux urgences d’un hôpital parisien

Mis en ligne le 4 juin 2019 Convergences Entreprises

Interview en date du 23 mai d’un aide-soignant aux urgences de l’hôpital Tenon à Paris, en grève depuis le 11 avril.

Quel a été l’élément déclencheur de la grève ?

Cela fait onze ou douze ans que je suis aux urgences à Tenon. Les conditions de travail ont toujours été mauvaises. Je crois qu’on ne veut plus l’accepter. On ne veut plus se faire agresser ; c’est une prise de conscience de ce qui se passe.

Il faut ajouter aussi une dégradation des plannings… Les non-remplacements d’absence on n’en veut plus. Cela fait des conditions de travail très difficiles où les infirmières risquent leur diplôme tous les jours. Parfois, cela fait un peu zone de guerre. Les délais d’attente ont forcément des conséquences sur les patients, sur leurs chances de guérir.

Quand vous n’êtes pas assignés, ou sur votre temps libre, comment faites-vous pour montrer que vous êtes en grève ?

Ce n’est pas facile. Les premiers jours j’arrivais à convaincre les gens un par un. On allait voir tous les commerçants pour qu’ils affichent des feuilles qui expliquent pourquoi on fait grève, avec un lien pour pouvoir participer au pot commun sur internet. On a récolté 1300 euros ; pour l’instant c’est supérieur aux pertes mais à mon avis cela va vite aller dans l’autre sens. Mais bon c’est la grève !

On fait aussi des marchés, ce qui nous permet d’aller à la rencontre de tous les habitants du quartier. On leur explique nos motivations, on les invite à participer à la cagnotte, on se rend compte qu’il y a une très forte adhésion. Tout le monde est amené à aller aux urgences, et on réalise que les gens sont très attachés à l’hôpital public. Cela fait chaud au cœur.

Par ailleurs, au niveau de Tenon, nous sommes aussi allés voir des collègues dans les services pour leur expliquer notre démarche, pour leur expliquer que les urgences c’est le miroir grossissant de ce qui se passe à l’hôpital. Nous ne sommes pas différents d’autres collègues dans les services ; on fait face au même mépris, aux mêmes conditions de travail de plus en plus difficiles, au même manque de reconnaissance, aux mêmes salaires insuffisants.

Comment les collègues des autres services ont-ils réagi ?

Les réactions sont bonnes. Ils sont d’accord sur les difficultés des conditions de travail, du salaire, ils sont d’accord sur tout. Il faut juste sortir de ce constat et aller à l’étape suivante qui consiste à se mettre en grève aussi.

Comment vous organisez-vous avec les autres services d’urgence en grève des hôpitaux parisiens ?

Une fois par semaine on fait une réunion inter-urgences ; quelqu’un du service est mandaté pour représenter les urgences à cette réunion. On fait un tour de table où chaque service fait le point sur la situation par rapport aux revendications locales, aux conflits qu’il peut y avoir avec les directions, comment ça se passe, comment ils vivent la grève. Puis on parle du futur, des actions à venir.

Il y a différents groupes au sein du collectif inter-urgences : le groupe des représentants, le groupe de com’, le groupe d’actions, un groupe chargé d’appeler tous les autres services d’urgence, pour les inciter à rejoindre le collectif inter-urgences.

L’intérêt du collectif est de permettre d’avoir plus d’adhésions à la grève. Parce qu’il y aussi des gens très motivés qui sont anti-syndicats. Il faut composer avec ces gens-là. C’est une force et il faut l’utiliser. Le collectif a cette vocation d’unifier au sein de chaque service, ce qu’aujourd’hui un syndicat aura plus de mal à faire, en tout cas sur Paris. Les intérêts des syndicats ne sont pas forcément les mêmes que ceux du collectif, il y a des enjeux différents.

Quelles sont les actions organisées par le collectif ?

Il y a eu l’action avenue Victoria (le siège de l’AP-HP), avant une réunion de négociation centrale : on s’était tous allongés devant l’entrée, de sorte que la direction nous enjambe pour accéder au bâtiment. On voulait montrer leur indifférence et leur mépris face à notre situation. Il y a eu les manifs du 1er et du 9 mai. Et on a fait l’hôtel de ville dimanche dernier : on avait une seringue sur la tempe pour symboliser le suicide des urgences. Cette action a été faite simultanément dans toutes les urgences du collectif à travers la France.

Point d’étape sur la grève : on en est-on ?

Pour le moment (23 mai), ça cale un peu au niveau de l’AP-HP, donc on compte sur l’assemblée générale nationale de samedi 25 mai pour repartir de l’avant. Le but est de fédérer un maximum de services d’urgence. Une dizaine chaque semaine s’ajoutent au mouvement. Maintenant il faut faire pression au niveau du ministère.

Qu’est-ce que vous en attendez de la réunion nationale de samedi 25 mai ?

On compte déjà parler du statut qu’on veut avoir. Parce qu’en tant que collectif, n’étant pas élus aux élections professionnelles, certains syndicats et certaines directions ne reconnaissent pas notre légitimité. La direction de l’AP-HP reconnait plus les syndicats que nous. Donc il va falloir se mettre en association.

Ensuite on compte également sur les collègues de province qui ont montré qu’ils étaient très déterminés. Il n’y a pas que Paris. On pense qu’ils peuvent rebooster au niveau national. On attend beaucoup de propositions sur les actions, sur la stratégie, sur comment on va évoluer. L’important, c’est ce que j’ai dit aussi à l’AG de Tenon tout à l’heure : ce qui se passe aux urgences ça se passe également dans tous les services de l’hôpital. On n’est pas tout seul dans notre coin. Nous avons déjà obtenu des choses au niveau local, donc on les encourage à faire pareil.

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Numéro 127, juin-juillet-août 2019