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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 20, mars-avril 2002 > Dossier : Combattre la mondialisation ou le capitalisme ?

OGM : la lutte des classes est aussi dans les assiettes !

1er avril 2002 Convergences Société

ATTAC, les « Amis de la Terre », ou encore la Confédération paysanne de José Bové réclament l’arrêt de la commercialisation des organismes génétiquement modifiés et un moratoire sur les recherches, au nom du « principe de précaution ».

Pourtant, comme le soulignent les firmes qui développent ces techniques, Monsanto ou Aventis par exemple, l’introduction dans l’ADN de variétés végétales ou animales de gènes issus d’autres espèces permet de leur donner des qualités nouvelles : résistance aux parasites, meilleurs rendements, mais aussi des améliorations nutritionnelles et sanitaires. Monsanto met ainsi en avant une fraise rendue plus résistante au gel par des gènes de poissons des mers froides, ou encore du riz transgénique plus riche en vitamines A, qui pourrait réduire la cécité infantile en Asie du sud-est. Une agriculture plus performante, mais aussi des aliments plus sains et capables de se défendre tout seuls contre leurs parasites, sans qu’on ait besoin d’inonder leur environnement d’insecticides. Une brochure récente de Monsanto promet de « nourrir la planète » et de « mieux respecter l’environnement ».

Quand les multinationales nous promettent un monde meilleur, on peut craindre le pire… et les anti-OGM ne manquent pas d’arguments. D’abord, le problème de la faim dans le monde n’est plus tellement un problème de productivité. Les disponibilités totales en calories dans le monde, par habitant, sont plus importantes aujourd’hui qu’il y a 30 ans. C’est la dictature du profit qui continue de réduire à la famine et à la malnutrition plus d’un milliard d’humains, et non l’insuffisance de la productivité agricole.

Les OGM pourraient être aussi dangereux pour la santé et pour l’environnement. On maîtrise mal les conséquences à long terme, en particulier sur la santé, de transformations d’organismes vivants, beaucoup plus rapides que les sélections de légumes ou de vaches pratiquées par les agriculteurs depuis des milliers d’années. Pourtant, ce n’est pas un argument définitif contre les OGM. Cela montre simplement qu’ils posent, comme toute nouveauté dût-elle s’avérer un réel progrès, un problème de contrôle. Et cela rappelle que la société ne devrait pas laisser l’usage de telles techniques au capital privé, cet apprenti sorcier qui n’est mû que par l’appât du gain, et à très court terme !

Petits paysans et grand capital

Une partie des anti-OGM développent un argument plus profond, qui a tout à fait les apparences d’une mise en cause du capitalisme lui-même. Les semences transgéniques (l’essentiel des OGM) sont le moyen de prendre le contrôle du travail du paysan. Ainsi, la semence « Terminator » de Monsanto, ne peut être utilisée qu’une fois : on lui a ajouté un gène qui rend stériles les graines qui en sont issues. Le paysan n’aura donc pas d’autre choix que racheter ses semences chaque année. Du coup, le Conseil scientifique d’ATTAC, en juin 1999, dénonçait les « nécro-technologies » : « l’agriculture ayant commencé lorsque nos lointains ancêtres ont mis de côté une partie du grain récolté pour le semer l’année suivante, cette confiscation de la propriété la plus fondamentale des êtres vivants – se reproduire et se multiplier – est le coup de grâce porté aux paysans et à l’agriculture. » Si Monsanto a renoncé à l’industrialisation de sa semence « Terminator », les multinationales n’ont pas renoncé à une autre forme du « hold-up sur le vivant », pour reprendre le langage d’ATTAC : la brevetabilité des organismes modifiés, dont le principe est admis par les gouvernements américain et européens. Ainsi, en Amérique du nord, Monsanto a fait appel aux détectives de l’agence Pinkerton pour faire la chasse aux agriculteurs qui pirateraient ses semences en les utilisant sans payer de licence annuelle !

Voilà donc le petit paysan menacé de passer sous le joug du grand capital…

Mais pourquoi alors dénoncer les OGM en particulier ? Et pas les fabriquants de tracteurs, les producteurs d’engrais, le Crédit Agricole et même Leclerc et Carrefour ? Car les petits paysans des pays développés, ceux qui bénéficient des progrès techniques, n’ont pas attendu les OGM pour être exploités par tous les trusts impliqués dans l’alimentation. En amont, ils doivent subir les prix, élevés, des fournisseurs d’engrais ou de machines, ou les taux des banques qui permettent aux agriculteurs de s’endetter de plus en plus pour investir et survivre. En aval, ils doivent accepter les prix d’achat des grands groupes de la distribution. La poésie du « geste auguste du semeur », asservi par les « terminators » génétiques ou juridiques, renvoie à un passé révolu depuis belle lurette ! En tout cas, ce n’est pas en interdisant des progrès scientifiques que l’on sauvera l’illusoire indépendance du petit paysan.

Dénoncer les OGM en dehors de tout le système de l’agriculture capitaliste, à l’échelle de la planète, c’est du coup brouiller les problèmes. C’est jouer sur la peur de l’avenir, la défiance envers le progrès scientifique et technique, sans distinguer clairement le problème de fond : doit-on laisser le capital privé, avec ou sans OGM, décider du contenu de nos assiettes ?

Bernard RUDELLI

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