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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 144, mars 2022

Éditorial

Non à la guerre de Poutine en Ukraine ! En Russie, Poutine dégage ! Non aux calculs impérialistes qui mettent de l’huile sur le feu !

Macron et nos patrons nous font la guerre ici, ne leur faisons pas confiance

15 mars 2022 Convergences Monde

Les engins de mort russes continuent à tomber sur l’Ukraine : vies anéanties ou brisées, infrastructures et habitations détruites, villes quasiment rasées et la capitale encerclée, exode de millions de personnes dont deux millions et demi ont quitté le pays. Un gâchis indicible. On ne peut que dénoncer d’abord et en premier lieu la brutalité et le cynisme sans nom de Poutine, l’autocrate qui traque, emprisonne voire torture les opposants à sa politique en Russie même. Ce dernier week-end encore des manifestations ont eu lieu, et des arrestations musclées. D’autres manifestations et protestations ont lieu dans le monde entier. Il s’agit de la part de Poutine d’une agression brutale contre un État voisin et un peuple ukrainien, dont les dirigeants – au service d’oligarques eux aussi – sont loin d’être nos amis ou ceux de leur propre population, mais qui paient pour la situation historique et géographique de leur pays. Pris en étau entre des puissances qui règlent des comptes sur leur dos. Non à cette sale guerre ! Hors d’Ukraine, l’armée de Poutine ! Droit du peuple ukrainien à décider de son sort !

Pendant la guerre, les affaires continuent…

Mais pendant que cet effarant spectacle de dévastation d’un pays s’offre à nos yeux, les grands de ce monde discutent « affaires », discutent gaz et pétrole, métaux rares et blé… Ils scrutent les destinées d’ExxonMobil, Shell ou Total, de Renault ou Stellantis, McDo ou Auchan, de leurs fleurons nationaux de l’énergie, de l’automobile, du commerce ou du luxe, qui sont clients ou fournisseurs, débiteurs ou créditeurs de Poutine et des capitalistes de Russie. Embargo sur le gaz, ou pas d’embargo ? Fermetures d’entreprises et de chaînes de magasins, ou pas ? Ce ne sont pas les intérêts des classes populaires, ukrainiennes ou russes, qui entrent en ligne de compte mais les seuls profits escomptés et sauvegardés. Et avec eux, les liens largement privilégiés jusque-là avec Poutine, qui ne sont pas rompus. Les tuyaux de Gazprom vers l’Europe ne sont pas coupés. Si les USA ont décidé l’embargo sur le gaz russe, c’est qu’eux n’en ont pas besoin. Ils dressent la carte des promesses de profits dans une configuration économique ouverte par cette guerre, où l’Europe serait davantage « débranchée » de la Russie, et davantage dépendante des multinationales US. America First !

La chasse aux oligarques russes serait comique aussi, si la situation n’était pas tragique. Portraits et noms d’oligarques s’étalent dans les médias, avec inventaire de leurs villas (et leur superficie), de leurs yachts (et leur longueur), de leurs comptes en banque plus ou moins dissimulés sous des prête-noms : secrets de Polichinelle. Dans les quartiers huppés des capitales occidentales, les ghettos où les super-riches se verrouillent, à Londres ou Paris, les Russes côtoient de près les grandes fortunes locales. Certains ont même obtenu des « passeports dorés », au seul vu de leurs comptes en banque en dollars, qui valent pour papiers de régularisation.

Retour de la guerre froide ? Non, rivalités impérialistes planétaires

Les « oligarques » russes n’ont rien à voir avec les bureaucrates de l’époque stalinienne ou brejnévienne. Ils sont aujourd’hui rois du pétrole, du gaz, du blé, de l’aluminium, etc. Ils ont fait fortune dans les années 1990 qui ont succédé à la chute de l’URSS, en accaparant le gros des moyens de production alors privatisés, et tentent depuis d’arracher leur place au soleil sur la planète impérialiste, contre des rivaux parfois néanmoins partenaires. La Russie de Poutine est capitaliste, et s’il fallait la comparer à quelque chose, ce serait plutôt à l’empire des tsars – à ceci près qu’elle repose sur des fortunes capitalistes « modernes » – privées, étatiques, plus ou moins mafieuses comme elles le sont toutes –, basées sur l’exploitation assumée du travail humain et sur l’accaparement privé. Même si ce n’est pas à armes égales avec les USA ou les puissances européennes.

Dans quelle mesure les relations avec la Chine interviennent-elles dans ce monopoly impérialiste infernal ? Les dirigeants américains surveillent Xi Jinping comme le lait sur le feu et redoublent d’échanges diplomatiques. Il est probable que les bonnes relations récemment affichées entre la Russie et la Chine, un genre de bloc constitué entre les deux pays à l’occasion des événements de Hong-Kong, d’Afghanistan ou du Kazakhstan, aient quelque peu masqué l’interdépendance entre l’économie chinoise – certes montant en puissance – et l’économie américaine. C’est probablement ce qu’exprime la prudence actuelle des dirigeants chinois – qui n’ont pas condamné à l’ONU l’invasion de l’Ukraine par Poutine mais ne l’ont pas soutenue non plus, et se sont abstenus.

Cette guerre a ceci de nouveau qu’elle met sous les feux des projecteurs les rivalités et tensions entre grandes puissances impérialistes elles-mêmes – dont la Russie de Poutine – pour se rafler zones d’investissements et parts de marché. D’où les craintes qui ont surgi d’une nouvelle guerre mondiale, dont on voit au moins se dessiner des contours.

Militarisation à pas cadencé…

Les dirigeants des grandes puissances occidentales n’ont pas envoyé de troupes en Ukraine pour s’opposer directement à l’invasion russe. Mais ils arment, et sur-arment aujourd’hui, dans les pays de l’Est limitrophes de la Russie. La population de Roumanie ne peut pas ne pas voir (et ne pas craindre), en ce moment même, l’élargissement des bases militaires américaines ou le débarquement d’une soldatesque française et de ses joujoux sur son sol. L’Europe connaît un sursaut de militarisation. L’Allemagne annonce un programme de 100 milliards d’euros pour moderniser son armée et une hausse des dépenses militaires annuelles. Macron va dans le même sens, lui qui a déjà augmenté le budget militaire de 30 % depuis 2017. Idem en Chine, avec une hausse de 7,1 % annoncée tout récemment. C’est bien le signe d’une nouvelle période pour le capitalisme mondial, de protectionnismes, d’autoritarisme et de rivalités armées, qui avait commencé à émerger après la crise de 2008.

Sanctions économiques

Pour l’heure, les dirigeants des puissances occidentales, Biden en tête, parlent surtout de sanctions économiques. À voir jusqu’où elles iront. Mais il est évident qu’elles vont d’abord et essentiellement frapper les populations.

Le 28 février, le rouble a perdu 30 % de sa valeur en un jour – soit 50 % de sa valeur depuis le 1er janvier et l’intensification des bruits de bottes. Suite aux sanctions, la bourse russe a fermé, les investissements étrangers se sont asséchés. Ce qui veut dire des familles obligées de choisir entre nourriture, vêtements et autres nécessités du quotidien, des travailleurs privés de leur emploi. Et ces sanctions économiques contre la Russie vont toucher aussi, et indirectement, bien d’autres populations pauvres du monde, entre autres celles d’Égypte ou du pays du Maghreb et d’Afrique qui vivent du blé russe et ukrainien. Depuis début février, le prix des céréales a augmenté de plus de 75 %. Il y a des spéculateurs, profiteurs de guerre. On peut s’attendre à des famines… ou à des émeutes.

Autour de nous, c’est aussi la crainte de l’inflation galopante qui déjà se profile, en particulier des prix des carburants. Surtout parmi celles et ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, dont des salariés qui voient mal comment continuer à se rendre en voiture au boulot, sauf à exiger de leurs patrons qu’ils paient intégralement les frais de transport ! Le climat n’est certainement pas à l’« union sacrée » appelée de leurs vœux par Macron et son ministre Bruno Le Maire. Du sang et des larmes, non merci ! Plutôt de l’essence et du gazole gratuits !

Oui, il faudrait que Poutine dégage !

C’est sous les bombes que Poutine écrase les aspirations et les revendications des travailleurs d’Ukraine, qui partagent avec les travailleurs de Russie d’avoir des luttes de classe derrière eux. En Ukraine fin 2020, des grèves ont éclaté chez les mineurs d’uranium, de fer ou de charbon pour exiger le paiement d’arriérés de salaires. En Russie, il y a eu et il y a encore des grèves aussi, y compris récemment contre les conséquences de la guerre, comme à l’usine pétrochimique Gemont, dans le Tatarstan (où les salaires, indexés sur le taux de change entre le dollar et le rouble, se sont effondrés). La direction de l’usine se serait tout de suite engagée à payer la différence. Dans les mobilisations de ces dernières années, a surgi un slogan contre Poutine : Dégage ! (Yxadi en russe). Oui, il faudrait que Poutine dégage.

Mais qui peut faire dégager Poutine, d’Ukraine et de Russie ? Les impérialistes du camp adverse plus ou moins réunis dans l’Otan ? Mais ce serait en plongeant la population russe dans la misère, sous le poids des sanctions qui « ruissellent » toujours sur les plus pauvres, en rendant le peuple ukrainien otage pour de longues années des rivalités entre grandes puissances. Non à l’escalade inter-impérialiste, non aux sanctions qui touchent les travailleurs russes ! Et qui alors si ce n’est l’Otan ? La clique bourgeoise au pouvoir en Ukraine ? Nous soutenons le droit du peuple ukrainien à son existence indépendante – et celui des peuples du Donbass et de Crimée, comme par ailleurs de tous les peuples de la fédération de Russie. Mais cette indépendance est illusoire sous la direction d’une bourgeoisie jalouse d’intérêts de classe égoïstes, qui se vendra à une grande puissance ou à une autre – ou tentera de se vendre aux deux comme c’est le cas depuis vingt ans – en échange d’une prétendue protection qui ne sera que le prélude à une nouvelle guerre. Le nationalisme est une impasse dans le monde actuel où la barbarie impérialiste est à son comble.

Les prolétaires de la région, par leur lutte commune, seraient la force capable de faire dégager Poutine et d’ouvrir une issue favorable au peuple ukrainien pour sortir de la guerre. Que les Ukrainiens, forcés de fuir ou de se terrer dans le métro, se défendent et se battent est bien normal. Mais pour ne pas être chair à canon de tels impérialistes ou de tels autres, ils doivent se défendre en toute indépendance des forces bourgeoises qui les mènent à l’impasse. Ils doivent le faire en combattant contre la guerre de Poutine et non contre les Russes. Les travailleurs russes et la population ukrainienne bombardée ont les mêmes intérêts contre Poutine. D’où l’importance capitale des manifestations anti-guerre en Russie. Si le mouvement prenait de l’ampleur, là encore, ce serait précieux que les travailleurs en prennent la tête, forts de leur arme de la grève générale mais forts aussi, et surtout, des perspectives internationalistes et solidaires jusqu’au bout qu’eux seuls peuvent porter.

Des perspectives vitales aujourd’hui, contre la barbarie du monde capitaliste.

14 mars 2022


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