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Accueil > Les articles du site > À propos des vaccins contre le Covid-19 : La santé publique entre Big (...)

Le point sur les vaccins et la vaccination

Mis en ligne le 26 janvier 2021 Article Sciences

(Pour accéder au sommaire de la transcription de la réunion publique du 10 janvier 2021 sur les vaccins, cliquer ici)


Peut-on avoir confiance dans les vaccins ? La vaccination contre le Covid-19 apparaît aujourd’hui comme la porte de sortie de la pandémie qui frappe la planète. L’occasion de rappeler que la vaccination a joué un rôle important dans l’histoire de la lutte contre les épidémies.

Entretien avec une biologiste moléculaire qui nous rappelle l’intérêt de la vaccination

  • Pour comprendre ce qu’est la vaccination, pourrais-tu d’abord nous donner quelques notions sur ce qu’est le système immunitaire et comment il fonctionne ?

À chaque moment de la vie, notre corps est agressé par des agents extérieurs – virus, bactéries, parasites – ou intérieurs, par exemple les tumeurs.

Dans 85 % des cas, ce que l’on appelle la réponse immunitaire innée va permettre d’éliminer les agents agresseurs. La réponse immunitaire innée consiste en des barrières mécaniques tels la peau, les cils ; des barrières chimiques comme certains composants présents dans la salive ; des barrières cellulaires : des macrophages, des cellules dendritiques qui vont phagocyter (c’est-à-dire avaler et digérer) ces agents.

Puis, dans les cas qui restent, le corps va développer un système de défense dit adaptatif, ou spécifique, qui va permettre de neutraliser et/ou de détruire les agents étrangers grâce à des cellules ou à des anticorps qui vont reconnaitre le corps étranger de façon spécifique. Les lymphocytes B qui produiront les anticorps pourront également se différencier en lymphocytes B mémoire, qui permettront de garder la mémoire de l’agression pour mobiliser rapidement le système immunitaire en cas de nouvelle agression.

  • Dans le cadre d’une épidémie comme celle que nous connaissons aujourd’hui, où le taux de mortalité varie entre 0,5 et 3 % suivant les sources, comment la société humaine peut-elle répondre ?

On peut laisser la population s’immuniser : on parle alors d’immunité collective. L’immunité collective est atteinte quand un virus ne peut plus se propager parce qu’il ne rencontre que des personnes protégés par l’infection. Dès qu’une proportion suffisante de la population n’est plus sensible, toute nouvelle épidémie s’épuise. Il n’est pas nécessaire que toute la population soit immunisée, il suffit qu’il y en ait suffisamment. En fait de nombreux professionnels de la santé préfèrent parler de protection collective : ce phénomène ne confère pas vraiment d’immunité contre le virus : il ne fait que réduire le risque que des personnes vulnérables entrent en contact avec l’agent pathogène.

Le cas de Manaus. En septembre, deux groupes de chercheurs ont publié des travaux sur l’exemple de Manaus, ville du Brésil comptant deux millions d’habitants, ville jeune avec moins de 6 % de plus de 60 ans contre 26 % en France. En mai, la ville avait été dévastée par l’épidémie de Covid, aucun confinement, aucune mesure sanitaire n’étant particulièrement prise dans le Brésil de Bolsonaro : hôpitaux saturés remplis de mourants et de cadavres, fosses communes ont constitué le quotidien de cette ville jusqu’en juin. Huit mois plus tard, la plus grande cité d’Amazonie semblait tirée d’affaire. Plus des trois quarts de la population possède des anticorps anti-Sars-Cov2. Un niveau suffisamment élevé permettant à la ville de pouvoir théoriquement bénéficier de l’immunité collective et stopper ainsi la diffusion incontrôlée de la maladie. Au total, la capitale de l’État d’Amazonas déplorait 3 100 morts au 8 décembre 2020 soit 144 morts pour 100 000 habitants, l’un des plus élevés du Brésil, près de deux fois supérieur à la moyenne nationale. La population de Manaus est-elle réellement protégée ?

Il semble donc que, même si 76 % de la population de Manaus possédaient des anticorps, cela n’a pas été suffisant pour la protéger de façon durable. (Cela avait déjà été observé pour les autres coronavirus.) Si l’on exportait ce modèle aux autres pays, cela voudrait dire un à deux millions de morts aux États-Unis.

La Suède. Autre exemple : au début de la pandémie, la Suède poursuivait un objectif d’immunité collective en laissant les Suédois continuer à vivre comme ils l’entendaient : les statistiques de l’université américaine Johns-Hopkins, qui fait autorité en matière d’épidémies, montrent que la Suède a un taux de décès lié au Covid onze fois supérieur à celui de la Norvège voisine (58,12 contre 5,23 pour 100 000 habitants). Le taux de létalité de la Suède (4,1 %), c’est-à-dire la proportion de malades ayant succombé à l’infection, est également au moins trois fois plus élevé que celui de la Norvège et du Danemark. L’épidémie s’aggravant, le taux d’incidence est passé à 739 morts pour 100 000 habitants – contre 236 pour la France. au16 décembre. La stratégie de l’immunité collective a été un échec total poussant la Suède à des mesures plus restrictives : port du masque obligatoire dans les transports début janvier, interdiction de servir de l’alcool après 20 heures.

Une autre façon d’enrayer la progression d’une épidémie est de confiner drastiquement la population comme cela a été fait en Chine : c’est radical et ça fonctionne !

Sinon, il reste la possibilité de vacciner la population : c’est-à-dire inoculer/injecter un agent pathogène atténué ou un morceau de cet agent à un individu pour susciter une réponse immunitaire qui permettra à l’organisme de se défendre efficacement s’il est à nouveau en contact avec cet agent

  • Pourrais-tu nous expliquer brièvement l’histoire de la vaccination ?

Ce qu’on pourrait désigner comme la préhistoire de la vaccination, ce sont des traces de pratique d’inoculation d’une maladie il y a plus d’un millénaire dans les tribus africaines, indiennes ou du Caucase pour s’en protéger. Mais c’est bien plus tard, au Moyen Âge, que l’on trouve les premières d’inoculation documentées contre la variole.

Au Moyen Âge, il s’agissait d’une maladie très répandue, qui tuait un tiers à un quart de la population. En Chine, on fabriquait des pastilles à partir des croûtes de pustules de variole que l’on introduisait dans le nez de l’enfant : un sur dix en mourait. Un risque acceptable aux yeux des parents au vu de la mortalité liée à la variole.

Dans l’empire ottoman, au XVIIe siècle, on parlait de la variolisation : technique qui consistait à introduire du pus d’une pustule dans une veine. L’épouse de l’ambassadeur britannique importa la technique en Angleterre, vaccina ses propres enfants. La technique se répandit en Angleterre et dans toute l’Europe, avec un bilan mitigé : le risque d’en mourir variait d’1 sur 50 à 1 sur 250.

L’invention du vaccin moderne a lieu à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre. En 1796, Edouard Jenner, un médecin anglais inocula à un jeune garçon le pus prélevé sur une pustule d’une fermière infectée par le cowpox, une variole bénigne des vaches. Un mois et demi plus tard, il inocula à ce même garçon la vraie variole, qui ne déclenchera pas la maladie .C’est du nom latin de cette variole de la vache : Variolae vaccinae (en latin, variola : petite pustule. Vacca : vache) que l’on a tiré le mot vaccin. Ce type de vaccination s’est répandue dans le monde entier même si la variolisation continua de se poursuivre.

Pasteur. Au XIXe siècle, grâce à Pasteur et à son observation des microorganismes, un nouveau postulat fut posé : chaque maladie a son microbe. Il espèrait trouver une technique universelle pour atténuer la virulence des microbes, mais se rendit vite compte que chaque vaccin nécessite sa propre recette. Il a commencé à travailler sur les maladies propres aux animaux, puis, en 1885, il inocula à un enfant qui allait mourir de la rage un vaccin alors expérimental : l’enfant fut sauvé.

Au XXe siècle, les vaccins se sont succédé  : contre le choléra, la tuberculose, la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, et bientôt la poliomyélite. La vaccination de masse s’amorça sur tous les continents. En 1950, l’URSS parvint à éliminer la variole.

Revers de la médaille : des accidents tragiques se sont produits dus à la contamination par les vaccins ou à une mauvaise inactivation (en 1955, 205 cas de poliomyélite ont été provoqués par une vaccination aux États-Unis)

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la production des vaccins s’est industrialisée. Jusque dans les années 1980, elle dépendait de laboratoires publics, avant de se concentrer essentiellement autour de quatre industriels privés, dont Sanofi, l’héritier de Pasteur Vaccins.

  • Quel est le bilan que l’on pourrait tirer de la vaccination ?

La variole a été éradiquée à l’échelle planétaire à la fin des années 1970. Avant l’invention de la vaccination antivariolique par Jenner, huit européens sur dix attrapaient cette maladie. Elle était responsable d’un mort sur sept ou quatorze selon les auteurs. Vers 1750, la moitié des enfants de moins de dix ans mourait à cause de la variole et l’espérance de vie ne dépassait pas 25 ans.

La poliomyélite est quasiment éradiquée : la souche 3 a été déclarée disparue par l’OMS le 24 octobre 2020, la souche 2 avait déjà disparu en 2015. Il reste la souche 1 au Pakistan et en Afganistan. Il y a encore 30 ans, ce virus paralysait plus de 1 000 enfants par jour à travers le monde !

Chaque année, entre deux et trois millions de décès sont évités grâce à la vaccination et 1,5 million de décès supplémentaires pourraient l’être avec une optimisation de la vaccination (comme la vaccination orale contre la polio dans le monde).

Les détracteurs. Depuis l’apparition de la vaccination des détracteurs (des théologiens au XIXe siècle) apparaissent ; des émeutes ont eu lieu : à Leicester en 1885, à Rio en 1905, où la résistance populaire devant la campagne de vaccination représentait davantage une résistance à l’encontre de l’administration, de l’État, qu’un refus de la modernité scientifique. Ce rejet a été encore plus fort quand l’autorité qui l’imposait était la puissance coloniale, comme la France en Algérie. Même ces derniers temps, des humanitaires se sont fait assassiner en Afghanistan, au Nigéria, au Yémen, des rumeurs affirmant que la campagne de vaccination avait pour but de stériliser les populations s’étant répandues.

  • Quel est le principe de la vaccination ?

La première étape consiste à provoquer une immunisation en injectant un ou plusieurs antigènes spécifiques du microbe (cela peut être un virus atténué, c’est-à-dire un virus qui a perdu sa virulence suite à des manipulations successives). Deux types de réponse immunitaire sont mobilisés : la voie humorale, avec une stimulation des lymphocytes B et une production d’anticorps, et la voie cellulaire, avec la stimulation des lymphocytes T tueurs. Une mémoire immunitaire se constitue : ce qui peut nécessiter plusieurs semaines.

Lorsque la personne vaccinée rencontrera un microbe portant à sa surface le même type d’antigène que ceux utilisés lors de la vaccination, les cellules mémoire le reconnaîtront et permettront sa neutralisation. Le microbe n’aura pas le temps de provoquer la maladie.

La fabrication d’un vaccin peut prendre de 2 à 33 mois selon le type. Dans le détail, la composition d’un vaccin varie selon le germe, mais aussi selon les personnes auxquelles il est destiné (enfants, adultes, personnes âgées, immunodéprimées). Ces formules sont choisies pour allier au mieux l’efficacité et la sécurité du produit. Actuellement, on compte près d’une trentaine de maladies contre lesquelles un vaccin peut être proposé

  • Comment se fait la mise au point d’un vaccin ?

Un candidat vaccin, après une phase de recherche et développement, sera caractérisé par ses propriétés physiques, pharmaceutiques et chimiques (autrement dit, présentation, formulation, type d’antigène vaccinant et autres composants). On testera ces candidats vaccins sur des animaux pour en connaitre la toxicité et en extrapoler les doses utilisables pour l’homme. Puis on passera à l’étude en plusieurs phase chez l’homme :

La phase I, sur un petit échantillon d’adultes volontaires sains pour ajuster la dose de vaccin et vérifier l’absence d’effets secondaires.

La phase II, sur un échantillon plus important d’une population cible du vaccin (jusqu’à une centaine de personnes), pour confirmer l’efficacité du candidat vaccin.

La phase III, sur un échantillon bien plus important, pour calculer l’efficacité du vaccin en travaillant sur deux groupes d’individus en parallèle : un groupe qui reçoit la ou les doses de vaccins et un groupe qui reçoit un placebo. Cette phase a lieu en double aveugle : ni le patient, ni le médecin ne sait ce qui a été injecté. Elle doit durer au minimum trois mois afin d’évaluer les effets secondaires et leur incidence.

Puis on pourra passer à la fabrication du vaccin sur une grande échelle et vacciner une population.

  • Fabriquer un vaccin se fait en plusieurs étapes :

Le microbe contre lequel on souhaite produire un vaccin est sélectionné dans une banque de germes et mis en culture dans des cuves.

Les microbes sont récoltés, concentrés et purifiés.

Le microbe peut être utilisé vivant (par exemple dans le cas de la rubéole, de la rougeole et des oreillons) sa virulence étant alors atténuée par une mise en culture prolongée. Le microbe peut être inactivé, thermiquement ou chimiquement (par exemple pour le tétanos, la coqueluche, la polio ou la diphtérie). Un fragment du microbe peut être utilisé (méningocoque, pneumocoque). Certains gènes codant pour les antigènes sélectionnés du microbe peuvent être utilisés en les insérant dans des cellules de levure (par exemple pour l’hépatite B).

Dernière découverte : l’ARNm d’un gène codant pour un antigène sélectionné est injecté.

Stabilisateurs, agents de conservation et adjuvants peuvent être ajoutés au principe actif.

Le vaccin est réparti en doses standardisées.

Les lots de vaccins sont contrôlés par l’Agence nationale de sécurité du médicament.

Les vaccins sont ensuite distribués.

  • Souvent, quand on pense vaccins, on pense effets secondaires et adjuvants : qu’en est-il ?

Les premiers vaccins n’en contenaient pas : ils étaient faits à partir de virus ou bactéries entiers, atténués, ils étaient présentés par les macrophages qui stimulaient le système immunitaire avec une multitude d’antigènes (de petites parties) du corps étranger. On avait alors une réponse immunitaire forte. Mais on a commencé à utiliser des agents morts, voire des fragments de ceux-ci : l’organisme ne reconnaissait pas forcément ces antigènes comme la signature d’une attaque microbienne. On a donc ajouté un adjuvant pour créer localement une réaction inflammatoire similaire à ce qui se passerait en cas d’attaque microbienne. L’adjuvant permet de réduire la quantité d’antigènes, il limite le nombre de rappels nécessaires et renforce la réponse des personnes au système immunitaire plus faible (personnes âgées).

Au début, on utilisait du tapioca, des miettes de pain, ajoutés au vaccin pour provoquer un abcès local et permettre la réaction inflammatoire. Actuellement, l’adjuvant le plus utilisé est l’aluminium.

Un petit point sur l’aluminium et les effets secondaires dus à cet adjuvant : dans les années 1990, le vaccin contre l’hépatite B a été suspecté de favoriser l’apparition de la sclérose en plaque : une similitude existe entre la protéine HBs contenue dans le vaccin et la myéline, qui est détruite dans la sclérose en plaque. Le système immunitaire stimulé lors de la vaccination contre l’antigène HBs prendrait ensuite pour cible la myéline qu’il détruirait. Une étude britannique avait conclu à un risque excessif, mais était-ce l’adjuvant, les sels d’aluminium ,qui étaient responsables ?

Des études en France, au début des années 2000, ont montré que, au point d’injection des vaccins contenant des sels d’aluminium, on avait une lésion inflammatoire où l’on trouvait des cristaux d’aluminium figés dans les macrophages. L’aluminium ne serait pas éliminé de l’organisme mais persisterait dans le muscle durant des années et passerait la barrière encéphalique qui, normalement, protège le cerveau des toxines. Des plaintes y seraient associées : fatigue extrême, douleurs musculaires et troubles neurologiques. Y a-t-il un lien ? L’OMS, l’AFSAPPS ou l’Académie des sciences ont estimé qu’il n’y avait pas de résultats concluants, mais, en 2016, ils ont reconnu que l’administration répétée de sels d’aluminium pourrait être neurotoxique en cas de barrière hémato-encéphalique immature. D’autres articles montrent qu’il n’y aurait pas de lien : ce serait surtout dû à un changement de façon de détecter la SEP (la sclérose en plaque), par IRM, changement survenu au moment de la campagne de vaccination dans les années 1990, alors menée en direction des jeunes femmes, c’est-à-dire ayant l’âge où la SEP apparaît. Depuis, la vaccination se fait au cours de la petite enfance, et il n’y a plus de problème.

Dans le cadre de la vaccination contre le H1N1 en 2009, les autorités sanitaires avaient été alertées par un excès de cas de narcolepsie, surtout en Scandinavie, chez les enfants et adolescents quelques semaines après la vaccination. L’adjuvant n’était pas un sel d’aluminium mais un squalène. Le risque a été évalué à 1 pour 16 000, soit 12,7 fois plus que pour les non-vaccinés. Les chercheurs n’ont pas trouvé quelle était la cause de la réaction auto-immune dans ce cas (le système immunitaire attaque le soi), mais ils ont associé cet excès de risque à un profil immunitaire fréquent en Europe du Nord.

Les derniers vaccins dits à ARNm, quant à eux, n’ont pas besoin d’adjuvants, l’ARNmessager créant l’inflammation qui permettra la mobilisation du système immunitaire.

  • Les effets secondaires graves, non expliqués, non maîtrisés, entraînent naturellement une forte défiance envers les vaccins, qu’en est-il dans le cas du Covid-19 ?

Quatre Français sur dix disaient ne pas avoir confiance en la vaccination en 2015. Entre 2014 et 2015, la vaccination des enfants de moins de neuf mois aurait chuté de 5 %. Seuls 44 % (chiffre du début du mois de décembre 2020) de la population se disaient prêts à être vaccinés contre le Covid. Depuis janvier, le pourcentage a évolué en faveur de la vaccination. Alors que Pfizer BioNtech et Moderna ont reçu l’agrément pour leur candidat vaccin aux États-Unis, au Royaume Uni et en Europe, les campagnes de vaccination commencent à travers le monde.

Le point où nous en sommes en cette mi-janvier 2021. Dans la course au vaccin contre le Sars-Cov2, plus de 180 candidats vaccins sont en cours de développement, à différents stades d’essais cliniques. Nous allons parler des deux qui ont reçu l’agrément en France : les vaccins à ARNm de Pfizer et Moderna.

  • Peux-tu tout d’abord nous présenter le virus ?

Le Sars-Cov2 appartient à la famille des coronavirus, virus à ARN (ARN pour acide ribonucléique). La fameuse Protéine S, ou Spicule, est une sorte de crochet qui lui servira pour s’accrocher à un récepteur de la cellule humaine (human ACE2) et à libérer son propre ARN à l’intérieur de la cellule humaine. L’ARN du virus détournera la machinerie cellulaire et, au lieu de fabriquer les protéines de la cellule, les milliers de ribosomes se mettront à produire en masse les différents constituants du virus, qui seront ensuite assemblés pour donner naissance, en quelques heures, à des millions de nouvelles particules virales. Celles-ci s’échapperont ensuite de la cellule à la recherche d’autres portes d’entrée.

  • Comment les chercheurs ont-ils pu mettre au point des vaccins ?

Les chercheurs ne partaient pas de rien. De fait, les coronavirus avaient déjà deffrayé la chronique à l’occasion de deux épidémies, celle du SRAS en 2003 et celle du MERS en 2012. Des travaux avaient déjà identifié que la protéine Spike était la cible à privilégier pour un éventuel vaccin : si elle est neutralisée, par des anticorps par exemple, le virus ne peut plus se fixer au recepteur ACE2 et ne peut plus infecter les cellules humaines.

Dès le mois de janvier, les chercheurs possédaient l’analyse génétique du virus Sars-Cov2. Ils ont rapidement pu identifier la partie qui codait pour la protéine Spike. Et mettre au point un nouveau type de vaccin : le vaccin à ARN messager.

  • Comment fonctionne une cellule et à quoi sert l’ARN messager ?

Dans une cellule humaine, à l’intérieur du noyau se trouve l’ADN, le support de l’information génétique, dont les gènes seront transcrits, en fonction des besoins de la cellule, en ARN messager. Ces ARNm vont quitter le noyau pour aller rejoindre les ribosomes présents dans le cytoplasme, usines qui serviront à produire des protéines. Ces dernières seront alors excrétées par la cellule. Quand il rentre dans la cellule, le virus utilise la machinerie cellulaire pour se reproduire.

Donc, dans le cadre du vaccin à ARN, on injecte un fragment d’ARNm codant pour la protéine Spike et l’on va demander à la cellule de traduire l’ARNm en protéine Spike. Cet ARNm est entouré d’une capsule lipidique qui va le protéger de la dégradation et lui permettre de rentrer dans la cellule. La fabrication de l’ARNm est très simple et totalement maîtrisée : c’est pourquoi il n’a fallu que deux mois pour mettre au point le vaccin, la seule question étant la nature de la capsule lipidique.

Les protéines Spike s’échappent ensuite de la cellule. Là, elles rencontrent les cellules immunitaires qui patrouillent dans notre organisme. De ce contact naîtront au bout de quelques jours à peine les anticorps circulants qui permettront de bloquer à l’avenir le vrai microbe. C’est l’immunité dite humorale.

Mais ce n’est pas tout : quelques protéines Spike restent dans la cellule, où elles sont prises en charge par un mécanisme qui consiste à présenter au niveau de l’enveloppe extérieure un échantillon de toutes les protéines produites à l’intérieur de la cellule. Les cellules immunitaires, appelées lymphocytes T, ou cellules tueuses, vont ainsi pouvoir s’attaquer aux antigènes multiples de la protéine Spike présentés par les molécules du système d’histocompatibilité présentes à la surface de toutes nos cellules. C’est ce qu’on appelle l’immunité cellulaire.

En activant ces deux formes d’immunité, l’immunité humorale et cellulaire, ces vaccins pourraient s’avérer in fine plus efficaces et plus durables que les vaccins qui ne déclenchent que la production d’anticorps circulants, comme les vaccins inactivés ou ceux qui ne contiennent que des bouts de protéines du virus : autre avantage de cette technologie.

Concernant les études de phase III présentées par Pfizer : début décembre 2020, la phase III comptait 43 000 personnes environ, la moitié ayant reçu un placebo, l’autre moitié le vaccin, en deux injections. 169 patients, dont 8 vaccinés, ont attrapé le Covid. Ce taux a permis de calculer une efficacité à plus de 90 %, mais on reste toujours sur un échantillonnage de personnes entrées en contact avec le Covid faible. Les chiffres ont déjà certainement évolué.

Que sait-on des effets secondaires à court et moyen terme ?

Pour l’heure, les essais cliniques sont plutôt rassurants sur les effets immédiats, même si ces vaccins entraînent des réactions telles que des maux de tête, une fatigue ou des courbatures importantes chez 5 à 10 % des vaccinés. Deux jours après le lancement de la vaccination avec le produit de BioNTech/Pfizer, les Anglais ont également rapporté deux cas de réaction d’hypersensibilité immédiatement après l’injection, chez des soignants ayant des antécédents d’allergie. Ces personnes particulièrement sensibles ont été exclues des essais cliniques : ces vaccins sont contre-indiqués pour elles.

Et concernant les effets secondaires rares ou à long terme ?

Parmi les effets indésirables graves observés durant les trois mois des essais cliniques de BioNTech/Pfizer et de Moderna, on note des inflammations sévères mais transitoires des ganglions chez environ 0,3 % des vaccinés et 7 cas de paralysie temporaire du nerf facial (4 chez BioNTech et 3 chez Moderna, sur un total de 34 000 vaccinés), qui pourraient correspondre à la fréquence habituelle de cette affection, font savoir les experts. Impossible, en revanche, de capturer des effets secondaires d’une fréquence inférieure à 1 pour 10 000. Impossible également de se prononcer sur d’éventuels effets toxiques au-delà de trois mois. Seule l’utilisation à large échelle de ces vaccins pourra nous renseigner sur ces deux aspects.

À la question : l’ARN peut-il se recombiner avec l’ADN de la cellule humaine, que peut-on répondre ?

On peut répondre que, d’une part, l’ARN est une molécule très fragile et très instable : elle ne survit que quelques instants dans la cellule et, d’autre part, elle ne peut pas franchir la barrière du noyau et donc rentrer en contact avec l’ADN pour recombinaison.

  • La vaccination sera –t-elle efficace contre les variants qui sont en train d’apparaitre et de remplacer l’ancienne souche de Sars-Cov-2 en Angleterre et ailleurs dans le monde ?

Pour le moment, même si les mutations du variant anglais touchent également la protéine Spike (9 mutations sur près de 3 800 nucléotides), il reste de nombreux sites antigéniques sur cette protéine qui stimuleront le système immunitaire. L’ARNm utilisé pour la mise au point du vaccin est celui de la souche séquencée il y a un an. L’intérêt de travailler avec de l’ARNm est que l’on peut changer la séquence de l’ARNm très rapidement, aucune culture cellulaire n’est nécessaire. On peut très facilement changer la séquence d’ARN pour modifier le vaccin en un vaccin adapté à la nouvelle souche. Un autre aspect qui renforce le côté révolutionnaire de cette technologie : le vaccin à la carte.

Reste qu’il subsiste encore de nombreuses questions. À commencer par la durabilité de l’immunité conférée (on parle actuellement de trois à six mois), l’efficacité chez les plus de 75 ans ou encore l’impact du vaccin chez les personnes ayant déjà eu le Covid. Difficile également de savoir si ces vaccins empêcheront la transmission du virus : les personnes vaccinées pourraient être protégées contre la maladie mais être tout de même porteuses du virus et le transmettre.


S’en sont suivies, lors du débat de la réunion Zoom de ce 10 janvier, quelques autres questions :

  • À partir de quand sommes-nous protégés par la vaccination ?

Les études de phase III avec les vaccins à ARNm montrent une protection à partir du dixième jour après la première injection : le nombre de Covid positifs commence à apparaître au dixièmee jour dans le groupe placebo avec une augmentation exponentielle sur la période des trois mois qui suivent. Par contre, dans le groupe qui a été vacciné, les Covid positifs apparaissent bien plus tard avec une augmentation bien plus faible.

  • Peut-on repousser la seconde injection dans le cadre de la vaccination à ARNm ?

PfizzerBioNtech a validé le fait de repousser la seconde vaccination jusqu’à six semaines après la première injection. Initialement, c’était prévu pour trois semaines plus tard, mais, au vu de la pénurie de vaccins, ils considèrent que les bénéfices de la première injection seront suffisamment protecteurs et pas totalement perdus à première injection + six semaines.

  • Qu’en est-il de la transmission du virus lorsque l’on est vacciné ?

On sait que l’inoculum viral, même si le virus continue à être présent dans les voies respiratoires, sera fortement diminué. On ne peut donc pas garantir qu’une personne vaccinée ne soit plus contagieuse, en revanche on sait que la transmission inter-humains sera diminuée.

  • On nous parle de « course » contre la montre : pourquoi ne pourrait-on pas - prendre le temps de réfléchir ?

Parce que le virus mute : c’est-à dire l’ARN qui le constitue, au fur et à mesure que le virus se réplique, change : des erreurs de transcodages apparaissent. Il semblerait que, en un an, il y ait eu déjà plus de 30 000 virus mutants identifiés. Par contre, ces erreurs de réplication peuvent être importantes ou pas au vu de la contagiosité du virus, de son pouvoir létal (mortel)… On parle actuellement beaucoup du variant de Grande-Bretagne, qui serait apparu dans le Kent en septembre dernier et qui, actuellement, grâce à des changements de structure de la protéine Spike (liées à neuf mutations sur la partie qui s’accroche au récepteur humain), peut pénétrer beaucoup plus facilement dans les cellules humaines et donc se multiplier et se propager de façon bien plus efficace. La proportion de personnes qui vont être infectées va donc énormément augmenter et donc la proportion de personnes qui seront hospitalisées et celle des personnes qui en décèderont va exploser.

D’où la course contre la montre : vacciner le plus grand nombre possible de personnes fragiles pour limiter cette tragédie. La Grande-Bretagne a prévu de vacciner 15 millions de personnes d’ici mi-février.

  • La vaccination reste-t-elle efficace contre les variants ?

Dans le cadre du variant britannique, oui, car l’ARN codant pour la protéine S compte plus de 3 000 bases, donc de nombreux antigènes pourront être présentés au système immunitaire et la mémoire immunitaire créée sera suffisamment diversifiée pour protéger.

Par contre, pour les variants sud-africain et amazonien, une accumulation de mutations sur les zones d’ancrage de la protéine S diminuerait significativement l’efficacité du vaccin.

Dans ce cadre-là, la solution vaccin à ARNm reste un avantage puisque synthétiser l’ARN messager est une technique très malléable : il suffit de changer la composition en acide nucléique de la cible à synthétiser pour produire le nouvel ARN en grande quantité.

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