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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 92, mars 2014

IVG, les réacs à l’attaque… pas seulement en Espagne

Le 20 décembre dernier, le gouvernement espagnol adoptait un projet de loi limitant fortement l’avortement. Un recul considérable pour les femmes, qui s’inscrit dans une vague réactionnaire qui touche toute l’Europe.

Peu de temps auparavant, le Parlement européen enterrait le rapport Estrela (du nom d’une eurodéputée portugaise) qui plaidait pour un accès généralisé à la contraception, à des services d’avortement sûrs et à l’éducation sexuelle. En outre, le texte prônait une politique commune à tous les États membres, ce qui aurait contraint des États où l’avortement est interdit, comme l’Irlande, Malte ou la Pologne, à adopter une législation plus souple. Les réacs de tout poil et de tous pays ont mené une campagne virulente contre ce rapport, qualifié d’« abominable » par l’eurodéputé FN Bruno Gollnisch. Le lobby des « pro-vie » a aussi inspiré des attaques plus ciblées comme la proposition de dérembourser l’interruption volontaire de grossesse (IVG), soumise à référendum en Suisse, mais rejetée le 9 février dernier, et portée en France à l’Assemblée nationale par des députés de droite et d’extrême-droite.

C’est dans ce climat que s’inscrit la régression espagnole

Le ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardón, proche du clergé et fils d’un avocat proche du régime franquiste, a proposé un avant-projet de loi qui criminalise de fait l’IVG. Si la loi était votée, l’avortement ne serait plus autorisé que pour les cas où la femme encourrait un « grave danger » physique ou psychologique, et en cas de viol. Mais comme les victimes de viol devront encore porter plainte dans les délais, et que le danger pour la mère devra être confirmé par deux médecins... il deviendra presque impossible d’avorter.

Depuis 2010, l’avortement est autorisé en Espagne jusqu’à 14 semaines à la demande de la femme, voire 22 pour raisons médicales (contre 12 semaines en France, ce qui pousse de nombreuses femmes hors délai en France à avorter en Espagne). La société espagnole risque maintenant de faire un grand bond en arrière, avec une loi bien pire que celle de 1985 qui admettait les cas de malformation du fœtus et qui permettait aux femmes de contourner l’interdiction de l’IVG en invoquant un risque pour leur santé mentale. Comme toujours, cette régression sera aussi socialement inégalitaire, puisque les femmes qui auront les moyens pourront avorter à l’étranger. Pour les autres, ce sera le retour à l’avortement clandestin... ou des enfants non désirés.

L’interdiction de l’IVG est cependant rejetée par l’écrasante majorité des Espagnols (autour de 80 % selon les sondages). Y compris au sein du Partido Popular, le parti de droite au pouvoir, des voix se sont exprimées contre cette réforme, comme celles des présidents des régions de Galice et d’Estremadure. Et les réactions n’ont pas tardé à se faire sentir. Quitte à prendre au mot le système lui-même, des centaines de femmes ont fait enregistrer très officiellement leur corps… comme propriété privée ! Le 1er février, des manifestations étaient organisées en Espagne et dans toute l’Europe pour défendre le droit à l’IVG. À Madrid, ils étaient des dizaines de milliers, rejoints par les manifestants des « trains de la liberté », devenus symbole de la lutte pro-IVG, qui avaient été accueillis par des milliers de personnes lors des différentes étapes de leur route vers la capitale. Cette mobilisation d’ampleur a probablement été encouragée par la révolte victorieuse de Burgos et par le succès, en janvier dernier, de la « marée blanche », ce mouvement de défense de l’hôpital public qui a battu le pavé de la capitale pendant 14 mois, grâce auquel la justice espagnole a suspendu la privatisation de six hôpitaux madrilènes, projet aujourd’hui abandonné par les autorités régionales.

Reste que les réactionnaires ont l’avantage d’avoir engagé la bataille. Le promoteur de la loi espagnole, Ruiz-Gallardón, en est d’ailleurs conscient puisqu’il se dit « convaincu que cette initiative aura une suite dans d’autres parlements d’autres nations européennes ». Certains en France ont immédiatement saisi la perche, comme Jean-Marie Le Pen qui a salué le projet de loi comme manifestant un « souci du respect de la vie  »... La bataille pour l’IVG n’est pas terminée...

12 février 2014, Mehdi KAMAN

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