Crise grecque : les bobards des fourmis allemandes sur les cigales grecques !
29 mai 2010 Convergences Monde
« Pourquoi payons-nous aux Grecs des pensions de luxe ? », telle était la Une le 27 avril dernier de la feuille de boulevard la plus lue en Allemagne, le Bild. Dans les semaines précédant le « plan de sauvetage », bon nombre de médias se sont livrés à une véritable campagne de diversion et falsification. Chaque organe de presse ayant calibré l’art et la manière de s’adresser à son propre public. Le « Gyros-Konto ist leer […est vide] » écrivait le Bild du 23 avril. Jouant sur les mots « Gyros » du nom de la broche à griller des restos grecs et « Giro Konto » qui désigne en allemand le « compte courant ». Bref, les Grecs fauchés voulaient vider les comptes courants allemands ! Le lendemain, le journal titrait encore « Combien nous coûtent les Grecs en faillite ? ». En février, lorsqu’il a été question des chiffres du budget grec, quelque peu truandés pour que le pays puisse adhérer à la zone euro, le magazine économique Focus titrait : « Des arnaqueurs dans la famille Euro - la Grèce nous fauche notre argent » Titre illustré par la célèbre Vénus de Milo, faisant un doigt d’honneur aux Allemands, de la seule main qui lui reste ! Et le 3 mai, la même Vénus tendait ladite main pour faire la manche. Les Grecs auraient vécu au-dessus de leurs moyens ! Là-bas, on toucherait 14 mois de salaire, on prendrait ultra tôt sa retraite, on frauderait le fisc, on serait corrompu… Et tout à l’avenant.
Un bon paquet d’Allemands s’y sont-ils laissé prendre, de tous les milieux sociaux ? Toujours est-il que les médias se sont évertués à occulter la situation réelle. Et faire croire que l’Allemagne allait passer sous la table !
La presse n’a rien relaté des vraies conditions de vie des Grecs. Pas parlé non plus de l’intérêt des classes dominantes d’Allemagne. Avec l’introduction de l’euro, et l’adhésion de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal à la zone euro, la bourgeoisie allemande n’a pas lésiné sur les prêts – contre intérêts évidemment – à ces pays. Belle manne pour les banques allemandes auprès desquelles l’État et l’économie grecs se sont endettés d’un total de 43 milliards d’euros. Et chacun sait que l’argent des crédits reflue doublement dans la poche des prêteurs : sous forme de commandes et sous forme d’intérêts de la dette.
Et là où ça n’est pas allé tout seul, la corruption a aidé. Ces dernières années, pour la seule Grèce, Siemens a déboursé jusqu’à 100 millions d’euros en pots de vin à des agents de ministères et entreprises grecs : contrats à décrocher pour la rénovation du réseau téléphonique, pour des systèmes de communication destinés à l’armée grecque, ou systèmes de surveillance pour les jeux olympiques de 2004.
La classe dominante allemande a donc gagné sur deux tableaux : par l’endettement à son profit de la Grèce, et maintenant, dans la nouvelle phase de la crise qui voit l’euro chuter à 1,3 dollar, par le bond des commandes des entreprises allemandes hors zone euro. Et comme le plan d’austérité impose à la Grèce de privatiser de nombreuses entreprises publiques, voilà une nouvelle aubaine pour les entreprises allemandes en voie d’expansion !
Les mesures imposées aux travailleurs de Grèce sont en passe de faire tache d’huile, et de l’être aux travailleurs d’autres pays, y compris l’Allemagne. Il ne va pas falloir attendre longtemps pour qu’après une courte trêve électorale, il soit à nouveau question de réforme du système de santé et autres mesures d’austérité.
Nico HEYM
Mise au point
- En Grèce, plus de 50 % des travailleurs du privé vivent avec moins de 1000 euros par mois.
- Le concept de Génération 700 existe, pour désigner ceux - avant tout des jeunes - qui rapportent à la maison 700 euros pour un travail à temps plein, et par conséquent doivent vivre aux crochets de leurs parents. En fait, le SMIC grec est à 711 euros.
- Les 13e et 14e mois sont une maigre compensation de bas salaires.
- Le temps de travail hebdomadaire moyen est au deuxième rang des plus élevés de l’Union Européenne.
- La retraite minimale est de 486 euros, pour des prix de denrées alimentaires à peine inférieurs à ceux d’Allemagne ou de France.
- Il est vrai qu’il y a une grosse différence entre les salaires du privé et ceux du public, mais le niveau général n’est pas bien haut : les salariés des services publics gagnent autour de 1 200 euros net (quand la moyenne européenne est évaluée à 2 100 euros).
- Selon la GSEE le taux de chômage est de 17,5%, soit 800 000 chômeurs sur 4 millions et demie d’actifs (11,3% officiellement).
- L’âge moyen de départ à la retraite était de 61 ans en 2008.