Allemagne : « On se gèlera pas pour vos profits »

Ces dernières semaines, des manifestations à l’initiative de diverses organisations de gauche et d’extrême gauche se propagent un peu partout dans le pays. Dans le viseur, une inflation qui atteint déjà plus de 10 % outre-Rhin, portée par la hausse du prix de l’énergie et surtout celui du gaz.

Lundi 3 octobre, près de 1 500 manifestants se sont retrouvés dans les rues berlinoises – dans les quartiers ministériels, parcours malheureusement peu apte à s’adresser à des travailleurs souffrant de la hausse des prix. Nous avons néanmoins crié, haut et fort et tous ensemble, des slogans contre les trusts de l’énergie, pour la hausse des salaires et la diminution des loyers.

Une contestation qui se développe avec déjà plusieurs rendez-vous fixés sur le même sujet dans le mois, avec la volonté notable d’une partie de la « gauche de la gauche » allemande (présente dans Die Linke – parti de gauche qui a quelques députés et a participé à des gouvernements régionaux) de l’orienter uniquement sur le terrain institutionnel, et d’axer sur l’annulation des sanctions commerciales contre la Russie. Une orientation qu’on retrouvait sur de nombreuses pancartes, slogans et banderoles. Ce qui est bien discutable.

D’une part, les sanctions économiques contre la Russie pèsent d’abord et de tout leur poids sur les travailleurs russes : les classes populaires paient l’essentiel du prix de la guerre. D’autre part, avancer une telle revendication en Allemagne revient à masquer le rôle de la bourgeoisie européenne, en premier lieu allemande et française, dans une inflation destinée à sauvegarder des profits, à écraser les salaires : une politique entamée déjà avant le début de la guerre de Poutine contre l’Ukraine, avec déjà une explosion des prix du gaz.

Après les premières manifestations des dernières semaines, des rassemblements à l’appel de l’extrême gauche se sont multipliés, mais restent petits. Les prochains pourraient être plus massifs, avec entre autres un appel d’une partie du syndicat des services, Ver.di, pour le 22 octobre. Il faut noter, ici et là, des tentatives du milieu d’extrême droite de se mêler aux cortèges – des manifestants se sont fait expulser, qui portaient des drapeaux ou pancartes de groupes « conspirationnistes » ou plus ouvertement d’extrême droite. Dans des petites villes d’Allemagne de l’Est, des groupes de telles obédiences se montrent. Cependant, dans le contexte qui s’annonce de grèves pour les salaires, on peut espérer que les travailleurs se saisiront de la question de l’inflation à leur manière, pour imposer leurs revendications d’augmentation générale des salaires et de lutte collective pour l’arracher, laissant loin derrière les confusions et démagogies de l’extrême droite.

Correspondants