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Dépistage du Covid-19

Au-delà des effets d’annonce du gouvernement, la réalité des tests diagnostiques

25 avril 2020 Article Sciences

(Photo : Résultats d’une PCR sur différents échantillons en laboratoire )

Sommés par Macron de trouver des dispositions pour une sortie de confinement le 11 mai, Philippe et Véran se sont retrouvés devant la presse dimanche 19 avril avec finalement bien peu à annoncer. Une mesure fait cependant particulièrement parler d’elle : la mise en place d’un dépistage massif de la maladie avec 500 000 tests prévus par semaine à compter du 11 mai. 500 000 en une semaine, c’est plus que tous les tests qui ont déjà été effectués en deux mois, depuis le début de l’épidémie en France. Avec cette campagne de dépistage, la France s’aligne sur les autres pays ayant déjà recours massivement aux tests, comme la Corée du Sud ou l’Allemagne, mais avec deux mois de retard [1]. Au fait, de quoi parle-t-on quand on évoque ces tests ? Entretien avec une biologiste moléculaire qui nous en explique le fonctionnement et les problèmes posés par l’annonce du gouvernement.

On parle beaucoup de « tests », sans savoir exactement s’il en existe plusieurs, ni quelles sont leurs caractéristiques. Est-ce que tu peux nous préciser quels sont les tests actuellement utilisés ?

À l’heure actuelle, il existe deux principales techniques sur lesquelles se basent les tests diagnostiques :

– les tests PCR (pour « Polymerase Chain Reaction » en anglais, réaction en chaîne par polymérase) consistent à rechercher directement le virus responsable de la maladie, le SARS-Cov-2, dans des prélèvements effectués dans la cavité nasale du patient. Ils donnent donc une information sur l’état d’infection d’une personne à un instant donné ;

– les tests sérologiques supposent de rechercher dans le sang du patient les traces de la réaction immunitaire qu’a déclenchée le virus en l’infectant, c’est-à-dire les anticorps produits après le contact avec le virus. Ces tests indiquent alors si une personne a déjà été en contact ou non avec le virus, mais ne permettent pas de savoir si la personne est toujours contagieuse ou non.

Comment fonctionnent les tests PCR, qui sont les plus utilisés par les pays dépistant massivement, comme l’Italie ou la Corée du Sud ?

Les tests PCR consistent à détecter les traces du virus dans l’organisme. Ils nécessitent des prélèvements nosopharyngés, effectués à la jonction entre la cavité nasale et le pharynx. Pour cela, on utilise un écouvillon que l’on insère jusqu’en haut de la cavité nasale et qui va récupérer une partie des sécrétions, ainsi que des cellules de la muqueuse, à partir desquelles on va essayer de détecter le virus. Des études chinoises montreraient que l’on peut retrouver du virus chez un patient atteint du Covid-19 jusqu’à 37 jours après les premiers symptômes, mais on considère que la moyenne de persistance du virus dans l’organisme est de 14 jours et dépend de la gravité des symptômes.

Quelles sont les étapes pour ces tests et quel temps cela prend-il ?

Une fois le prélèvement effectué, on se retrouve avec un échantillon qui contient à la fois des cellules du patient, avec leur matériel génétique (sous forme d’ADN et d’ARN), ainsi que d’éventuels virus, avec leurs propres matériels génétiques (sous forme d’ARN dans le cas du SARS-Cov-2). L’objectif va donc être de détecter les traces du matériel génétique du virus, en quantité parfois faible, parmi celui des cellules humaines, en beaucoup plus grande quantité. Si on en trouve, cela signifie que le virus est présent chez le patient.

La première étape consiste à isoler le matériel génétique, humain et celui du virus, de tout ce qui pourrait perturber la détection : mucus, protéines, membranes cellulaires, etc. Cette étape est réalisée au sein d’une première machine qui peut traiter presque 50 prélèvements en deux heures.

La deuxième étape consiste à détecter le matériel génétique du virus, s’il est présent. Si c’est le cas, il l’est généralement en trop faible quantité, il faut donc le multiplier. Pour cela, le prélèvement est déposé au sein d’une deuxième machine, appelée amplificateur, dont le rôle va être d’amplifier indistinctement tout le matériel génétique, c’est-à-dire d’en faire de nombreuses copies afin qu’il soit en quantité suffisamment importante pour être identifié. Cette étape est réalisée par une enzyme, une grosse molécule protéique, appelée polymérase, ce qui donne son nom à la technique de Réaction en chaîne par polymérase (« Polymerase Chain Reaction », PCR, en anglais).

Enfin, pour détecter le matériel génétique du virus, on va utiliser des sondes fluorescentes moléculaires qui vont venir se fixer spécifiquement à l’ARN du virus. Le prélèvement d’un patient positif au Covid sera donc fluorescent et détecté par les capteurs de l’amplificateur. Cette étape dure également environ deux heures.

En comptant les temps de latence entre les deux étapes (isolement / organisation et détection), on peut obtenir avec les machines actuelles le résultat d’environ 50 tests au bout de six heures.

Où se trouvent les machines en question en France ?

On en trouve principalement dans les laboratoires des hôpitaux universitaires, dans les services spécialisés de biologie moléculaire. Ce sont eux qui aujourd’hui assurent le plus gros volume de tests à l’échelle nationale. Mais on peut également trouver des machines qui effectuent des tests unitaires dans des structures moins spécialisées, comme les urgences d’un petit centre hospitalier, les services de réanimation lors des heures de garde, ou du week-end, et naturellement dans les laboratoires privés de ville. Dans ce type d’endroit, on aura des machines qui font des tests au coup par coup, le prix du test sera donc très cher, mais on aura un résultat en 45 minutes.

Comme tu l’as évoqué plus haut, il existe un autre type de test dit « sérologique », quelle est la différence avec les tests PCR ?

Les tests sérologiques consistent à détecter les traces du passage du virus dans l’organisme, donc après la phase d’infection et la réaction immunitaire qui a suivi.

Après la phase dite aiguë de la maladie, un patient aura développé dans son organisme de grosses molécules qui sont spécifiques du virus : les anticorps. Ces anticorps ont pour but d’activer les défenses immunitaires de l’organisme dès qu’il sera confronté une nouvelle fois à la présence du virus. Il en existe de deux catégories : les immunoglobulines M (IgM) et les immunoglobulines G (IgG). Les IgM sont les premiers anticorps produits par l’organisme et donc les premiers détectables à la suite d’une infection. Mais ils ne sont produits qu’en faible quantité, c’est pour cela qu’on essaie également de détecter les IgG, présentes plus tardivement mais en plus grande quantité, donc plus facilement détectables.

Structure moléculaire d’une immunoglobuline G (crédits : Gareth White / CC BY-SA)

Ces molécules se trouvent dans le sang, une seule goutte est théoriquement suffisante pour détecter leur existence. En pratique, du fait des seuils de détection, on réalise une prise de sang chez les patients afin d’augmenter la quantité de molécules d’anticorps détectables.

Comment se passe la détection dans ce cas-là ?

Les IgM et IgG sont ensuite détectées directement à partir du prélèvement sanguin. Celui-ci va être déposé sur une plaque qui va capturer les anticorps spécifiquement dirigés contre le SARS-Cov-2, s’ils sont présents. Une molécule fluorescente capable également de se fixer à ces anticorps va ensuite être ajoutée à la plaque. S’il y a fluorescence, cela signifie que la molécule fluorescente s’est bien fixée aux anticorps, donc que ceux-ci sont présents dans le prélèvement sanguin.

Dépistage du VIH

À partir de quand peut-on détecter ces anticorps chez une personne infectée ?

Dans le cas du SARS-Cov-2, la détection des anticorps chez une personne infectée serait possible à partir de une à deux semaines après l’apparition des symptômes, et jusqu’à sept semaines après le déclenchement de la maladie. Impossible donc de savoir avec ces tests si le patient est encore contagieux ou pas, puisqu’il peut encore avoir des anticorps dans le sang, mais on s’interroge encore sur la présence du virus dans le sang à ce stade-là. On peut seulement savoir si le patient a été en présence de la maladie. Ces tests ont donc surtout un rôle épidémiologique pour déterminer quel pourcentage de la population a vraiment été contaminée par le virus, et notamment de déterminer le nombre de patients asymptomatiques, ainsi que de savoir si la personne testée est susceptible d’être considérée comme immunisée ou pas, suivant son taux d’anticorps.

On entend parler de résultats incertains pour ces tests, est-ce qu’ils sont réellement efficaces ?

Selon le test auquel on s’intéresse, on peut être confronté à un certain nombre de limites qui ne sont pas encore levées.

La sensibilité, c’est-à-dire la capacité de détection, des tests PCR est relativement basse, puisqu’on estime à au moins 30 % de « faux négatifs » parmi les résultats. Ce qui signifie que près d’un tiers des résultats de ces tests renvoient une absence de virus dans le prélèvement alors que le patient est réellement infecté.

Les tests sérologiques sont eux beaucoup plus sensibles mais présentent de leur côté des soucis de spécificité. C’est-à-dire qu’un résultat positif de ces tests peut également être dû à la présence d’anticorps très similaires à ceux du SARS-Cov-2 mais produits par d’autres maladies, notamment la grippe et les rhumatismes.

Aujourd’hui, quelles sont les capacités de production des tests ?

La capacité de mise en place de ces tests n’échappe pas au contexte de concurrence capitaliste exacerbée qui touche tous les produits médicaux. Ainsi, les unités hospitalières capables d’effectuer un grand volume de tests montent actuellement jusqu’à 750 tests par jour. Pour atteindre les 500 000 tests par semaine, il faudrait donc démultiplier les machines (et les produire !), embaucher et former le personnel, élargir les amplitudes horaires…

Les consommables, comme les écouvillons, nécessaires aux tests PCR sont également en rupture de stock depuis deux semaines, les soignants chargés du prélèvement se débrouillent avec ce qu’ils ont sous la main. Sans compter qu’un certain nombre de consommables sont produits dans des pays comme l’Italie, eux aussi sujets à l’épidémie, et qui ont adopté la même stratégie de tests à grande envergure.

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’un dispositif de dépistage de 500 000 tests par semaine, qu’est-ce que tu en penses ?

À gauche : nombre de tests journaliers pour 1 000 habitants À droite : nombre de cas confirmés de Covid-19 par million d’habitants (source : Our World in Data)

Au 14 avril, la France aurait mené près de 464 000 tests diagnostiques pour détecter le Covid-19 chez des patients, soit 0,66 % de la population. Une paille quand on sait qu’au même moment, l’Italie, dont la taille et l’âge de la population sont similaires à la population française, en aurait effectué presque 1 074 000, et les États-Unis, 2 935 000 [2]. Et même ces chiffres, bien supérieurs à la capacité de test de la France, semblent dérisoires devant l’ampleur de la tâche à effectuer : c’est-à-dire tester un pourcentage significatif de la population pour connaître avec précision la rapidité et l’ampleur de l’épidémie. Tester une personne une seule fois ne s’avère en effet pas suffisant : si elle a été diagnostiquée négative, elle peut très bien être contaminée après son test, et ne pas être détectée. Il faut donc prévoir de tester massivement, plusieurs fois, les personnes susceptibles de se déplacer et de contracter ou de participer à la propagation de la maladie. Parce que ne pas connaître le nombre réel de cas, ou du moins en avoir une estimation trop éloignée de la réalité, ne peut avoir pour conséquence qu’une mauvaise anticipation de la réponse des services de santé devant la maladie, déjà bien affaiblis par des années de restrictions budgétaires, et amener à toujours plus de décès.

Dès le 16 mars, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) faisait déjà passer le message suivant aux nations touchées par le Covid-19 : « Testez, testez, testez. » [3] Mais la plupart des États les plus riches du globe n’en ont pas vraiment tenu compte puisqu’à l’époque, la France avait procédé à 37 000 tests depuis le 24 février, c’est-à-dire un peu plus de 1 700 tests par jour. Dans ces conditions, difficile de vraiment connaître le nombre de personnes contaminées et de lutter efficacement contre la maladie…

Propos recueillis par Simon Costes


[2https://ourworldindata.org/grapher/full-list-total-tests-for-covid-19

[3https://news.un.org/fr/story/2020/03/1064142

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