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Trente sept et demi, la bonne température sociale

21 janvier 2003

La tournée européenne entreprise par François Fillon, ministre français des Affaires Sociales, poursuit un but propagandiste évident : prendre à témoin les politiques menées dans les autres pays pour convaincre la population française qu’une remise en cause du système des retraites est inéluctable. Le ministre a pris soin de proposer à chaque syndicat de désigner un représentant pour l’accompagner dans ce prétendu voyage d’études. La plupart ne se sont pas fait prier, à l’image de la CFDT qui par la voix de Chérèque a qualifié cette tournée « d’ouverture intéressante ». Voilà donc Fillon flanqué de représentants de la CFDT, de FO, de la CGC et de la CFTC, prêts à prendre des notes. Et si la CGT a préféré décliner l’invitation, c’est qu’elle a sans doute jugé qu’un geste de connivence aussi ouvert avec le gouvernement serait de trop juste après le désaveu que lui a infligé sa base à EDF-GDF.

Le gouvernement à la recherche de la caution syndicale

Le succès du « non » au référendum sur la réforme des retraites à EDF-GDF a incité le gouvernement à redoubler de prudence dans son attaque contre les retraites. L’épisode d’EDF a rappelé décembre 1995 à son bon souvenir. Alors, il se veut rassurant. Brandissant l’épouvantail de l’exemple allemand, Fillon a réaffirmé : « ce n’est pas le choix de la capitalisation que nous nous apprêtons à faire », faisant écho à Chirac, qui n’avait évoqué l’épargne-retraite que comme un « mécanisme d’appoint ». Mais le gouvernement sait que les précautions oratoires ne suffiront pas. Dès maintenant, il recherche la caution des syndicats. C’est dans ce but qu’il a programmé pour début février l’ouverture de la « concertation-négociation » avec les « partenaires sociaux » sur la base d’un mémorandum qui sera présenté le 1er février par Raffarin.

Le gouvernement n’a pas eu besoin de pousser beaucoup pour que les syndicats indiquent leur intention de participer à la démarche gouvernementale. C’est même sur cette base qu’ils sont en train de se retrouver ! C’est pour « affirmer ensemble la nécessité d’une réforme » que les 7 confédérations syndicales (CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO, FSU, UNSA) ont décidé de rédiger une déclaration commune le 6 janvier dernier appelant les salariés à manifester le 1er février. Et les syndicats ne se privent pas d’affubler ladite « réforme » de noms aussi ronflants que trompeurs : « enjeu de société », « contrat social », « alliance intergénérationnelle ».

Une unité syndicale sur du flou, pour négocier dans le dos des travailleurs

De quelle réforme, de quel enjeu s’agit-il et qu’ont-ils véritablement en tête ? Le contenu du colloque que les syndicats ont organisé conjointement à la Villette vendredi dernier 17 janvier est édifiant. Ils y ont débattu, non pas de la défense des acquis des travailleurs et des retraités, mais de « l’adaptation des systèmes de retraite ». Pour alimenter leur réflexion, des dirigeants syndicalistes européens étaient invités à venir exposer comment ils avaient entériné la remise en cause des droits des retraités dans leurs pays respectifs (Italie, Espagne, Belgique, Suède, Allemagne). Pour donner une idée des conseils reçus, on peut citer Benetti de la Confédération Italienne des syndicats, déclarant que « les systèmes ne doivent être défendus que s’ils sont défendables », et que « l’élément fondamental de notre réforme a résidé dans l’harmonisation des pensions, soit l’élimination de tous les régimes spéciaux ». Nous voilà donc revenus à la réalité : si réforme il y a, elle n’est pas envisagée dans le sens des intérêts des travailleurs. Et si les dirigeants des confédérations syndicales osent parler de « réforme sociale », c’est parce qu’ils veulent camoufler honteusement le fait qu’ils sont prêts à cautionner des reculs sociaux.

Les syndicats ont réalisé l’unité, mais ce n’est pas pour renforcer les travailleurs en préparant la riposte des travailleurs face aux attaques annoncées.

On peut en juger par le contenu de la plate-forme commune signée le 6 janvier dernier. Parmi les sept « propositions communes pour consolider les systèmes de retraite des salariés des secteurs publics et privé », aucune revendication précise et chiffrée n’est mise en avant. La déclaration prétend « viser un haut niveau de retraite »... sans préciser de taux de remplacement, ni le retour à la référence aux 10 meilleures années supprimée par Balladur, ni l’indexation des pensions sur les salaires ; quant au financement, aucune « proposition », et en tout cas pas celle de prendre sur les profits. Concernant la durée de cotisation, la plate-forme ne mentionne aucunement le retour à 37,5 années pour tous, de même qu’elle évite d’évoquer les régimes spéciaux. Les revendications chiffrées qu’avançaient jusqu’il y a peu la CGT, FO ou la FSU, ont disparu de la plate-forme commune, sous le prétexte bien commode... de l’unité syndicale.

La CGT, qui avec la CFDT a été à l’origine de cette « démarche de proposition syndicale » se réjouit dans ses tracts de cette « décision unitaire exceptionnelle ». Cette initiative unitaire est dans la droite ligne de la politique unitaire menée par la CGT-CFDT pour approuver la remise en cause des régimes spéciaux de retraite à EDF-GDF.

Les revendications unitaires des travailleurs pour le 1er février

Si les directions syndicales appellent les travailleurs à manifester dans la rue le 1er février, c’est pour négocier dans leur dos.

Mais comme à EDF-GDF, les travailleurs ont les moyens de surprendre les calculs des leaders syndicaux. Et à la plate-forme bidon du 6 janvier opposer les revendications qui peuvent unifier public et privé : 37 ans et demi d’annuités pour tous, départ avec un minimum de 75% du salaire prime intégrée, référence sur les dix meilleures années pour le privé ou sur le dernier salaire pour le public, pas d’augmentation des cotisations et aucune forme de capitalisation ! Et pour régler le problème de l’équilibre des caisses de retraite : augmentation générale des salaires, interdiction des licenciements et embauches massives dans les services publics. Tous ensemble le 1er février sur ces revendications !

Simone CANETTI

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