Tout sauf Sarko… Vraiment ?
27 avril 2007
« Tout sauf Sarkozy », entendons-nous de différents côtés depuis deux jours. C’est le code pour dire « Tous derrière Royal ».
Un beau tour de passe-passe. Car avec Royal nous n’aurons peut-être pas Sarkozy. Mais à coup sûr nous aurons sa politique, celle qui conviendra au camp des spéculateurs, des exploiteurs et des licencieurs. Et encore ! Après les présidentielles il y a les législatives. Même sans remonter aux deux ans de gouvernement Mitterrand-Chirac, les deux adversaires du deuxième tour des présidentielles de 1988, il y a eu les cinq ans de gouvernement Chirac-Jospin, les deux adversaires du deuxième tour des présidentielles de 1995. Alors absolument exclu, un jour, le couple Royal-Sarkozy ?
La politique de Sarkozy nous l’aurons aussi en gros et en détail avec Royal (si la mobilisation populaire ne s’y oppose pas). Sarkozy veut « policer » la jeunesse. Royal, elle, veut la militariser. Où est le moins pire ? Avec Sarkozy la précarité ne diminuera pas, ç’est sûr. Mais Royal veut rétablir un CPE encore plus favorable aux patrons. Où est le mieux ? Ce n’est pas avec Sarkozy que les sans papiers en auront, certain ! Mais Royal se refuse à légaliser massivement : au coup par coup donc, et en expulsant les autres. C’est exactement ce qu’a fait et ce que se propose de faire Sarkozy… et ce qu’a fait aussi Chevènement quand il était ministre, lequel soutient aujourd’hui Royal et sera sans doute à nouveau ministre demain, si elle est élue. Il serait trop long d’énumérer toutes les similitudes des deux projets. Celles des politiques des gouvernements dont ont fait partie l’un ou l’autre candidat suffiraient pour nous édifier.
Mais nous en avons un bon exemple juste sous les yeux. Bayrou est un homme de droite que critiquait Royal la semaine dernière. Négocions une alliance lui propose-t-elle cette semaine. De quoi en effet se faire « gondoler » Bayrou, désormais peloté par le PS et chatouillé par l’UMP ! Mais pas vraiment de quoi faire rire tous les électeurs de gauche que trop de monde, y compris à la gauche de la gauche, appelle à passer sur leurs réticences et leurs méfiances et voter Royal, au prétexte de chasser la droite. Depuis hier ces électeurs peuvent savoir qu’ils ont toutes les chances de voir se concrétiser leurs craintes sous une présidence Royal et… d’avoir toujours la droite en prime.
Nous regrettons donc l’empressement qu’a mis l’extrême gauche à appeler à voter Royal dès dimanche soir. Cet empressement permet à la candidate du PS de considérer comme acquises, sans frais, les voix sur sa gauche et de s’activer exclusivement à séduire sur sa droite (et donc d’infléchir encore son programme dans cette direction). Mais si Royal veut les voix des électeurs d’extrême gauche, que ne prend-elle quelques engagements de satisfaire un minimum de revendications des couches populaires ?
Est-ce un retour à sa vieille politique de la part de la LCR qui pourtant durant la campagne a pris toutes ses distances avec la gauche gouvernementale ? L’effet de l’abattement de LO devant son mauvais résultat ?
Il n’y a pourtant pas de quoi s’effondrer. Certes Arlette Laguiller a fait son plus mauvais score. Pourtant en totalisant celui-ci et celui d’Olivier Besancenot (comme Arlette elle-même nous a invités à le faire au cours de la campagne) l’extrême gauche arrive à son résultat de 1995 en pourcentage et le dépasse en nombre de voix. Moins qu’en 2002 c’est vrai. Mais en 1995 Arlette Laguiller se présentait seule (la LCR n’ayant même pas pu le faire) et ce sont bien les élections de cette année-là qui sont considérées comme marquant la percée de l’extrême gauche sur la scène électorale.
Malgré les apparences (électorales), ou les commentaires des médias (purement électoralistes), l’extrême gauche n’a pas moins de forces militantes réelles pour intervenir sur la scène politique et sociale dans la période qui vient. Elle aurait toujours avantage à intervenir en commun, ce qui est d’autant plus facile à envisager que les candidats des deux organisations ont défendu dans cette campagne électorale le même programme (les mêmes mesures d’un plan d’urgence à mettre en avant comme objectifs lors des prochaines mobilisations sociales, la même dénonciation du programme du PS et un refus clair d’alliances avec la gauche gouvernementale). Il n’y aurait vraiment que les vieux réflexes, ayant nui si souvent au mouvement trotskyste, qui pourraient constituer un obstacle : accès de triomphalisme à la LCR enivrée par le résultat du premier tour, repli sur elle-même de LO, trop occupée à panser ses plaies (seulement électorales, c’est-à-dire au fond sans véritable importance).
Mais si cette volonté d’intervention existe bien, elle aura vite des occasions de se manifester : dès le 1er mai en constituant ensemble des cortèges d’extrême gauche conséquents ; quelques semaines plus tard en présentant des candidatures communes lors des législatives, sur un programme commun des révolutionnaires déjà tout trouvé, celui défendu chacun de leur côté par Olivier Besancenot et Arlette Laguiller.
Jacques MORAND
Réactions à cet article
2. Tout sauf Sarko… Vraiment ? , 1er mai 2007, 23:07
Globalement en accord avec votre article, auquel vous auriez pu rajouter que la loi de sécurité intéreure de Sarko est une « copie collée » du projet de loi de sécurité quotidienne de D. Vaillant ministre PS de l’intérieur. Bien sûr Royal mettra en place le CPE ; bien sûr la loi sur l’immigration est la même pour les deux, puisque les propositions de S. Royal sont une paraphrase de la loi sur l’immigration choisie. L’appel de la LCR a néanmoins changé par rapport aux appels à voter « social-democrate » précédents : il s’agit d’un référundum anti Sarko et non vote Royal, et c’est beaucoup plus qu’une nuance. De plus il ne faut pas oublier que cet appel est double : dans la rue et dans les urnes, et là la nuance n’est plus du tout une nuance. Enfin, il est clair que le tout sauf Sarko n’est en aucun cas une fin en soi, ce sur quoi je suis en total accord avec votre article ; cependant, si on peut 1) se priver d’un individu violent dans les actes et les paroles (la racaille, le karcher et la rue Rampal) ; 2) envoyer un avertissement, si faible soit-il que toutes les Lepenisations et autre mépris (la France qui bosse contre celle qui se lève tard, i.e. les chomeurs et précaires ; la France qu’on aime pas on la quitte) peuvent ne pas passer cela passe aujourd’hui par une tentative de barrage anti-Sarko.
En ce qui concerne l’action unitaire, malheureusement cela reste à batir et c’est un grave échec de la campagne du 1-er tour, à mon sens, que d’avoir échoué sur ce point au moins entre LO et la LCR qui ont effectivement fait des campagnes très voisines. Est-ce que ne pas appeler à un barrage anti-Sarko aiderait à construire la barque unitaire ? Si oui, alors on se trompe.
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