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« Refondation » de l’assurance-chômage : Circulez, il n’y a rien à discuter !

24 mars 2000

Le patronat nous la joue belle avec sa « refondation sociale ». Après avoir ouvert le dossier des retraites et celui de la politique contractuelle, c’est le tour de l’assurance-chômage. Le MEDEF avait bloqué la discussion sur la convention liant l’UNEDIC à l’Etat, jusqu’à son expiration au 31 décembre dernier. L’ancienne convention ayant été prolongée jusqu’au 30 juin 2000, l’organisme patronal veut d’ici là faire accepter aux syndicats une remise en cause complète du système actuel.

Le MEDEF - mais ne fallait-il pas s’y attendre ? - ne fait pas dans la dentelle. Sous prétexte d’inciter les chômeurs au retour à l’emploi, il propose en gros de transformer ceux-ci en « clients » d’une UNEDIC « prestataire de services » offrant à chaque chômeur un « service personnalisé ». Après avoir fait passer « un bilan de compétence » au chômeur, l’assurance-chômage lui proposerait soit un emploi disponible ou une formation, soit même un emploi à mi-temps accouplé à une formation. En cas de refus, un seul ou plusieurs, le chômeur perdrait ses indemnités.

Seuls continueraient à être indemnisés ceux à qui aucune proposition ne pourrait être faite : les cas difficiles comme les chômeurs de longue durée de plus de 50 ans sans qualification, dont les patrons ne veulent plus. Ceux-là pourraient même continuer à être indemnisés sans dégressivité jusqu’à leur retraite, laisse entendre le MEDEF. Quelle mansuétude !

Il s’agit ni plus ni moins que de contraindre tous les autres chômeurs encore exploitables, d’accepter à n’importe quel prix, n’importe quel « job » que le patronat en quête de main- d’oeuvre en cette période d’expansion, est « généreusement » prêt à offrir.

La recette n’est pas originale et le MEDEF brandit l’exemple de la Grande Bretagne ou des Etats-Unis où, avec de telles méthodes, en multipliant le travail à bas salaire et à temps partiel dans une économie en expansion, les statistiques peuvent afficher des taux de chômage en baisse. Tandis que dans le même temps se multiplient ce qu’on appelle désormais les « working poors », c’est-à-dire les pauvres au travail, ceux qui avec ce qu’ils gagnent ne peuvent même pas, par exemple, se loger décemment ou se soigner. Mais qu’importe puisque c’est ainsi que les profits du capital se multiplient !

Le MEDEF, à l’occasion de cette discussion sur l’assurance-chômage, ne se contente d’ailleurs pas de la seule remise en cause de l’indemnisation des chômeurs. Il propose aussi un nouveau type de contrat de travail, pouvant être limité à quelques années, à l’issue duquel le patron pourrait bien entendu se débarrasser de son salarié sans frais. La fin du CDI en quelque sorte, rien de moins !

Il est vrai que le patronat ne fait en la matière que marcher sur les brisées de l’Etat, car les divers gouvernements de gauche et de droite qui ont inventé et développé les différentes formes « d’emplois-jeunes », valables pour plusieurs années, ont déjà largement ouvert la porte à ce type de précarité. Les patrons privés revendiquent seulement aujourd’hui la possibilité pour eux aussi d’en croquer.

Le plus lamentable dans toute cette affaire c’est l’attitude des syndicats. Ils ont la prétention de représenter les intérêts des travailleurs mais ils ont tous sans exception accepté d’aller discuter sur les bases posées par le patronat, au nom d’une prétendue nécessité de maintenir le « dialogue social ». Même si c’est pour y dire leur opposition aux projets du MEDEF comme pour le moment FO et la CGT, alors que la CFDT, la CFTC la CGC laissent, elles, carrément entendre qu’elles veulent aussi discuter d’une « incitation au retour à l’emploi ».

Le patronat, lui, n’avait de toutes façons laissé planer aucun mystère quant à ses intentions. Il avait à la fin de l’année dernière dénoncé tous les systèmes de protection sociale en affirmant sa volonté de les remettre totalement en question. Et il avait invité les syndicats à de nouvelles discussions sur cette base. La seule réponse conforme aux intérêts des travailleurs aurait dû consister alors à montrer qu’il n’était pas question de le laisser faire, ni de discuter de la recherche du moindre compromis sur cette question. C’était le seul moyen de préparer les salariés à s’opposer par la lutte à tout retour en arrière.

Heureusement, il n’est pas encore dit que les travailleurs et les chômeurs laisseront passer les mauvais coups du MEDEF, même s’ils bénéficient de la complicité passive ou plus ou moins active des syndicats.

Louis GUILBERT

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