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Leur couper toute indemnisation électorale !

2 mars 2004

Le mardi 2 mars, le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande présente à l’Assemblée nationale une motion de censure contre la « politique d’abandon social » de l’équipe Raffarin. « Chômage, pauvreté et inégalités… régression sociale de grande ampleur… » dénonce le leader socialiste. Mais quand il ajoute « …que connaît notre pays depuis deux ans… », ça fait pour le moins sourciller ! Les attaques anti-ouvrières du gouvernement Chirac-Raffarin tombent drues. Mais celles de Chirac-Jospin ? Et des gouvernements socialistes antérieurs, aidés du PCF et des Verts ?

Prenons la scandaleuse affaire des chômeurs à qui toute indemnisation est retirée, et la course de relais gauche-droite, qui a conduit à la situation dramatique d’aujourd’hui.

En 1982, premier gouvernement de gauche depuis 23 ans (un million et demi de chômeurs officiels à l’époque), premier coup contre l’indemnisation chômage. Les « taux de remplacement » passaient de 80 % à 75 % et surtout, à un système où tous les bénéficiaires d’allocations les touchaient pendant trois ans, succèdait une différenciation entre chômeurs, en fonction de leur âge, des cotisations versées. Entre 1982 et 1997, la durée maximale d’indemnisation passait de 36 mois à 30, 15, 7, 4… ou plus d’indemnisation du tout - suivant les cas.

En 1984, le gouvernement socialiste accédait au désir du CNPF de séparer les allocations relevant de l’assurance chômage (financées par les cotisations sociales, dont patronales, à l’UNEDIC) et celles relevant de l’assistance, financées par l’Etat (et donc les contribuables).

En 1992, dans le contexte d’une flambée du chômage, nouvelle attaque aux indemnisations, certes négociée entre partenaires sociaux mais sous le patronage de l’Etat. C’était la mise en place de l’Allocation Unique Dégressive (AUD), c’est-à-dire d’une allocation qui baissait tous les 4 mois (autant d’économies pour l’UNEDIC).

Ces différentes réformes réduisirent considérablement les indemnisations chômage sur 20 ans, surtout pour les plus jeunes, les bas salaires, les temps partiels, ceux qui avaient le moins travaillé dans les mois précédant l’inscription aux ASSEDIC. Ainsi, l’assurance-chômage pour un salarié au Smic de 40 ans baissa de 21 % entre 1979 et 1997.

Et on assista au transfert croissant de chômeurs sur la part d’indemnisation étatique… et rachitique ! Cette ASS (« Allocation spécifique de solidarité » versée par l’Etat aux chômeurs en fin de droits), d’environ 400 euros par mois aujourd’hui, soit à peine plus que le RMI, concernait 34 800 personnes en 1992 mais 467 000 en 1995, sous l’effet de la réforme de 1992. Avec pour dernier filet pour les chômeurs, le RMI (lui aussi d’inspiration socialiste). Le nombre des RMIstes augmentait de 21 % pour la seule année 1993, conséquence encore de la réforme de 1992.

Depuis, l’AUD a fait place au PARE, en décembre 2000. C’était un accord entre « gestionnaires » des caisses de chômage, au premier titre desquels le Medef et la CFDT (sans oublier la CGC et la CFTC), mais néanmoins sous le patronage de Martine Aubry. Et bel et bien une nouvelle machine à radier les chômeurs. L’œuvre du PARE de gauche a été peaufinée par un PARE de droite en décembre 2002. Il a pris ses terribles effets par étapes. Dès 2003, plusieurs centaines de milliers de nouveaux allocataires n’allaient connaître que des durées d’indemnisation courtes. Et à partir du 1er janvier 2004, quelque 180 000 à 200 000 chômeurs plus anciens voyaient leur indemnisation brutalement coupée. Sans compter les quelque 600 000 dont ce sera le tour dans les mois qui viennent. Selon certaines estimations, le pourcentage de chômeurs indemnisés parmi ceux qui sont inscrits à l’ANPE pourrait tomber à 30 %.

Du côté de l’Etat, c’est la même guillotine. L’Allocation d’Insertion qui était versée depuis 1984 à certains demandeurs d’emplois (en particulier des jeunes et des femmes avec charge de famille) a été quasiment supprimée en 1992. L’ASS n’a été que très faiblement réévaluée et a connu des restrictions d’attribution, dont la dernière en date et la plus dure vient d’être commise par Raffarin. A compter du 1er janvier 2004, l’ASS ne sera plus versée que pour une durée limitée à 3 ans pour ceux qui y ont déjà droit, à 2 ans seulement pour les nouveaux bénéficiaires. Une partie d’entre eux ne pourra même pas postuler en échange à un RMI.

Pour Raffarin, c’est la façon de « mettre la France au travail ». Qui n’a rien inventé puisqu’en 1991, son compère socialiste Charasse menait campagne contre les « faux chômeurs » et imposait légalement que l’attribution des allocations soit soumise à des actes « positifs » de recherche d’emploi.

Dans ce contexte, les « J’accuse » des socialistes ont un goût d’amer voire de rance. Voter pour eux serait voter « utile », disent-ils ? Tandis que voter pour les listes présentées par Lutte Ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire serait se condamner à « l’impuissance » ? De simples retours sur la politique passée montrent où est l’impuissance et l’inefficacité. Disons même la nocivité, car les socialistes ne s’engagent pas à revenir sur aucune des mesures anti-ouvrières prises !

Les travailleurs et les chômeurs n’ont pas la mémoire aussi courte que les indemnités de chômage que leur ont réservées, au gouvernement, la droite comme la gauche.

Michel CHARVET

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