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« La gauche populaire » de Buffet : du neuf avec du vieux

24 février 2004

Pour Marie-George Buffet, dans ces élections régionales, la voie est étroite : il faut à la fois se démarquer du Parti socialiste et de l’extrême-gauche. Faisant mine de vouloir faire du neuf, avec la liste qu’elle conduit en Ile-de-France elle annonce l’ambition de « rebâtir une gauche populaire ».

Un pied dans le mouvement populaire…

Mais cette nouvelle « gauche populaire », qu’a-t-elle a de vraiment neuf ? Marie-George Buffet fait état pour la constitution de sa liste de l’association de communistes et de non-communistes, et se prétend le porte-parole du mouvement social, en donnant une certaine place à des militants syndicaux et associatifs. C’était déjà le cas lorsque Robert Hue avait présenté sa liste « Bouge l’Europe ! » pour les élections européennes de 1999… avec le succès que l’on sait.

Quant au discours, il est un peu gauchi, mais pas trop. Par exemple, les dirigeants du PCF remettent parfois en cause les subventions publiques aux entreprises privées, réclament leur « contrôle », ou demandent qu’elles soient accordés « sous conditions ». Reste que les élus communistes n’excluent pas de voter l’octroi de fonds publics pour alimenter des profits privés.

Face au scandale de la liquidation d’Air Littoral, Marie-George Buffet a réagi, la semaine dernière, en affirmant « qu’il faut avoir le courage de s’attaquer aux marchés financiers et aux actionnaires qui spéculent contre l’emploi et les salaires. Le PCF propose de convertir tous les emplois précaires en emplois stables, de créer une véritable sécurité d’emploi et de formation pour chaque salarié, et enfin d’interdire les licenciements boursiers ». Sans vouloir vraiment reprendre le même langage qu’Arlette Laguiller, il s’agit tout de même de montrer aux électeurs qu’on est prêt à interdire au moins certains licenciements. Même accompli sous la contrainte de la concurrence électorale, c’est tout de même un pas. Le PCF s’était bien gardé de le faire pendant tout le temps qu’il était avec Jospin au gouvernement.

… et l’autre dans un futur gouvernement

Au delà de cette adaptation aux circonstances, Marie-George Buffet n’a d’autre perspective à proposer aux travailleurs que la reconstruction d’une majorité de gauche - pas « populaire » celle-là - pour revenir, toujours à la remorque du PS, aux affaires en 2007. Les dirigeants du PCF insistent : contrairement à l’extrême-gauche, ils ne refusent pas de gouverner, ils ne sont pas seulement « protestataires »… Fustigeant LO et la LCR dans leurs meetings ou dans les medias, ils oublient rarement d’entonner ce couplet. Argument suprême, tout de même bien faible, pour convaincre les travailleurs de l’utilité de remettre en selle un PCF consentant d’avance à servir de rabatteur de voix aux dirigeants socialistes, puis de caution à un gouvernement de « gauche plurielle » bis…

Les militants communistes sont donc invités à redonner du souffle à une illusion : celle que le PS pourrait désormais à faire une politique plus à gauche, car il a pris un grand coup le 21 avril 2002. Voter pour le PCF permettrait donc de faire pression sur un PS à nouveau influençable. L’ennui, c’est que le PS ne l’aide pas du tout à entretenir cet espoir !

Soucieux de paraître toujours responsables à l’égard des affaires de la bourgeoisie, les dirigeants socialistes se sont montrés bien peu combatifs face au gouvernement Raffarin : ils ont ménagé la politique sécuritaire de Sarkozy, ils partagent le diagnostic gouvernemental officiel sur la crise de la sécu, ils ne se sont même pas engagés à revenir sur la loi Fillon de casse des retraites ! Difficile alors pour les travailleurs, et pour les militants communistes eux-mêmes, de s’enthousiasmer pour la future candidature présidentielle d’un Fabius ou d’un Strauss-Kahn, dont la politique, même enveloppée différemment, irait dans le même sens que celle de Chirac.

De toute manière, cette nouvelle « gauche populaire » de Buffet n’a pas été jugée indispensable au point que les dirigeants du PCF lui aient assigné un objectif national, puisqu’elle ne vaut que pour 8 régions sur 22 ! Dans les 14 autres, les directions régionales du parti ont fait voter à leurs militants la formation de listes d’union avec le PS, les faisant monter dès le premier tour dans le train d’anciens ministres de Jospin, comme Ségolène Royal en Poitou-Charente ou Michel Sapin dans le Centre. Fi du programme !

Dans le Nord Pas-de-Calais ou l’Ile-de-France, le PCF n’a pris le risque de listes autonomes que dans l’espoir d’être, mieux qu’au premier tour, en mesure de négocier avec le PS la fusion au deuxième, car il s’était vu offrir par le PS moins de places sur la liste commune que les Verts. Dans d’autres régions, il s’est au contraire résolu d’emblée à la portion congrue laissée par le PS, uniquement par crainte de n’avoir plus aucun élu s’il passait sous la barre des 5 %. Mais partout et dans tous les cas, le PCF n’a été guidé que par la volonté de maintenir le plus grand nombre de ses élus, le programme et les références à la défense des intérêts travailleurs n’étant que le cadet de ses soucis.

Bernard RUDELLI

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