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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 52, juillet-août 2007 > Sarkozy pour cinq ans ? Des fausses résistances… à la vraie riposte

Sarkozy pour cinq ans ? Des fausses résistances… à la vraie riposte

Les syndicats sous le charme du président

Mis en ligne le 29 juin 2007 Convergences Politique

À peine l’élection présidentielle passée, tout baignerait-il entre le président et les confédérations ? Même Bernard Thibault qui, à propos de Sarkozy, établissait un « parallèle avec les pays aux gouvernements particulièrement brutaux », serait-il amadoué ?

Pour sûr, il y a une opération Sarkozy. À la mi-mai, avant même son investiture, et à nouveau fin mai, les dirigeants de la CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC ainsi que de l’UNSA, ont défilé à la queue leu leu dans ses salons. Plusieurs ministres ont imité le chef : Éric Woerth a rencontré les syndicats de la fonction publique, Xavier Darcos les syndicats enseignants, et Xavier Bertrand des représentants de confédérations.

La reprise intensive du « dialogue social » fait des heureux. Bien sûr les dirigeants syndicaux ont émis des réserves. Thibault a répété que les thèses du gouvernement étaient proches de celles du patronat. Mais tous ont eu un mot pour se féliciter d’être ainsi invités et pris en compte. Thibault reconnaît qu’« il y a dialogue », qu’il ne s’agit pas de « protester a priori ». Mailly explique : « Nous jugerons donc aux actes. En fonction des choix retenus sur tous ces points, tout est possible, le meilleur comme le pire. » Inutile de parler de Chérèque, amoureux transis.

L’annonce d’un avant-projet de loi sur le droit de grève dans les transports, sorte d’ultimatum aux syndicats qui ont jusqu’au 12 juillet pour proposer des amendements, annoncerait-elle quelques nuages ? Peut-être. Mais à en croire les premières déclarations des leaders syndicaux, sûrement pas un orage bienfaisant.

Des syndicalistes heureux… pour peu qu’on les consulte

Les appels du pied de Sarkozy aux syndicats dès son élection n’ont pu vraiment surprendre que ceux qui pensaient que le nouveau président était d’une nature différente, plus « réac » sinon fasciste que ses prédécesseurs de droite. Car en France depuis des décennies, les gouvernements de toute couleur se sont prétendus adeptes du « dialogue social ». Un dialogue qui a pour but d’associer les syndicats aux mesures contre les travailleurs ou en tout cas de les compromettre et les neutraliser. Un dialogue où c’est le patronat et le gouvernement qui avancent leurs projets, et où les syndicats sont consultés pour en fin de compte laisser la place aux vrais décideurs. Les travailleurs ne peuvent vraiment rien attendre de ces palabres, mais seulement de leurs luttes.

À propos du « service minimum » dans les transports, Sarkozy avait d’entrée annoncé son intention de faire vite. Mais il précisait que sa future loi ne ferait qu’initier des négociations par entreprises, pour mettre en place ou renforcer des mesures comme le dispositif d’alarme sociale adopté en 2001 à la RATP par la CFDT et quelques autres, ou comme l’accord de « prévention des conflits » signé en 2004 à la SNCF par tous, CGT incluse. Thibault a déclaré : « Dès lors que le président de la République nous dit son intention de ne pas vouloir remettre en cause le droit de grève et qu’il n’y a aucune raison de lui faire des procès d’intention, on va essayer de le suivre. Mais ce sont les textes qui vont nous permettre de vérifier dans les actes qu’ils sont bien conformes au dialogue ». La CFDT en rajoutait : c’est dans toute la fonction publique qu’il faudrait « poser le problème de l’anticipation des conflits ».

Pas un mot pour dénoncer des négociations envisagées entreprise par entreprise, qui permettront de mettre quelques entraves supplémentaires au droit de grève. Ni le fait qu’en saucissonnant ainsi les accords, cela rendra plus difficile aux travailleurs de les combattre ensemble. En échange de la promesse de nouvelles négociations, les dirigeants syndicaux abandonnaient par avance la bataille !

On ne peut pas dire que les réactions syndicales aient été virulentes à l’annonce du projet gouvernemental, lequel propose rien de moins que l’obligation pour les grévistes de se déclarer individuellement deux jours à l’avance, un vote obligatoire au bout de 8 jours de conflit, de tous y compris les non grévistes, à bulletins secrets et organisé par la direction. La CFDT y voit une mise « sous tutelle » du droit de grève qui serait « contre-productive » pour le but cherché (limiter les conflits) et « attend du gouvernement et du parlement les améliorations nécessaires ». Plus radical, Didier le Reste, de la CGT transport, dénonce une remise en cause du droit de grève, mais pour rappeler qu’à la CGT « nous sommes disposés à négocier sur la question de la prévention des conflits ».

Cette première épreuve va être un test.

Des rencontres, en veux-tu en voilà !

Si les syndicalistes veulent des négociations, Sarkozy va leur en donner. Il a déjà programmé une série de rencontres pour les mois à venir. Outre celles relancées avec le Medef, trois conférences sociales sont envisagées à la rentrée (sur l’égalité salariale hommesfemmes, l’amélioration des conditions de travail et le pouvoir d’achat). D’autres encore pour 2008 : contrat de travail, « démocratie sociale », retraites... La CGT laisse entendre que dans ces négociations, le front syndical est uni, et en particulier que la CFDT n’est pas prête à signer séparément comme elle l’avait fait avec la réforme des retraites en 2003. Il est vrai que cette dernière avait payé aux élections professionnelles son positionnement de 2003 et peut être tentée de se refaire une image de fermeté (c’est une des raisons de son appui à la lutte contre le CPE).

En fait, l’unité syndicale n’est bien réelle que sur un point : l’accord pour aller négocier et trouver une première et intense satisfaction à se voir reconnaître par le président ou ses ministres une position d’interlocuteur et représentant des salariés. Rien qui s’annonce de bon, pour les travailleurs ! C’est une évidence que plus l’attitude des syndicats sera complaisante et moins le gouvernement se sentira obligé de leur faire des concessions, même minimes. Vérification vient d’en être encore faite : aucun coup de pouce cette année (et pourtant ce n’est qu’une misère) cette année à la hausse réglementaire du Smic au 1er juillet. Les rencontres de mai et juin ont vraiment porté des fruits !

Jusqu’à quel point Sarkozy jugera-t-il utile de discuter avec les syndicats pour mettre en œuvre son programme anti ouvrier et antipopulaire ? Quelles concessions est-il prêt à faire aux bureaucraties (places dans les structures de concertation, subventions ouvertes ou déguisées…) pour maintenir ce dialogue ? Jusqu’où les syndicats seront-ils prêts à aller dans leurs compromis ? On ne peut répondre aujourd’hui à ces questions. Les réponses, à vrai dire, ne peuvent venir ni des confédérations ni du gouvernement, mais plutôt des travailleurs… s’ils savent, par leurs propres réactions et leur riposte bousculer ce jeu totalement dirigé contre eux.

23 juin 2007

Michel CHARVET

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