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Les amis présidentiables d’Attac

9 novembre 2001

ATTAC réunissait son assemblée annuelle les 3 et 4 novembre à Tours. Devant un millier de délégués représentant les 30 000 adhérents revendiqués par l’association, ses dirigeants ont affiché leur satisfaction : les méfaits de la « mondialisation libérale » font désormais partie du discours de tous les ténors politiques qui, chacun à leur manière, courtisent l’association.

A commencer par Chirac et Jospin. Le premier s’est déclaré, au Conseil des ministres du 31 octobre, « très préoccupé de la mondialisation » tandis que le second ne se contente pas de simples déclarations : après avoir créé, l’été dernier, une cellule ministérielle sur la mondialisation, il vient de faire entrer Dominique Pilhon, le Président du Conseil scientifique d’ATTAC, au Conseil d’analyse économique, organisme qui est censé explorer les voies de la politique économique du gouvernement. Nomination qui vient après la création d’un secrétariat d’Etat à l’Economie solidaire qui, pour avoir des contours peu définis et un budget dérisoire, reprend le slogan cher à ATTAC.

Pour l’heure, les dirigeants de l’association répètent qu’« Ils ne roulent pour personne », entendez pour aucun des candidats, et le président d’ATTAC, Bernard Cassen, a déclaré : « Nous leur rappelleront leurs promesses en temps voulu ». Il reste qu’à la direction d’Attac, Bernard Cassen semble bien proche de Chevènement et Gisèle Halimi n’a jamais caché ses affinités avec la mouvance du parti socialiste. Mais les porte-parole d’ATTAC insistent sur le fait que leur organisation est une simple association, dont le but avoué est de faire du « lobbying ». Auprès de qui ? Répondant aux militants qui s’insurgeaient contre l’attitude des députés ayant rejoint ATTAC pour des raisons électorales, la vice-présidente de l’association, Susan Georges, expliquait : « On ne pourra pas influencer l’OMC, le FMI et la Banque mondiale sans passer par les élus et les gouvernements qui nous représentent. » C’est bien là qu’est le problème. En se refusant par avance la possibilité de mettre en oeuvre eux-mêmes les mesures politiques qu’ils préconisent, c’est-à-dire en refusant d’être un parti politique, les dirigeants d’ATTAC abandonnent à d’autres, les politiciens en place, la réalisation éventuelle de leur propre programme. Ce qui, en bon français, s’appelle tout de même « rouler » pour ces politiciens ! Et c’est bien là où les militants jaloux de leur indépendance d’esprit et d’action qui rejoignent ATTAC parce qu’il s’agit d’une association et non d’un parti, risquent des cruelles déconvenues.

Jospin et Chirac sont les principaux dirigeants d’une des principales puissances impérialistes de la planète et, comme tels, parmi les responsables de l’échange inégal qui est la base même des relations économiques entre pays riches et pays pauvres et que dénonce ATTAC. On ne peut peut-être pas imputer aux dirigeants d’ATTAC le fait que de tels hommes politiques s’approprient leur discours. Mais ils se gardent bien de dénoncer l’hypocrisie des Chirac et des Jospin.

Timide dans ses objectifs (la fameuse taxe Tobin), timide sur les moyens, le programme d’ATTAC finit par rallier un large arc en ciel politique. Au point qu’un journaliste du Figaro (5 novembre dernier) pouvait écrire : « La revendication d’une taxe sur les spéculations financières (dite Tobin) permettait d’unir dans un même combat les partisans d’une régulation du commerce international et les protectionnistes de droite ou de gauche ». C’est ainsi que les protectionnistes Chevènement et Hue comme les libre-échangistes Jospin et Chirac peuvent se retrouver dans ce programme ! Les dirigeants d’ATTAC ne roulent peut-être (encore) pour personne en particulier, mais réussissent à complaire à tous.

Evidemment, ATTAC ne se résume pas à ses dirigeants. Nombre de comités locaux regroupent des militants déçus par les partis de gauche qui ne veulent pas pour autant rallier l’extrême gauche. Certains d’entre eux ont l’impression de « construire une nouvelle gauche » - comme l’a dit un participant à l’assemblée annuelle de l’association -, de participer à une nouvelle « dynamique ». Des militants qui s’étaient réfugiés dans le syndicalisme ont le sentiment de renouer dans ATTAC avec l’action politique (y compris radicale, à l’image des manifestations de Seattle, Nice ou Gênes), tout en croyant ainsi échapper aux compromissions comme au sectarisme.

Mais c’est précisément la volonté de ne pas être un parti, de n’être « qu’une association », qui permet à la direction d’ATTAC de ne pas se faire élire, de prendre position et d’agir hors du contrôle des comités locaux. Même si on a l’innocence de croire à la bonne foi des dirigeants d’ATTAC, il n’est pas permis de manifester la même naïveté vis-à-vis du Parti Socialiste et de ses avatars qui se sont faits une spécialité, à toutes les époques, de s’emparer de mouvements aux objectifs flous, quand ils ne les créent pas eux mêmes, pour les transformer en officines dont le seul rôle est de tenter de ramener dans leur giron ceux que leur politique a écoeurés. Les exemples ne manquent pas, du PSU aux Motivés, en passant par les Verts ou SOS-Racisme. En l’absence de programme politique bien défini, la volonté proclamée de ne pas se faire « récupérer » n’est pas une garantie, tout au contraire.

Les militants communistes révolutionnaires ne sont pas « anti-mondialisation ». Ils sont anti-impérialistes, anti-capitalistes, justement pour que les frontières disparaissent et que l’essor mondial de l’économie puisse sortir tous les peuples du monde des temps barbares que nous vivons. C’est la seule façon conséquente de se battre dès aujourd’hui contre la barbarie capitaliste à l’échelle mondiale.

Jean-Jacques FRANQUIER

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