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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 40, juillet-août 2005

Le modèle anglais : changer les chômeurs en précaires

Mis en ligne le 4 juillet 2005 Convergences Monde

Un taux de chômage autour de 4,5 % ! Un chiffre sur lequel s’extasient hommes politiques et médias français depuis quelque temps. La recette de ce « modèle britannique » ? Un simple trucage de chiffres, répond au journal Libération un fonctionnaire anglais : « Vous savez comment on recycle les vieux papiers ? Eh bien, le Labour c’est pareil, il recycle les gens. Vous les mettez en formation, en apprentissage ou sur un contrat de six mois et ils disparaissent des statistiques ».

Montée des inégalités

De 1997 à 2001, les revenus des 600 000 plus grandes fortunes (1 % de la population) ont doublé (leur part dans la richesse nationale est passée de 20 à 23 %). Les hauts cadres, eux, ont vu leurs revenus augmenter de 165 % durant les huit dernières années. Tandis que le salaire minimum horaire, créé en 1998 à un niveau extrêmement bas (3,6 livres), n’a connu une hausse que de 35 % pour s’élever aujourd’hui à 4,85 livres (soit 7,1 €, en-dessous des 7,6 € du Smic français, dans un pays où le coût de la vie est deux fois plus élevé qu’en France !). Et il ne s’agit en plus que d’un salaire horaire, ne garantissant absolument pas un revenu mensuel.

Des travailleurs pauvres

Or, au Royaume Uni, 8 millions de travailleurs, serveurs, agents de sécurité, employés de supermarché, etc., sont à temps partiel : deux fois plus qu’en France. Conséquence, cette hausse « spectaculaire » du Smic dont Blair se félicite, n’empêche absolument pas des salaires de misère. Prenons un exemple : une employée qui prépare les déjeuners pour les cantines scolaires, embauchée pour 3 heures par jour au milieu de la journée, et pouvant donc difficilement avoir une autre activité, doit se contenter à la fin de la journée de... 21 €. Derrière le faible taux de chômage affiché se cachent donc un nombre considérable de travailleurs pauvres. Ils constituent une grande proportion des 17 % de pauvres recensés, chiffre qui, lui, ne fait guère la une des journaux. Quant aux retraités, ils sont 20 % à vivre sous le seuil de pauvreté, avec un revenu moyen de 550 € par mois. Et qu’en sera-t-il pour les retraités de demain ? Qui parmi les travailleurs précaires d’aujourd’hui a les moyens de cotiser à une retraite complémentaire d’entreprise, complément indispensable à la misérable retraite d’État ? Pas grand monde : 53 % des salariés du secteur privé n’en bénéficient pas.

Une seule politique de Thatcher...

Cette explosion de la précarité, c’est le résultat d’une politique de contrôle et de pression sur les chômeurs, déjà en œuvre pendant l’ère Thatcher-Major et aggravée par Blair. Sous les deux gouvernements tory, les mesures n’ont en effet pas manqué : à la fin des années 1980, Margaret Thatcher supprime l’indemnité des chômeurs de moins de 18 ans, impose une suspension d’allocation de 6 mois aux « mauvais » chômeurs (par exemple ceux licenciés pour faute grave). Son successeur, John Major, s’attaque à partir de 1994 à la durée et au montant des allocations : la durée d’indemnisation passe de 12 à 6 mois et le montant tombe à un niveau très bas, un des plus bas d’Europe : 360 € par mois et 280 € pour les moins de 25 ans. En un an les statistiques officielles s’allègent d’un million de chômeurs. Miracle ?

... à Blair : subventions pour le patronat, travail forcé pour les chômeurs

À partir de 1997, les travaillistes non seulement ne reviennent pas sur ce qui a été fait mais vont encore plus loin : création du New Deal (la Nouvelle Donne), censé « inciter à l’emploi » les jeunes de 18-24 ans, les mères célibataires, les plus de 55 ans et les handicapés. L’objectif est de contraindre les chômeurs à prendre le premier emploi venu, aussi précaire et mal payé soit-il. Le New Deal for Young People (Nouvelle Donne pour les jeunes) en est le volet principal. Le jeune chômeur doit se soumettre à de multiples entretiens (censés établir des bilans de compétences personnalisés ou aider à rédiger des lettres de motivation) sous peine de se voir supprimer tout ou partie de ses allocations. Cette « aide intensive à la recherche » d’emploi dure 4 mois. Si au terme de cette période le jeune n’a rien trouvé, plusieurs options s’offrent - ou plutôt s’imposent - à lui : un emploi subventionné pendant 6 mois par l’État, un emploi bénévole (secrétariat, vente, entretien des chemins de fer, des bâtiments ou des jardins publics), une formation d’un an ou encore une aide à la création d’entreprise. S’il ne s’en contente pas, il est radié.

Seuls 30 000 à 40 000 jeunes auraient ainsi trouvé du travail depuis 1998, et pour la plupart pas au-delà d’une durée moyenne de 13 semaines. Il faut dire que grâce à une autre mesure du gouvernement Blair, une sorte de Smic-jeune pour les moins de 21 ans (à 4,10 livres, soit 6 €), les patrons ne se gênent pas pour se débarrasser de ceux-ci dès qu’ils passent au tarif « adulte ». Ces jeunes n’ont alors comme perspective que d’enchaîner les petits boulots.

Dans le même esprit, ont été créés des crédits d’impôt, les Working Tax Credit, destinés aux foyers à très bas revenus : y ont droit les familles dont l’un des membres au moins travaille 16 heures par semaine minimum, mais pas les célibataires sans enfant ! Le principe de ces crédits d’impôt est d’augmenter les revenus d’un foyer à peine plus que ce qu’il aurait touché en percevant les indemnités chômage. En clair, il subventionne les très bas salaires et entretient une main d’œuvre extrêmement précaire que pas grand chose ne distingue de chômeurs.

Ainsi, si « miracle anglais » il y a, le seul miraculé en est le patronat : bas salaires (avec en plus un « Smic » à deux vitesses), emplois subventionnés, aides aux très bas revenus, toutes ces mesures ont encouragé le développement d’une main d’œuvre mobile et très bon marché, qu’on peut jeter comme des kleenex grâce à l’absence de réglementation des licenciements. Et cela, non seulement dans les secteurs depuis longtemps concernés comme le bâtiment, la restauration et ou le commerce, mais aussi dans les grandes entreprises où se sont répandus les contrats sans garantie d’horaire de travail minimum.

La classe ouvrière anglaise, elle, a vu dans le même temps sa situation se dégrader dramatiquement : à côté des 828 000 demandeurs d’emplois officiels, il y a tous ces chômeurs déguisés que cachent le travail à temps partiel (ne dépassant souvent guère 16 heures) et les 2,7 millions d’« invalides » du travail (7,5 % de la population active !). Parmi eux, de nombreux ouvriers d’industrie de plus de 50 ans, licenciés lors des grandes restructurations des années 1980-1990, que les ANPE locales avaient alors fait passer sous ce régime. Intégrés dans les statistiques, ces « oubliés » porteraient le nombre de chômeurs à quelque 4 millions... à peu près comme il y a dix ans ou comme en France ou en Allemagne aujourd’hui.

Agathe MALET

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Réactions à cet article

  • Vu sur le site http://www.actuchomage.org

    Le modèle libéral britannique : emploi et chômage (étude de 1998)

    En apparence, le chômage est moins élevé en Grande Bretagne, où le libéralisme est à l’oeuvre, y compris avec la variante « travailliste ».

    Cependant, la façon de compter les chômeurs en Grande Bretagne est très différente de celle utilisée en France et certaines études britanniques dénombrent deux à trois fois plus de chômeurs que les chiffres officiels.

    ...

    Une explication de la faible importance apparente du chômage britannique réside pour beaucoup dans le fait que, malgré l’augmentation de la population en âge de travailler, la population active diminue du fait :

    • du refus de comptabiliser comme chômeur (population active) un grand nombre de femmes en situation de chômage,
    • du retrait du marché de personnes découragées par l’excès de précarité des emplois et surtout l’extrême faiblesse de certains salaires (parfois le tiers du Smic français),
    • de l’explosion du nombre de bénéficiaires des prestations d’invalidité permanente : 2 500 000 en 1995, (c’est la méthode hollandaise).

    ...

    Le chômage officiel britannique reste cependant très important si l’on considère :

    • l’extrême faiblesse des allocations chômage pour ceux qui peuvent en bénéficier : en 1996, allocation moyenne pour la première année de chômage égale à 19 % du salaire antérieur, ce qui oblige à travailler à n’importe quelles conditions et salaire pour ne pas mourir de faim,
    • l’existence de contrats de travail avec zéro heure garantie par semaine : le « salarié » doit rester disponible et attendre chez lui qu’on l’appelle (il n’est pas chômeur puisqu’il bénéficie d’un « contrat de travail »).

    ...

    Entre 1985 et 1995, la création d’emploi a été plus faible en Grande Bretagne que la moyenne de l’Union Européenne, soit en moyenne annuelle : + 2,9 % en Grande Bretagne, + 3,3 % en France, + 4,5 % en Allemagne de l’ouest.

    De 1973 à 1994, alors que l’indice du P.I.B. britannique passait de 100 à 143, celui de l’emploi passait de 100 à 103,7 seulement et malgré une forte substitution d’emplois à temps partiel à la place d’emplois à temps plein.

    ...

    Et aussi :

    • pas de limite légale (minimum et maximum) à la durée hebdomadaire du travail,
    • préavis de licenciement très court,
    • la période d’essai à l’embauche peut aller jusqu’à vingt quatre mois (possibilité d’un licenciement immédiat),
    • forte proportion d’enfants obligés de travailler, parfois très jeunes, et en plus de leur horaire scolaire, pour aider leur famille à survivre.

    L’article est de 1998 mais garde toute sa valeur et est toujours d’actualité, à quelques détails près.

    Voir plus d’informations à cette adresse :

    http://travail-chomage.site.voila.fr/ancien/model_brita.htm .

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  • Vu sur le site http://www.actuchomage.org

    Plus d’emplois créés en France qu’en Angleterre en 15 ans

    En quinze ans, de 1990 à 2005, la France a créé davantage d’emplois (2 520 000 : +11,25%) que l’Angleterre (1 520 000 : +5,82%). Le modèle libéral britannique n’est donc pas supérieur au modèle social français.

    Les deux pays ont une population totale équivalente (60 millions d’habitants) et une population en âge de travailler voisine (37 millions). La population active (ayant un emploi ou au chômage) est un peu plus importante en Angleterre qu’en France (29 contre 27,6 millions).

    De 1990 à 2005, la France a créé 2 520 000 emplois (+11,25%) contre 1 520 000 au Royaume Uni (+5,82%). Dans le même temps, la population en âge de travailler (de 15 à 59 ou à 64 ans) a augmenté d’une valeur équivalente dans les deux pays. ...

    Pour résumer, devant une augmentation semblable de la population en âge de travailler dans les deux pays, la population active a beaucoup diminué en Grande Bretagne (1 210 000) du fait d’un retrait massif d’activité (préretraites et surtout invalidité), permettant une diminution du chômage de 580 000 personnes. En France, la population active a davantage augmenté que la population en âge de travailler (690 000) du fait d’une importante demande d’emploi, entraînant une augmentation du chômage de 520 000 personnes.

    Ainsi, si la différence dans le nombre de chômeurs a augmenté en quinze ans entre la France et l’Angleterre, cela n’est pas du aux prétendus mérites du modèle libéral britannique mais à la mise à l’écart d’une partie importante de la population active. Les chômeurs ont surtout été transformés en invalides. ...

    Un emploi à temps partiel dont la durée moyenne est de 23,2 heures en France et de 15,7 heures en Angleterre n’a pas la même valeur qu’un emploi à temps plein dont la durée moyenne est de 39,0 heures en France et de 37,2 heures en Angleterre.

    L’emploi à temps partiel est beaucoup plus développé en Angleterre, avec des salaires réduits en conséquence. En 2005, 25,5 % des emplois anglais sont à temps partiel comparé à 17,2 % des emplois français. ...

    Le nombre d’heures travaillées chaque semaine (environ 910 milliards) est identique en France et en Grande Bretagne, malgré un nombre d’emplois différent. Cela s’explique encore mieux en comparant la durée réelle du travail (ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel) : 31,72 h en Angleterre et 36,28 h en France (par semaine).

    Les statistiques sont plus tenaces que certains discours.

    Voir plus de détails, avec tableaux statistiques, à cette adresse :

    http://travail-chomage.site.voila.fr/britan/emploi_15ans.htm

    (le texte complet peut être imprimé ... pour en faire bon usage d’ici 2007).

    Un autre article est en préparation « Durée du travail : 32 heures en Angleterre » sur le même site :

    http://travail-chomage.site.voila.fr/index2.htm

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  • Vu sur le site http://www.actuchomage.org

    Durée du travail : 32 heures en Angleterre

    La durée moyenne du travail, pour l’ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel, est de 32 heures par semaine en Grande Bretagne et de 36,28 heures en France.

    Ainsi, les français travaillent quatre heures de plus que les anglais chaque semaine.

    La durée moyenne du travail en Angleterre est de 32 heures par semaine pour l’ensemble des personnes actives occupées : salariés (employee), indépendants (self-employed), aides familiaux de l’agriculture ou du commerce et autres personnes.

    En valeur ajustée des variations saisonnières, la durée hebdomadaire est en moyenne de 32,1 heures pour l’ensemble des travailleurs britanniques, soit : 37,2 heures pour l’emploi à temps complet, 15,7 heures pour l’emploi à temps partiel.

    Une proportion non négligeable des emplois anglais ont une durée inférieure à quinze heures par semaine et même à six heures par semaine. Pour le même coût, vous avez six travailleurs au lieu d’un, ce qui améliore les statistiques de l’emploi et diminue, en apparence, l’importance du chômage. ...

    Les laudateurs du libéralisme économique voudraient nous faire croire que l’importance du chômage en France est due à la faible durée du travail dans notre pays. Le discours souvent répandu est aussi de faire croire que l’on ne travaille que 35 heures en France contre beaucoup plus dans les pays qui « réussissent » dans la lutte contre le chômage.

    La durée du travail n’est pas de 35 heures par semaine en France mais de 39,0 heures pour le travail à temps complet ou de 36,3 heures en moyenne pour l’ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel. En effet, la durée moyenne des emplois à temps partiel est de 23,2 heures et ceux-ci représentent 17,2 % de l’emploi total. Le calcul se fait donc en tenant compte de l’importance relative de chaque type d’emploi. ...

    Mais, dirons les libéraux, avec tous ces congés payés et ces jours fériés, les français travaillent moins sur l’année entière que les anglais. Et bien non, la différence est seulement d’une semaine de congés payés et de trois jours fériés en moins en Angleterre, lorsque les jours fériés sont en semaine (ni samedi, ni dimanche).

    Sur l’année, pour 45,4 et 47,0 semaines respectivement, la durée moyenne est :

    • en France : 36,3 h x 45,4 = 1 648 heures annuelles,
    • en Angleterre : 31,7 h x 47 = 1 489,9 heures annuelles, soit 10,6 % de moins.

    Pour les seuls emplois à temps plein, vision partielle (partiale) de la réalité, nous avons :

    • en France : 39,0 h x 45,4 = 1 770,6 heures annuelles,
    • en Angleterre : 37,2 h x 47 = 1 748,4 heures annuelles ...

    Plus de précisions à cette adresses :

    http://travail-chomage.site.voila.fr/britan/32h.htm

    (le texte complet peut être imprimé ... pour en faire bon usage d’ici 2007).

    ...

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