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Le capitalisme dans un nouvel épisode de récession

13 juillet 2001

Rares sont les naïfs qui ont pris au sérieux les promesses de « plein emploi à l’horizon 2010 » formulées il y a presque deux ans, dans une université d’été des socialistes, par Lionel Jospin. Guère plus crédible était le pronostic d’une croissance qui se poursuivrait au rythme annuel moyen de 4% sur la décennie à venir. Et puisqu’il paraît qu’il eut jadis un vernis d’idées marxistes, Jospin devait être le premier à savoir à quel point il dupait son monde, à commencer par les membres de son propre parti.

La déconfiture actuelle des hérauts de la « nouvelle économie », de la « net économie », de l’« e-business », etc., n’est qu’une nouvelle illustration de l’anarchie inhérente au système capitaliste. Non que la croissance des dernières années, et notamment celle des secteurs liés à l’informatique, à l’internet, au téléphone portable, aux biotechnologies, ait été pur mirage. Mais cette croissance s’est accompagnée d’une poussée de fièvre spéculative et d’un flux d’investissements de plus en plus déconnectés des besoins réels du secteur.

La demande mondiale de biens et services liés aux nouvelles technologies à commencé à ralentir dès la mi-1999. Les producteurs ont cependant accentué leurs investissements sur la base des projections antérieures, les banques ont continué à leur accorder des crédits, les gestionnaires financiers n’ont pas cessé d’acquérir des titres dont la valorisation boursière supposait des niveaux de profits futurs très élevés.

Ce n’est qu’au milieu de l’année 2000 que les entreprises ont pris conscience du niveau élevé des stocks et des erreurs commises en matière d’investissement. La correction a d’abord affecté les « start up », ces « jeunes pousses » ratiboisées dès le premier mouvement de panique. La « bulle des nouvelles technologies » a crevé sous l’effet des nombreux « profit warnings », c’est à dire de la révision à la baisse des niveaux de profit escomptés.

Tout montre aujourd’hui que le retournement de tendance ne restera confiné ni aux secteurs « high tech », ni à la sphère financière : d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, les organismes de prévision ne cessent de corriger à la baisse leurs estimations de croissance pour l’année en cours. Aux Etats-Unis, la Federal Reserve s’est engagée dans un mouvement de baisse des taux d’une ampleur sans équivalent depuis 20 ans, injectant massivement des liquidités dans l’économie afin de soutenir l’investissement mais aussi la spéculation financière. Difficile de croire qu’elle puisse ainsi enrayer la récession, d’autant que celle-ci prend un caractère mondial : « Le ralentissement économique, qui a ramené l’utilisation des capacités de production aux Etats-Unis à des niveaux comparables à ceux de la récession de 1982, s’étend maintenant à l’Europe, à l’Amérique du Sud et à certaines parties de l’Asie », explique, tout déconfit, le président du trust américain Du Pont de Nemours.

Rien ne permet encore de dire si cet épisode de dépression présentera un caractère aigu et s’accompagnera, comme en 1974-75 et en 1991-93, d’un recul absolu de la production des pays industrialisés, c’est-à-dire de taux de croissance négatifs, ou s’il s’agira d’un simple ralentissement de la croissance, lequel suffirait toutefois à entraîner la recrudescence du chômage. Mais il faut souligner que, contrairement à celle du début des années 90, la crise actuelle s’annonce de façon relativement synchronisée en Europe et aux Etats-Unis, tandis que le Japon, lui, s’enfonce dans la récession la plus profonde de son histoire, en dépit de taux d’intérêts nuls et de subventions publiques massives. Les pays industrialisés courent donc le risque de s’entraîner l’un l’autre dans le marasme, ce que faciliterait leur interdépendance croissante liée à la fameuse « mondialisation » des dernières années.

En Europe, plus de 50% des emplois créés à l’occasion de la reprise l’ont été sous forme précaire. Ces emplois n’en seront que plus sensibles à la dégradation de la conjoncture : d’ailleurs, au delà des annonces fracassantes de plans sociaux, c’est bien plus discrètement que les grands groupes ont déjà mis fin à des milliers de CDD et de missions temporaires.

Les promesses fallacieuses de croissance économique indéfinie et de fin du chômage ne sont donc plus de mise, et le gouvernement Jospin entonne progressivement, et d’abord par la voix de Laurent Fabius, une autre chanson : celle des temps difficiles, de la rigueur et des nécessaires sacrifices. Les milieux populaires n’ont guère profité de la période d’expansion, ni en termes de revenus, ni en termes de stabilité de l’emploi : on s’apprête pourtant déjà à leur présenter l’addition.

Dans un tel contexte, unifier les combats partiels des travailleurs autour d’une politique de lutte contre le patronat et le gouvernement, pour l’interdiction des licenciements, est toujours plus d’actualité.

Julien FORGEAT

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