Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Autres > Tribunes de la Fraction dans l’hebdomadaire Lutte ouvrière > 2006 > janvier > 31

Le 7 février : une occasion de faire monter la colère

31 janvier 2006

Pour faire passer son Contrat première embauche, le gouvernement veut aller vite. Il l’a glissé en amendement dans le projet de loi sur « l’égalité des chances » déjà déposé, loi qui comporte aussi l’apprentissage dès 14 ans et le « contrat de responsabilité parentale » menaçant les parents de leur couper les allocations familiales en cas d’absence scolaire des enfants. Il a inversé le calendrier parlementaire pour entamer la discussion de cette loi dès le 31 janvier, en « procédure d’urgence ». Il veut boucler le tout au 21 février.

Le gouvernement compte probablement sur les vacances scolaires pour éviter une forte mobilisation des jeunes. Il espère que l’opinion publique, prise de court, n’aura pas le temps de réaliser toute l’indécence de l’argument qu’un contrat même précaire serait toujours mieux que rien. Et il escompte surtout que, la loi passée à l’esbroufe, la gauche et les confédérations syndicales abandonnent le combat après une protestation symbolique. La première pour nous renvoyer aux élections de l’an prochain, les secondes pour nous proposer une nouvelle journée d’action... dans six mois. Villepin a déjà réussi son coup en août dernier en imposant par ordonnance le CNE, cette première copie du CPE.

Car les états-majors de la gauche et des syndicats n’étaient alors pas moins unanimes qu’ils se le disent aujourd’hui contre le projet gouvernemental. Alors...

Certes on peut se réjouir qu’ils aient été plus réactifs cet hiver que l’été dernier, que le Parti socialiste claironne sa volonté de combattre aussi bien au parlement que dans la rue et mobilise ses organisations de jeunesse comme les syndicats étudiants ou lycéens qu’il dirige aux côtés de celles du PCF ou de l’extrême gauche, que les confédérations syndicales aient mis quatre semaines et non quatre mois pour mettre sur pied une journée de manifestations à travers le pays.

Méfiance pourtant. Le PS avance déjà son contre-projet ou plutôt ses contre-projets puisque Hollande et Fabius ont chacun le leur : « contrat sécurité formation » pour le premier, « contrat sécurité insertion » pour le second ! Et il n’y a pas que le nom qui les rapproche puisque, malgré le flou dont leurs auteurs les entourent à dessein, il s’agirait encore une fois de nouveaux types de contrats précaires... adossés à de nouvelles subventions aux patrons. Parfait peut-être pour le futur candidat de 2007 qui voudrait s’attirer à la fois les faveurs du Medef et celle de la jeunesse, mais certainement pas la marque de gens qui entendent mener vraiment un combat pour faire reculer Villepin aujourd’hui.

Quant aux confédérations syndicales elles ont d’avance limité l’objectif de la journée du 7 février, au retrait du seul CPE, pas même étendu à celui du CNE, sans parler de la nécessaire lutte contre la précarité en général qui ne cesse de se développer, contre les embauches à temps partiel et à horaires morcelés que connaissent notamment tous les employés de supermarchés, du nettoyage et autres services, ou encore contre les licenciements, qui se multiplient à nouveau en ce moment même, tous problèmes indissolublement liés. Pas vraiment le signe là non plus d’une volonté de proposer et d’entamer une lutte d’ampleur même contre la seule précarité. Dans quelques temps Chérèque s’apprêterait à nous dire qu’il a, comme pour le CNE, obtenu quelques aménagements qui rendraient le CPE plus acceptable ou Thibault qu’il n’a pu poursuivre parce que les autres syndicats n’ont pas voulu, comme il vient de le déclarer dans l’Humanité à propos du 4 octobre dernier, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

Il est évident pourtant qu’il ne faudra pas s’arrêter le 7 février, ni même le 21, qu’à cette date le gouvernement ait réussi ou non à faire voter sa loi par un parlement et un sénat à sa botte. Ni limiter la mobilisation à celle de la jeunesse, ce dont la petite fraction déjà mobilisée a bien conscience, puisque le premier geste des organisations étudiantes et lycéennes, loin d’être dominées par les gauchistes pourtant, a été de se tourner vers les syndicats ouvriers. Car il est évident aussi que si les jeunes sont les premières cibles du CPE, c’est un nouveau coup contre tous les salariés, qui prépare le coup suivant et déjà annoncé par Villepin lui-même : la fin du CDI et son remplacement par un « Contrat unique » (c’est-à-dire un CNE ou un CPE étendu à tous les salariés et toutes les entreprises), celui qui coifferait vingt ans de marche à la précarité pour tous, vingt ans qui ont vu se multiplier tous les types possibles d’emplois précaires, CDD, stages non rémunérés, Contrats formation, Contrats en alternance, on en passe et des pires, et vingt ans qui ont vu aussi le chômage grandir sans cesse (comme quoi nous serions bien fous d’accepter la précarité sous prétexte de combattre le chômage : les deux font absolument la paire).

Il faut faire de la journée du 7 février la plus grande réussite possible. Mais elle ne peut être qu’une première manche faite pour encourager à s’y mettre de nouvelles troupes dans le monde du travail et donner à plus de jeunes l’envie de revenir dans la rue de plus en plus nombreux et le plus vite possible.

Il n’est pas sûr que ses organisateurs mêmes la conçoivent comme cela. Heureusement cela ne dépend pas que d’eux, mais aussi des jeunes et des travailleurs. A l’extrême gauche, du moins celle qui ne se satisfait pas d’attendre, d’en convaincre le plus grand nombre possible.

Olivier BELIN

Imprimer Imprimer cet article