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La politique de Le Pen est au pouvoir

11 octobre 2005

Un lycéen sans papiers, père d’un enfant en bas âge né en France, sauvé in extremis de l’expulsion par la mobilisation de son lycée ; deux adolescents dont la mère congolaise était interpellée en attente d’expulsion, contraints de se cacher avec l’aide d’associations des droits de l’homme ; une opération d’expulsion d’un tiers de la population de la colonie française de Mayotte : l’actualité fourmille d’actions du gouvernement, largement médiatisées, contre les immigrés. Opérations policières - « au karcher » selon Sarkozy - dans des cités HLM à majorité « black » et « beur » ; exploitant honteusement les incendies meurtriers dus à une politique criminelle du logement, expulsions de sans-logis majoritairement étrangers qui squattaient des locaux délabrés ; pour les sans-papiers : multiplication des expulsions, dont des lycéens, refus de l’accès à la santé, refus d’inscription pour les étudiants ; nouvelles lois sur l’accueil et la nationalité ; attaques contre les associations de défense des immigrés ; nouveau « plan » de Sarkozy sur l’immigration... Tout est fait pour montrer du doigt les étrangers. Pour laisser entendre que tous les maux de la société française seraient dus à une invasion de la France par la misère du tiers-monde. Même entreprise politique ailleurs en Europe : des campagnes sont orchestrées, des mesures prises contre les immigrés en Espagne, en Italie, en Grande Bretagne...

Le problème des travailleurs n’a pourtant rien à voir avec l’immigration : les licencieurs de Hewlett Packard ou de la SNCM, les profiteurs de Total qui bloquent les salaires, ou enfin les gouvernants qui suppriment des emplois dans les services publics ne s’appellent pas Mohamed ou Mamadou ! Moins les gouvernants sont mobilisés contre le chômage, la misère, l’absence de logement et d’avenir pour les jeunes des milieux populaires et plus ils manient le bâton contre les immigrés.

Compétition ou collaboration, les déclarations racistes de Sarkozy répondent au discours musclé et répressif de Villepin. Les ministres brossent dans le sens du poil le public tenté par la démagogie d’extrême-droite, de Le Pen à De Villiers. Cette campagne n’est pas seulement à visées électorales. Le gouvernement sait parfaitement que le patronat des chantiers, du textile du Sentier, de la restauration et de bien d’autres secteurs ne pourraient réaliser leurs profits sans surexploiter les sans-papiers et les travailleurs les plus précarisés. Il sait parfaitement que les aigrefins de l’immobilier jouent sur la misère, utilisent même les squats pour réaliser des investissements fructueux. La répression gouvernementale ne fait qu’accroître l’insécurité des sans-papiers et des sans-logis, les livrant aux patrons, aux mafias des faux papiers, et aux marchands de sommeil. Avec pour résultat des travailleurs surexploités, qui ne peuvent déclarer un accident du travail, qui ne peuvent se soigner, que des patrons refusent à l’occasion de payer à la fin d’un chantier.

Malheureusement, les milieux populaires et même ouvriers sont loin d’être insensibles à ce type de propagande dont Le Pen a depuis longtemps fait ses choux gras. Si la droite et l’extrême droite sont à l’offensive dans cette entreprise d’intoxication, on ne peut pas dire que la gauche et les syndicats se soient mobilisés contre, ni même soient toujours clairs. La gauche autant que la droite a fait dans ce domaine ses preuves au gouvernement. Cresson et Chevènement, quand ils étaient ministres de l’intérieur, ont montré que la matraque de gauche frappait aussi fort les immigrés et les sans papiers que la matraque de droite. Cresson se vantait d’affréter plus de charters de sans-papiers que la droite. Chevènement rajoutait une louche aux lois contre les sans-papiers, appelées depuis lois Pasqua-Chevènement-Debré-Sarkozy.

Ce serait normalement le rôle des organisations qui se réclament du monde ouvrier de combattre cette politique, et d’informer de la responsabilité de l’impérialisme français dans les situations catastrophiques des pays à l’origine de l’immigration. Si le rêve d’une grande partie de la jeunesse du Maroc ou du Mali est d’entrer en Europe, malgré les difficultés d’y parvenir et les conditions désastreuses qui souvent les y attendent, c’est pour fuir une misère épouvantable. Pourquoi des travailleurs maliens, algériens ou ivoiriens devraient-ils être interdits de territoire en France alors que les patrons français réalisent une part importante de leurs profits dans leurs pays, pillent les richesses du sol et du sous-sol, soutiennent - au besoin par des interventions militaires - des dictatures à leur service. De l’or et des pierres précieuses du Mali, du gaz et du pétrole d’Algérie, du Tchad ou du Gabon, les peuples ne voient pas la couleur des revenus, qui sont partagés entre une caste dirigeante et les trusts des pays impérialistes. Trop d’étrangers en France ou trop d’exploiteurs et de soldats français dans les anciennes colonies d’Afrique et du Maghreb ? Trop de troupes françaises en Côte d’Ivoire ou au Tchad, trop de trusts comme Total au Gabon ou en Algérie !

Le combat pour la défense des travailleurs immigrés fait partie intégrante de la lutte de la classe ouvrière face à l’offensive actuelle des patrons et du gouvernement contre l’ensemble des salariés. Si les travailleurs acceptaient la division, face à leurs exploiteurs communs, ils se retrouveraient encore davantage en position de faiblesse et auraient le prix fort à en payer.

Robert PARIS

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